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M. Dominique Potier interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur l'achat par l'État de la Société française Donges-Metz (SFDM). Il se réjouit du fait que l'État soit revenu sur sa décision, après avoir essayé de vendre l'oléoduc allant de Donges à Metz et ait décidé de reprendre la gestion de cette infrastructure qui constitue un monopole naturel. Cependant il s'interroge quant au montage juridique de l'achat de l'entreprise SFDM. Il rappelle que la SFDM était chargée de l'exploitation du système oléoduc Donges-Melun-Metz aux termes du décret du 24 février 1995 pour une durée de 25 ans, prolongée de deux ans par un décret du 14 février 2020. Cette société devait, au terme du contrat, remettre « immédiatement et gratuitement » les installations à l'État sur le fondement de l'article 41 al. 2 du contrat. En application de la jurisprudence du Conseil d'État (CE, 21 décembre 2012, n° 342788, Commune de Douai), la fin du contrat n'aurait donc rien coûté à l'État si celui-ci avait attendu le terme défini par les parties, à savoir le 22 février 2022. Aucune indemnité n'était due pour les biens puisque l'article 41 al. 2 du contrat prévoyait explicitement ce retour gratuit, ni pour le manque à gagner puisque le contrat arrivant à son terme il n'y avait aucun préjudice pour la SFDM. Pourtant, l'État a fait un autre choix (après une tentative infructueuse de vente des infrastructures) : racheter la SFDM à ses propriétaires (le groupe Bolloré Energy à hauteur de 95,05 % et le port maritime de Nantes-Saint- Nazaire à hauteur de 4,95 %). Cette décision a été prise sur le fondement du décret n° 2021-1635 du 14 décembre 2021 (JO du 15/12/2021) et de deux arrêtés adoptés le 5 janvier 2022 pour mettre en œuvre cette décision. Le coût de cette dernière n'est pas neutre pour le budget de l'État puisque le rachat s'est élevé à 32 655 630 millions d'euros (31 039 176 euros pour le groupe Bolloré Energy et 1 616 454 euros). Pourtant, l'État disposait d'autres options dont le coût aurait été bien moins élevé, voire complètement neutralisé, pour préserver la continuité de cette activité et trouver un mode de gestion approprié pour la suite. En effet il pouvait décider d'une prolongation de la durée contractuelle pour soit organiser une nouvelle mise en concurrence pour un nouveau contrat (code de la commande publique, art. L. 1), soit préparer la création d'une entreprise publique dédiée à l'exploitation de cette activité. Il apparaît au surplus que, à la fin normale du contrat conclu initialement avec la SFDM, l'État aurait dû obtenir la rétrocession de la trésorerie constituée par la SFDM sur les biens de retour (CE, 18 octobre 2018, n° 420097, Société d'électricité de Tahiti) et ne devait pas indemniser les actifs non amortis (le contrat prévoyait le retour gratuit). Dès lors que l'État disposait d'autres choix qui n'entraînaient aucune conséquence sur un plan budgétaire et eu égard à la date à laquelle a été décidée cette opération de rachat de la SFDM (2 mois avant le terme du contrat), la somme acquittée par l'État auprès du groupe Bolloré Energy et le port de Nantes-Saint-Nazaire constitue une libéralité, ce qui est interdit par le droit (CE, 17 mars 1893, Chemins de fer de l'est, D. 1894, p. 119, concl. Romieu ; CE, 19 mars 1971, n° 79962, Sieurs Mergui ; CE, 6 déc. 2002, n° 249153, Syndicat intercommunal des établissements du second cycle du second degré du district de l'Haÿ-les-Roses). Dans ces conditions, il demande au ministre de l'économie et des finances de retirer le décret n° 2021-1635 du 14 décembre 2021. Il lui rappelle que, en application de la jurisprudence administrative, l'autorité administrative dispose d'un délai de 4 mois pour retirer un acte réglementaire illégal (CRPA, art. L. 243-3), soit jusqu'au 14 avril 2022 au cas d'espèce.
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