Mme Constance Le Grip alerte Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, au sujet de la circulaire du 2 juin 2016 de politique pénale et de son application. À juste titre, celle-ci indique que « la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et toutes les formes de discrimination, sources de violences importantes, portent atteinte à la cohésion nationale et aux valeurs de la République » et que « ces infractions contre les personnes ou les biens, d'attaques ou dégradations contre des lieux de culte, voire de faits de provocation ou d'apologie du terrorisme, justifient une très grande réactivité de la part des parquets et des parquets généraux, conformément aux instructions données en ce sens dans plusieurs dépêches et circulaires ». Pourtant, une affaire récente du mois d'avril 2017 s'étant déroulée à Paris, un meurtre, évoqué publiquement par le Président de la République, et portée à l'attention du Gouvernement lors de la séance des questions au Gouvernement, interroge sur la non-application de la circonstance aggravante d'antisémitisme. Le prévenu, déjà condamné pour une vingtaine de condamnations pour violences et vol, a été mis en examen pour homicide volontaire. Pourtant, les faits établis au cours de l'enquête et rendus publics ne laissent que peu de doute sur les motivations de celui-ci : en pleine nuit, le prévenu s'est introduit dans l'appartement de la victime en passant par le balcon, avant de proférer diverses insultes et slogans communs aux djihadistes, de rouer la victime de coups et de la précipiter par la fenêtre du deuxième étage. Les enquêtes de voisinage révèleraient que des insultes explicitement antisémites auraient été proférées préalablement. Elle lui demande donc de bien vouloir lui apporter des précisions quant aux critères d'application de la circonstance aggravante d'antisémitisme pour les homicides volontaires.
La lutte contre le racisme, l'antisémitisme et toutes les formes de discrimination est l'une des priorités de l'action du ministère de la justice. La loi no 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté a modifié l'article 132-76 du code pénal, qui définissait la circonstance aggravante de racisme applicable à certaines infractions. Celle-ci est désormais d'application générale aux crimes et délits punis d'emprisonnement. En effet, l'article 132-76 du code pénal prévoit l'aggravation de la peine privative de liberté encourue « lorsqu'un crime ou un délit est précédé, accompagné ou suivi de propos, écrits, images, objets ou actes de toute nature qui soit portent atteinte à l'honneur ou à la considération de la victime ou d'un groupe de personnes dont fait partie la victime à raison de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une prétendue race, une ethnie, une nation ou une religion déterminée, soit établissent que les faits ont été commis contre la victime pour l'une de ces raisons ». Comme l'indique la circulaire du 20 avril 2017, présentant les dispositions de droit pénal ou de procédure pénale de cette loi, cette définition objective a pour but d'éviter des débats complexes devant les juridictions, qui auraient résulté d'une définition uniquement subjective de la circonstance aggravante, liée aux motivations ou aux mobiles de l'auteur des faits, par nature très difficiles à établir. S'agissant des critères d'application de la circonstance aggravante d'antisémitisme, pour les homicides volontaires comme pour toute autre infraction, il appartient à l'autorité judiciaire saisie d'apprécier de manière concrète, en fonction des circonstances de commission des faits, si ceux-ci ont été commis avec une motivation raciste, au regard des éléments objectifs d'appréciation définis par l'article 132-76 du code pénal. Une information judiciaire est actuellement en cours à la suite de l'homicide commis à Paris au mois d'avril 2017, qui doit notamment permettre de déterminer si le meurtre revêt un caractère antisémite. Il convient de rappeler qu'en application de l'article 1er de la loi du 25 juillet 2013, il n'appartient pas au ministre de la justice, de donner quelque instruction que ce soit aux parquets dans le cadre de dossiers individuels, ni d'interférer dans les procédures judiciaires, en raison des principes constitutionnels de séparation des pouvoirs et d'indépendance de l'autorité judiciaire.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.