Mme Frédérique Lardet alerte M. le ministre de la cohésion des territoires sur l'absence de définition juridique des friches commerciales et industrielles. La question du réinvestissement des friches industrielles et commerciales, estimées à environ 2 500 en France et souvent bien situées aux cœurs des agglomérations, est un enjeu affirmé par les gouvernements successifs, comme en témoignent les nombreuses évolutions législatives et fiscales en la matière. En effet, réinvestir les friches, c'est œuvrer pour la maîtrise de l'étalement urbain, mais également traiter les enjeux environnementaux, urbains, économiques et sociaux dont ces espaces sont porteurs. Pourtant il n'existe, à ce jour, aucune définition officielle de la friche ; elle ne constitue pas une notion juridique alors même qu'elle se situe au carrefour de plusieurs droits (droit de propriété foncier, droit immobilier, droit de l'environnement). Cette absence de définition réglementaire n'est pas sans poser diverses difficultés, notamment pour identifier les espaces concernés et les qualifier en tant que tels, la durée d'inexploitation pouvant être appréciée de manière extrêmement variable. Aussi, elle lui demande de bien vouloir lui indiquer si une réflexion a été engagée en la matière, qui pourrait, à terme, aboutir à un régime juridique spécifique.
La notion de friche industrielle traduit une réalité plurielle de terrains sur lesquels subsistent des installations industrielles à l'abandon ou partiellement occupées. Le potentiel foncier offert par ces terrains est significatif pour le redéveloppement des zones urbaines et périurbaines. Leur réemploi permet en effet d'éviter de consommer des terrains agricoles pour la construction de nouveaux logements ou bâtiments destinés aux services ou à l'industrie. Il offre également de multiples opportunités pour aménager de nouveaux quartiers durables et satisfaire les besoins de construction tout en limitant l'étalement urbain. S'agissant du diagnostic des sites pollués, il a été amélioré par le décret no 2015-1353 du 26 octobre 2015, destiné à porter à la connaissance du public l'inventaire par l'État des sites pollués et de le faire prendre en compte dans les projets à venir. Ainsi, les bases BASIAS (activités industrielles) ou BASOL (sites pollués, ou potentiellement pollués) ont pu être complétées par des initiatives territoriales comme celle du Grand Lyon ou de la Métropole européenne de Lille. Chaque friche a en effet ses propres spécificités, selon que le marché soit tendu ou non, selon l'état du foncier et qui en est le propriétaire, selon la présence ou non d'opérateur (s) public (s), selon la présence ou non de contraintes du plan local d'urbanisme pouvant imposer du commerce, du tertiaire, etc. Les opérations les plus complexes nécessitent donc des approches croisées entre différents domaines et sont de fait soumises à plusieurs réglementations, générant chacune leur propre procédure : urbanisme (droit des sols), habitat (mixité), construction (en cas de réhabilitation), patrimoine (sites et bâtiments inscrits ou classés, archéologie préventive), santé publique (amiante, pollution), environnement (risques, protection des ressources et de la biodiversité). En ce qui concerne les friches commerciales, ces dernières sont définies par l'article 1530 du code général des impôts, qui institue une taxe annuelle sur les friches commerciales. La taxe sur les friches commerciales peut utilement être mobilisée par les collectivités dans le cadre d'une politique de lutte contre la vacance commerciale et de revitalisation du centre-ville, même si elle n'est pas une solution pour certaines zones en déprise. Au-delà, pour aider les territoires à faire face à ces enjeux, la loi sur l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi Elan, prévoit de suspendre les demandes d'autorisation d'exploitation commerciale en périphérie des communes appartenant à un établissement public de coopération intercommunal (EPCI) signataire de l'opération de requalification des territoires (ORT) ou d'un EPCI limitrophe. Ce contrat dédié à la revitalisation des centres villes sera co-signé par l'intercommunalité, les communes, l'État et les principaux opérateurs de la rénovation urbaine (Agence nationale de l'habitat (Anah), Action Logement, Caisse des Dépôts). En répondant aux nécessités d'un développement commercial équilibré, il apportera ainsi un cadre juridique à la mise en œuvre du plan gouvernemental Action cœur de ville et il permettra d'agir, au-delà, comme dans le cas des friches industrielles, au cas par cas. Qu'il s'agisse de friches industrielles ou commerciales, la préservation des espaces naturels et la maitrise de l'étalement urbain sont des enjeux portés par plusieurs politiques publiques, qui visent notamment à réguler l'artificialisation des sols. Ces politiques incitent à une gestion économe des espaces disponibles pour la construction et à une protection renforcée des espaces naturels en développant le recyclage foncier. Ces objectifs de renouvellement urbain, d'un point de vue qualitatif (recomposition urbaine et paysagère, lutte contre la consommation excessive d'espace), comme quantitatif (activité et création d'emploi, d'habitat) sont déjà pris en compte dans le cadre légal qui régit l'aménagement du territoire et d'urbanisme. L'aménagement durable du territoire s'inscrit donc pleinement dans la politique d'urbanisme, laquelle est conduite à l'échelle locale par les collectivités communales et intercommunales. Afin de limiter l'étalement urbain, favoriser le renouvellement urbain, et notamment la reconquête des friches, les élus disposent de moyens conséquents pour réguler les projets de construction, en pouvant notamment refuser de délivrer une autorisation d'urbanisme en se fondant sur les dispositions d'ordre public du règlement national d'urbanisme pour des motifs, notamment, d'atteinte à l'intérêt des sites et paysages, de sécurité publique ou de sous-équipement de la zone. Pour permettre d'aider à l'action des collectivités, qui ont un rôle déterminant sur cet aspect de l'urbanisme, plusieurs guides à destination des collectivités ont été élaborés en matière de prévention, valorisation et reconversion des friches. Cette démarche de projet implique en effet nécessairement une pluralité d'acteurs, qu'il s'agisse de partenaires institutionnels (maître d'ouvrage, financeur, experts, etc.), de propriétaires et locataires de friches, ou d'autres acteurs intéressés par le site et/ou son environnement. Il peut être fait appel aux établissements publics fonciers (EPF), qui peuvent avoir engagé un repérage de viviers de friches potentielles devant déboucher sur la mise en place d'un observatoire territorial des friches : les EPF Lorraine et Normandie ont ainsi déjà terminé ce recensement sur le département de la Moselle et en Vallée de Seine. Il convient ainsi pour chaque territoire de déterminer ses enjeux spécifiques par une politique d'observation, d'anticipation, les outils à disposition des élus et acteurs territoriaux sont déjà importants et doivent être mobilisés à bon escient et de manière partenariale.
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