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François Ruffin
Question N° 5552 au Ministère de l'agriculture


Question soumise le 20 février 2018

M. François Ruffin interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les négociations sur l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur. À Rungis, le 12 octobre 2017, Emmanuel Macron déclarait : « je ne suis pas favorable à ce que nous nous précipitions pour conclure des négociations commerciales dont le mandat a été donné en 1999 », allusion claire au Mercosur. Pourtant, le 26 janvier 2018, il déclarait : « nous partageons la même vision stratégique sur cet accord entre l'Union européenne et le Mercosur, qui peut être bon pour les deux parties et qu'il est pertinent d'essayer de finaliser rapidement ». C'est une étrange valse puisque, cinq jours plus tard, le 31 janvier 2018, le ministre de l'agriculture passait la marche arrière : « en matière de droits de douane sur les biens agricoles transformés, en particulier sur le secteur laitier, et au-delà sur le secteur agricole, les biens industriels, les services et les marchés publics, les ouvertures que nous attendions du Mercosur en décembre n'ont pas été faites. Nous n'avons pas non plus, à ce stade, d'engagement crédible du Mercosur sur la mise en œuvre effective de ses obligations légales en matière sanitaire, suite aux manquements identifiés l'année dernière, notamment au Brésil, en matière de sécurité sanitaire des aliments ». Une semaine plus tard, dans l'hémicycle, M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, se montrait fort sibyllin, décrivant à demi-mot un troc contre des exportations de vin et d'automobiles... Au-delà des craintes et des chiffres avancés par les éleveurs de vaches bovines (baisse des prix de 10 %, de leur marge de 30 %, soit 25 000 à 30 000 emplois perdus dans la filière), au-delà même des contradictions dans les discours (de "la viande n'est pas concernée" jusqu'à 70 000 tonnes, et désormais 99 000), c'est la cohérence de la politique du Gouvernement qu'il souhaite interroger : d'un côté, trois mois d'états généraux de l'alimentation, pour assurer un revenu aux producteurs et de la qualité aux productions. Voilà pour les paroles. De l'autre, des accords de libre-échange qui vont manifestement à l'encontre de ces objectifs, avec des revenus minés, et surtout de la viande possiblement shootée aux hormones, voire avariée. Voilà pour les actes. Interrogé à l'école AgroParisTech, Olivier Allain, coordinateur des EGA déplorait lui-même ces « incohérences ». Alors, malgré les alarmes environnementales et sociales, il lui demande de confirmer qu'un accord avec le Mercosur est sur le point d'aboutir.

Réponse émise le 10 juillet 2018

L'Union européenne (UE) négocie actuellement un accord de libre-échange avec le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) avec un objectif affiché de conclusion en 2018. Les enjeux sont importants pour certaines filières agricoles françaises, notamment la filière bovine, compte tenu de la compétitivité des filières du Mercosur. Pleinement conscient de ces sensibilités, et en cohérence avec les objectifs des états généraux de l'alimentation, le Gouvernement est mobilisé pour assurer la défense des intérêts français et ainsi garantir la préservation du dynamisme économique des territoires. La France, soutenue par d'autres États membres, considère ainsi que la conclusion de l'accord UE/Mercosur est tributaire de l'équilibre entre l'ouverture du marché et la protection des filières sensibles agricoles dans la négociation, en particulier, le bœuf, l'éthanol, le sucre et les volailles. Concernant la viande bovine, l'UE a proposé à l'automne 2017 un contingent de 70 000 tonnes équivalent carcasse (tec). Face à la pression du Mercosur pour élever ce quota au-delà de 100 000 tec, la France demande que ce contingent soit le plus limité possible et ne s'écarte pas significativement de 70 000 tec. En cohérence avec les actions décidées dans le cadre du plan d'actionsur la mise en œuvre de l'accord économique et commercial global (AEGC/CETA), le Gouvernement fait en outre valoir que les concessions tarifaires sur les produits sensibles doivent s'inscrire dans les limites d'une « enveloppe globale », permettant de définir ce qui est soutenable pour les filières au regard du marché, à l'échelle de l'ensemble des négociations en cours ou à venir (Australie, Nouvelle-Zélande, Chili…). Il se mobilise également pour que ces concessions tarifaires soient directement liées à des mesures permettant de rétablir des conditions de concurrence équitables entre les producteurs français et ceux des pays du Mercosur (mécanisme de sauvegarde et conditions liées aux modes de production). Concernant le volet sanitaire et phytosanitaire, des audits ont été réalisés au Brésil par les services de la Commission européenne en 2017 et 2018 pour évaluer la fiabilité de la certification des exportations vers l'UE. Le Gouvernement sera particulièrement vigilant pour que soit garantie la fiabilité du système sanitaire du Mercosur avant la conclusion de l'accord, en cohérence avec les conclusions de ces audits. En tout état de cause, l'ensemble des importations de viande en provenance du Mercosur devront se conformer aux normes sanitaires de l'UE. En outre, les viandes bovines issues d'animaux traités avec des hormones de croissance ou toute autre substance non autorisée dans l'UE comme facteur de croissance resteront strictement interdites. Il reste du travail à mener d'ici la conclusion de cette négociation, le Mercosur devra démontrer qu'il peut proposer à l'UE un accord protecteur de ses sensibilités et synonyme d'avancées pour les secteurs agricoles offensifs. Le Gouvernement sera attentif jusqu'à la conclusion pour préserver les intérêts des filières agricoles françaises.

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