Mme Valérie Boyer attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'attitude ambigüe de l'État du Qatar vis-à-vis du terrorisme et de son financement. En effet, ce riche pays pétrolier, depuis sa montée en puissance dans les années 1990, n'a cessé de prendre des décisions controversées par rapport au terrorisme. Ayant soutenu financièrement le mouvement des Printemps arabes, ce riche émirat gazier (qui est le quatrième producteur de gaz naturel au monde après les États-Unis, la Russie et l'Iran, et premier exportateur de gaz naturel liquéfié) accueille toujours avec complaisance les dirigeants des Frères musulmans. Pourtant cette confrérie a été classée comme « terroriste » dans des pays tels que les Émirats arabes unis ou l'Arabie Saoudite qui a déclaré ouvertement la guerre aux Frères musulmans en 2014. De plus le Qatar a soutenu avec force Mohamed Morsi, ancien président égyptien appartenant à la confrérie, et a qualifié de « coup d'État » son éviction en 2013 par le général Al-Sissi. Il est à noter que Khaled Mechaal, ancien dirigeant du Hamas palestinien, est basé au Qatar, tout comme certains talibans afghans et d'anciens diplomates de Saddam Hussein. « Notre politique, c'est d'être ami avec tout le monde », disait l'émir Al-Thani du Qatar en 2010. Ainsi sous couvert de rechercher la paix, l'émirat peut être accusé de laxisme. Ce laxisme concerne également le domaine financier. Le Qatar est soupçonné de fermer les yeux et même d'encourager le financement d'organisations islamiques par des fonds privés. Dans une note diplomatique américaine, datant de 2009, il est précisé que le Qatar mène une politique « largement passive » et que ses services de sécurité « ont été hésitants à agir contre des terroristes connus ». Par exemple, Abd al-Rahman bin Umayr al-Nuaymi est désigné en 2003 par le Trésor américain comme un « terroriste financier basé au Qatar qui a fourni de l'argent, du matériel et des moyens de communication à Al-Qaïda et les groupes qui y sont rattachés en Syrie, en Irak, en Somalie et au Yémen pendant une décennie ». Il n'est certes pas lié au gouvernement mais n'avait jamais été inquiété. Plus récemment, en 2016, un haut responsable du Trésor américain a soulevé l'attitude contrastée du Qatar dans la lutte contre le financement du terrorisme, affirmant que l'émirat « manque encore de la volonté politique nécessaire et de la capacité à appliquer ses lois contre le financement d'organisations terroristes ». De ce fait, face à ces agissements, plusieurs pays parmi lesquels les Émirats arabes unis, le Bahreïn ou encore l'Égypte ont pris des sanctions économiques à l'encontre du Qatar, fermetures de frontières, interdictions d'emprunter leurs espaces aériens. L'Égypte a notamment mis fin à ses relations diplomatiques avec le riche émirat en juin 2017. Cela conduit à une situation de blocus à l'égard du Qatar, mais ce dernier semble pouvoir aisément le contourner, en exportant à d'autres pays son gaz par exemple. Ainsi le Qatar ne semble pas vouloir céder aux pressions, et s'appuie sur de nouveaux alliés tels que la Turquie et l'Iran, mais également sur ses bonnes relations diplomatiques, fondées surtout sur l'aspect économique, avec des puissances occidentales, dont la France et les États-Unis. Cela lui permet ainsi de sortir de son isolement. La France dont les « liens économiques avec le Qatar sont solides » (selon le site du ministère des affaires étrangères), semble en situation de dépendance économique avec cet État gazier. En effet, en décembre 2017, le président français a signé pour plus de 11 milliards d'euros de contrats. Si c'est une bonne nouvelle pour l'industrie française, on peut cependant remettre en cause cette alliance. En effet, elle va à l'encontre du blocus mis en place contre le Qatar, de plus ces accords concernent la vente de douze avions de combat Rafale et de plusieurs centaines de blindés. Cela peut sembler étonnant lorsqu'on connaît l'attitude et le financement du terrorisme par le Qatar. En 2011, Doha livre carrément des armes aux milices armées libyennes. « Le Qatar a envoyé des missiles français Milan aux rebelles à Benghazi », indique le ministre des affaires étrangères en avril. Elle lui demande si la France, victime d'actes terroristes répétés, peut accepter de collaborer étroitement avec ce pays qui se rend complice du terrorisme par sa passivité.
La lutte contre le terrorisme est un défi de premier ordre que la France doit relever collectivement. Elle y prend toute sa part. Elle restera militairement engagée dans le cadre de la Coalition internationale en Syrie et en Irak, à laquelle l'ensemble des pays du Golfe apporte leur soutien, jusqu'à éradiquer totalement la présence de Daech. La France travaille avec l'ensemble de ses partenaires du Golfe, pour approfondir sa coopération pour la lutte contre le terrorisme et son financement, et contre la radicalisation. De son côté, le Qatar a mis en oeuvre des réformes qui vont dans le bon sens, notamment la création d'une nouvelle structure placée sous l'autorité du Premier ministre. Sur le plan bilatéral, la France a signé avec le Qatar une déclaration d'intention et un "memorandum of understanding" visant à approfondir la collaboration entre nos différents services techniques lors de la dernière visite du Président de la République, le 7 décembre 2017. Au niveau politique, a été tenue la première session du dialogue franco-qatarien de haut-niveau sur la lutte contre le terrorisme et son financement, que le Président de la République a ouvert avec l'Emir Cheikh Tamim. Ce dialogue doit désormais se tenir chaque année. Des rencontres sont organisées à intervalle régulier, en France comme au Qatar, entre nos services en charge de la lutte contre le financement du terrorisme. Ces échanges réguliers permettent aussi de continuer à renforcer notre coopération en amont de la prochaine conférence de Paris pour la lutte contre le terrorisme et son financement, dont le Président de la République a annoncé la tenue le 26 avril prochain à Paris. Cette conférence, précédée la veille de plusieurs réunions d'experts (renseignements financiers, magistrats, organisations internationales), aura pour objectif d'appeler au renforcement de l'échange d'information et à la coopération internationale. Doha a déjà fait part de son souhait de s'impliquer en amont comme pendant la conférence, pour identifier de nouveaux moyens de travailler ensemble.
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