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Sarah El Haïry
Question N° 5848 au Ministère de l'économie


Question soumise le 27 février 2018

Mme Sarah El Haïry alerte M. le ministre de l'économie et des finances sur la transposition de la directive 2015/2302 du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, et de son impact sur certaines structures d'accueils collectifs de mineurs (ACM), qui permettent à de nombreux jeunes de partir en vacances. En effet, l'ordonnance transposant cette directive vient modifier le code du tourisme, et en particulier son article L. 211-18, qui met fin à la distinction qui prévalait jusque-là entre les associations et organismes avec but lucratif, et celles sans but lucratif. Ainsi, l'activité éducative et pédagogique des associations et organismes sans but lucratif organisant des ACM (colonies de vacances, comités d'entreprises, mairies organisatrices, scoutisme) est rattachée aux activités du secteur du tourisme. La disparition de cette distinction a pour conséquence que les ACM devront répondre aux mêmes obligations que le secteur marchand, avec notamment l'obligation d'obtenir une immatriculation « tourisme », et pour obtenir cette immatriculation, l'obligation de justifier d'une garantie financière permettant le remboursement des fonds versés par le consommateur et couvrant les éventuels frais de rapatriement. Cette nouvelle contrainte pour les acteurs sans but lucratif vient créer des craintes quant à la soutenabilité financière de certains groupes, en particulier pour les plus fragiles d'entre eux. Or un cadre juridique encadre déjà ces organisations qui sont soumises à des procédures d'agréments spécifiques, et font l'objet de contrôles au titre de la qualité éducative et de la protection des mineurs. Elles répondent donc aux exigences de la protection des consommateurs. Ainsi, au lieu de protéger les consommateurs comme la directive le prévoit, ces nouvelles obligations risquent d'affaiblir un secteur déjà en difficulté. Ces associations et organismes agissent principalement auprès d'enfants issus de milieu défavorisés qui sans cette intervention, ne pourraient pas partir en vacances. En effet, chaque année, ce sont près de 3 millions d'enfants qui ne partent pas en vacances, dont 50 % des enfants des familles les plus modestes. Ces associations agissent à la fois pour la mixité sociale et l'égalité entre les enfants en permettant à de nombreux enfants de partir en vacances, colonies ou classes de découvertes et constituent également des relais d'éducation, en leur permettant un accès à des loisirs éducatif. C'est pourquoi elle l'interroge sur la manière dont le Gouvernement compte prendre en compte la spécificité de associations et organismes non lucratifs, et s'il envisage une dérogation à cette obligation d'immatriculation.

Réponse émise le 13 mars 2018

Jusqu'à présent, le code du tourisme prévoyait une dérogation à l'obligation d'immatriculation et de garantie financière pour les associations et organismes sans but lucratif organisant, sur le territoire national, des accueils collectifs de mineurs (ACM) à caractère éducatif conformément à l'article L.227-4 du code de l'action sociale et des familles ou ceux gérant des villages de vacances ou des maisons familiales agréées. Cette dérogation était prévue à l'article L.2011-18 III du code du tourisme. L'ordonnance no 2017-1717 du 20 décembre 2017 portant transposition de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées (dite « DVAF ») n'a pas repris cette dérogation. Cette ordonnance introduit une dérogation limitée aux personnes qui ne proposent des forfaits, des services de voyage ou ne facilitent la conclusion de prestations de voyage liées « qu'à titre occasionnel, dans un but non lucratif et pour un groupe limité de voyageurs uniquement ». Les organisateurs d'accueils collectifs de mineurs (ACM) ne sont donc exemptés que si leur activité remplit ces trois critères cumulatifs : elle doit être effectuée à titre occasionnel, dans un but non-lucratif, et ne concerner qu'un groupe limité de voyageurs. Ces critères figurent dans le nouvel article L211-1 IV. 1. En premier lieu, le texte de la directive et l'interprétation de la Commission européenne ne permettaient pas, lors du processus de transposition, de ménager une dérogation plus large. Pour rappel, contrairement à la directive précédente (directive du 13 juin 1990 concernant les voyages, vacances et circuits à forfait), la DVAF est une directive d'harmonisation dite maximale (sauf pour certains domaines explicitement énumérés). La DVAF prévoit notamment, dans son article 4, que « les États membres s'abstiennent de maintenir ou d'introduire, dans leur droit national, des dispositions s'écartant de celles fixées par la présente directive, notamment des dispositions plus strictes ou plus souples visant à assurer un niveau différent de protection des voyageurs ». Or, dans le domaine considéré, la DVAF ne prévoit qu'une dérogation très restreinte, inscrite à l'article 2.2.b : « La présente directive ne s'applique pas […] aux forfaits proposés et aux prestations de voyage liées facilitées, à titre occasionnel et dans un but non lucratif et à un groupe limité de voyageurs ». L'impossibilité de maintenir l'ancienne dérogation a été confirmée par la Commission européenne lors des ateliers de transposition (en particulier lors de l'atelier organisé à Bruxelles le 25 février 2016, dont le compte-rendu est disponible sur le site de la Commission européenne). Selon l'interprétation de la Commission, pour être exemptées, les activités spécifiques telles que le tourisme social ou l'accueil de mineurs doivent remplir les trois critères cumulatifs déjà énoncés. Il ressort également des ateliers précités que les termes de la directive devaient être transposés tels quels, afin que les règles soient pleinement harmonisées au sein de l'Union européenne. Selon l'interprétation de la Commission, il n'est pas possible de préciser plus avant dans les textes de transposition le terme « à titre occasionnel ». Il appartient donc aux organismes d'apprécier au cas par cas, en fonction de l'activité envisagée, leur situation au regard des nouveaux critères de dérogation. Revenir à une dérogation aussi large que par le passé serait non seulement contraire à la DVAF, mais également contraire à l'intérêt des mineurs et de leurs familles. Cela aurait paradoxalement pour effet de les priver des droits accordés par le code du tourisme aux autres voyageurs, que ce soit en termes de garantie financière si le séjour ne peut être organisé ou de responsabilité de plein droit (dans le cas du forfait) de l'organisateur du voyage. 2. En deuxième lieu, il convient de relativiser la portée de la transposition de la DVAF sur la situation de l'ensemble des organismes d'accueils collectifs de mineurs en observant que de nombreux organismes accueillant des mineurs sont - d'ores et déjà - immatriculés, tels que les Éclaireuses et éclaireurs de France, la Fédération française d'éducation physique et gymnastique volontaire ou la Ligue de l'enseignement (le registre tenu par Atout France, accessible sur son site Internet, fournit d'autres exemples d'organismes immatriculés). 3. En troisième lieu, il existe des solutions pour que le coût de l'immatriculation et de la garantie financière ne soient pas prohibitifs. L'immatriculation n'est pas onéreuse (100 € pour trois ans). Pour ce qui est de la garantie, les organismes peuvent se tourner vers les banques, les entreprises d'assurance mais également vers les deux garants associatifs spécifiques au secteur du tourisme, l'Union nationale des associations de tourisme et de plein air (UNAT) et l'Association professionnelle de solidarité du tourisme (APST). L'UNAT, dont la vocation sociale constitue le fondement, peut garantir les structures à but non lucratif du tourisme et dispose à cet effet d'un fonds de garantie, le FMS (fonds mutuel de solidarité) aux tarifs relativement modérés pour les petites structures générant moins d'un million d'euros de chiffre d'affaires tourisme. Il convient de rappeler que les taux de cotisation ne sont pas fixés par la puissance publique : l'UNAT a la possibilité de faire varier ses taux de cotisation, mais aussi les planchers, part fixe et droits d'entrée pour s'adapter aux spécificités et capacités contributives de ses adhérents. De plus, les associations et organismes, sans but lucratif, gardent une possibilité intéressante, celle de s'abriter derrière la garantie d'une fédération ou union immatriculée. En effet, comme sous l'empire des précédentes dispositions, l'article L.218-III tel que modifié par l'ordonnance continue de prévoir une exemption de l'obligation d'immatriculation et de garantie pour « les associations et organismes sans but lucratif appartenant à une fédération ou une union s'en portant garantes », à la condition que ces dernières soient elles-mêmes immatriculées et garanties. Utiliser un tel mécanisme permettrait sans doute à de nombreux organismes et associations d'être garantis par une structure « chapeau », donc à un coût plus faible qu'une adhésion individuelle au FMS.

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