M. Philippe Huppé interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la réforme des « chantiers » de la justice qui pourrait entraîner la suppression du tribunal de grande instance de Béziers. En effet, les rapporteurs du chantier « adaptation du réseau des juridictions », MM. Dominique Raimbourg et Philippe Houillon, ont proposé pour premier principe d'organiser l'architecture judiciaire selon le schéma d'un seul tribunal judiciaire départemental, qui dans le cas de l'Hérault serait situé à Montpellier, et d'un tribunal de proximité, maintenu à Béziers mais vidé de sa substance. Les rapporteurs ont cependant renvoyé à la chancellerie la responsabilité de définir la taille efficiente d'un tribunal pour permettre l'hypothèse de l'existence de plusieurs TGI dans un département. Or il apparaît que le maintien du TGI de Béziers soit nécessaire à la qualité du service de la justice dans l'ouest Hérault et présente de nombreuses spécificités qui justifieraient son maintien. En effet, le TGI de Béziers couvre tout l'ouest de l'Hérault, soit 152 communes réparties sur une superficie totale de 3 200 km². Cela représente près de la moitié des communes du département et 30 % de sa population, soit 315 000 habitants. Comme l'ensemble de l'Hérault qui gagne 15 000 habitants chaque année, le territoire biterrois est en essor constant (taux de croissance annuel de 1,4 %) et appelle nécessairement à un traitement adapté. Par ailleurs, l'activité judiciaire du TGI est dynamique, et pose la question de la capacité d'absorption du volume de contentieux additionnel par le tribunal départemental. Ainsi, sur 160 TGI, celui de Béziers se situe à la 56ème place en termes d'activité, ce qui démontre qu'il correspond à la taille efficiente préconisée par les rapporteurs du chantier « adaptation du réseau des juridictions ». À titre d'illustration, en 2017 le pôle de l'instruction du TGI de Béziers a traité 487 affaires, dont 124 nouvelles, soit un dossier d'instruction (crimes ou délits) ouvert tous les trois jours. Le contentieux du TGI de Béziers est lui en pleine expansion, avec 5 018 nouvelles affaires civiles en 2017, et 23 914 plaintes déposées au parquet, contre 16 170 en 2012. De plus, il convient de rappeler que le TGI de Béziers a d'ores et déjà absorbé de nombreuses juridictions limitrophes lors de « la réforme Dati » de 2007, à savoir le tribunal d'instance de Saint-Pons-de-Thomières, le conseil de de prud'hommes de Bédarieux et le tribunal d'instance ainsi que le tribunal de commerce de Pézenas. Le département de l'Hérault ne peut en effet se résumer à la seule agglomération montpelliéraine. Au contraire, Béziers est le pendant de Montpellier pour l'ouest de l'Hérault et joue le rôle de centre urbain majeur pour tout un chapelet de villes moyennes comme Saint-Pons-de-Thomières, Agde, Bédarieux ou Pézenas. La suppression du TGI de Béziers entraînerait par ailleurs des temps de trajets peu acceptables pour le justiciable de certaines zones rurales du département, par ailleurs mal desservies par les transports en commun. Ainsi, un habitant de Fraisse-sur-Agout devrait parcourir 261 km aller-retour, soit 4h40 sans embouteillage, pour se rendre au tribunal départemental de Montpellier, tandis qu'un habitant de la commune de Ferrals-les-Montagnes devrait en parcourir 274, soit 5h20 de trajet. Enfin, il serait regrettable de supprimer le TGI de Béziers deux ans seulement après avoir mis en service un tout nouveau tribunal, ayant nécessité un investissement de 29 millions d'euros qu'il s'agit d'amortir. La suppression du TGI de Béziers risquerait donc d'éloigner considérablement le service de la justice des citoyens ouest-héraultais. La justice est pourtant un des piliers de la République et doit être présente dans tous ses territoires. À la vue de ces éléments, il souhaiterait connaître ses intentions au sujet du tribunal de grande instance de Béziers.
Le projet de loi de programmation et de réforme de la justice a suscité beaucoup d'interrogations, s'agissant notamment du chantier relatif à l'adaptation du réseau des juridictions. Le rapport consacré à ce sujet, rendu à l'issue des « Chantiers de la Justice », préconisait un certain nombre de mesures. La Garde des Sceaux, ministre de la justice, a pris la décision de ne pas suivre un certain nombre d'entre elles. Ainsi, contrairement aux choix opérés par de précédents gouvernements, il a notamment été décidé de ne fermer aucune juridiction, de ne pas desserrer le maillage judiciaire existant et de n'affaiblir aucun site judiciaire. Le statu quo n'apparaissait pas acceptable pour autant. Il a donc été décidé de proposer au Parlement une évolution centrée non pas sur des directives venues de Paris mais fondée sur des propositions émanant du terrain. Cette évolution sera articulée autour de grands principes : - rendre plus lisible l'organisation des juridictions en proposant une fusion administrative des tribunaux d'instance (TI) et de grande instance (TGI) ; - rendre une justice plus efficace en offrant aux juridictions la possibilité de spécialiser des contentieux techniques et de faible volume ; - rendre possible des évolutions pour les cours d'appel dans deux régions expérimentales. La fusion des TGI et TI répond à un souci de simplification des procédures. La répartition des contentieux entre le tribunal d'instance et le tribunal de grande instance est aujourd'hui complexe et peu lisible pour le justiciable. Ce dernier ne devrait pas avoir à se demander s'il doit saisir le TI ou le TGI suivant la nature de son litige. Cette interrogation aura d'autant moins de pertinence que le projet de loi prévoit que le justiciable saisira désormais le tribunal par un formulaire unique de requête introductive d'instance. Cette fusion simplifiera la gestion des contentieux pour le justiciable et aura des conséquences positives pour les chefs de juridiction qui disposeront de plus de souplesse pour gérer leurs ressources humaines. Cependant, aucun lieu de justice ne sera fermé. Ainsi, dans les villes où il existe actuellement un tribunal d'instance isolé, celui-ci sera maintenu et ses compétences actuelles seront préservées par décret. Organiquement rattaché à un tribunal de grande instance, il conservera sa dénomination et continuera à juger les contentieux du quotidien identiques à ceux d'aujourd'hui. Les magistrats et fonctionnaires continueront à y être précisément affectés. Il n'y aura donc aucun recul de la justice de proximité. L'article 53 du projet de loi prévoit même que les chefs de cour pourront attribuer au tribunal d'instance des compétences supplémentaires, après avis du président du tribunal de grande instance et du procureur de la République, si cela correspond à un réel besoin des justiciables. En ce sens le maillage juridictionnel national sera maintenu et les contentieux continueront à être jugés dans des conditions que nous rendrons encore plus favorables qu'actuellement. Les tribunaux de grande instance ne seront aucunement affectés, conservant leurs présidents et leurs procureurs de la République. Si des projets de spécialisation et de répartition des contentieux très techniques et de faible volume entre ces tribunaux nous sont proposés par les chefs de cours, nous les étudierons dans la perspective d'une meilleure efficacité de la justice. Le projet qui sera présenté au Parlement ne vise donc aucunement à mettre en cause la justice de proximité puisqu'aucun site juridictionnel ne sera affaibli. Bien au contraire, l'objectif visé est que, à partir des outils qui seront mis à leur disposition, les territoires puissent, s'ils l'estiment nécessaire, proposer une organisation plus efficace du traitement des contentieux.
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