M. Brahim Hammouche interroge Mme la ministre du travail sur les nouvelles mesures qui ont été annoncées ces derniers jours par le Gouvernement et qui s'inscrivent dans la continuité de l'accord européen d'octobre 2017 sur le travail détaché. Pour rappel, 516 101 salariés détachés ont été enregistrés légalement en France en 2017, soit une hausse de 46 % par rapport à 2016. Ces mesures durcissent la politique de lutte contre la fraude, par le biais notamment d'un durcissement des sanctions financières à l'encontre des employeurs qui détournent la réglementation en vigueur. La France qui a très largement œuvré entre autres pour une limitation à 12 mois de la durée des missions souhaite à travers ces nouvelles mesures créer un cadre plus concret et plus strict de ce contrôle, en augmentant les prérogatives données aux préfets et à l'inspection du travail, ce dont on peut se réjouir. Cependant, cela reste insuffisant. Des mesures complémentaires doivent pouvoir être mises en œuvre et qui seraient orientées en priorité vers les secteurs de la construction et l'agriculture où l'on sait que le nombre de travailleurs détachés y est très important. Des contrôles plus accrus sur les heures de travail réellement effectuées pourraient être envisagés car l'on sait que souvent l'employeur contourne la réglementation sur la rémunération en faisant travailler son salarié deux fois plus. Aussi, il lui demande si ce genre de mesures complémentaires sont prévues dans les prochains mois pour compléter le dispositif et limiter ainsi la recrudescence des travailleurs détachés en France.
La réunion de la commission nationale de lutte contre le travail illégal le 12 février 2018 a été l'occasion pour la ministre du travail de rappeler que la lutte contre le travail illégal et la fraude au détachement constitue l'un des axes majeurs de la politique publique tant ces phénomènes sont destructeurs des équilibres des comptes publics, portent atteinte aux droits des travailleurs et sont un facteur inacceptable de concurrence déloyale entre les acteurs économiques. La France s'est pleinement engagée dans la révision de la directive sur le détachement pour améliorer les droits des travailleurs et les conditions de la concurrence en Europe. Un compromis a été trouvé pour un meilleur encadrement du travail détaché (réduction à 12 mois de la durée maximale de détachement, principe « à travail égal, salaire égal, renforcement de la lutte contre la fraude et les abus). Sur le plan national, en 2016 et 2017, 5 lois, une ordonnance, 8 décrets et 8 circulaires ont contribué à renforcer le cadre juridique et opérationnel de la lutte contre le travail illégal et la fraude au détachement. Pour ce qui concerne spécifiquement cette dernière, la loi du 8 août 2016 est venue renforcer l'obligation de vigilance du maitre d'ouvrage et introduire la suspension de la prestation de service. Enfin, la carte d'identification professionnelle dans le bâtiment et les travaux publics facilite désormais les contrôles sur les chantiers. Au 1er mars 2018, 1 165 000 cartes ont été produites, la grande majorité pour les salariés d'entreprises établies en France. La forte augmentation du nombre de travailleurs détachés en 2017 s'explique par plusieurs facteurs comme la déclaration en ligne ou l'effet dissuasif des sanctions et des contrôles et la meilleure connaissance par les entreprises étrangères et les donneurs d'ordre de leurs obligations respectives. Mais cette augmentation doit conduire les services de l'Etat à être encore plus vigilants sur la fraude, et à poursuivre nos efforts pour que le détachement de salariés se conjugue avec le respect des droits des travailleurs et le respect de conditions de concurrence loyale. C'est ainsi que la ministre du travail a annoncé un objectif de 1500 contrôles par mois concernant le recours au détachement en 2018 pour les services d'inspection du travail et la hausse du nombre de contrôles conjoints avec d'autres services anti-fraude (police, gendarmerie, douanes, services fiscaux…) pour qu'ils représentent 50% des contrôles dans les secteurs prioritaires du bâtiment et des travaux publics (BTP) et des transports. D'autre part, elle a annoncé 16 mesures nouvelles visant à rendre les sanctions plus efficaces, à optimiser les outils des agents de contrôle et des préfets permettant d'agir, à préciser le cadre juridique et à faciliter les contrôles par des moyens nouveaux : la publication systématique des condamnations pénales (« name and shame »), le renforcement des sanctions financières, de 2 000 à 3 000€ par salarié détaché illégalement et de 4 000 à 6 000€ en cas de récidive, avec possibilité de suspension de l'activité si le prestataire ne s'acquitte pas de l'amende, l'extension des pouvoirs de sanction des préfets, notamment de la possibilité d'ordonner la fermeture ou la cessation d'activité d'un établissement, le renforcement des capacités d'enquête de l'inspection du travail. Plusieurs de ces mesures seront intégrées au projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui sera présenté en conseil des ministres à la fin du mois d'avril.
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