M. Fabien Matras interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur l'avenir de la filière viticole française au regard des difficultés qu'elle rencontre en France, notamment en raison des récents débats concernant le statut du vin. La France a toujours été mobilisée sur les enjeux relevant de santé publique. Les derniers débats sur l'alcool ont mis en lumière l'incertitude d'une prise en compte d'une spécificité vin, véritable filière éducative, économique et culturelle, par les pouvoirs publics. Plusieurs débats ont suivi la publication du décret n° 2017-1866 du 29 décembre 2017 fixant la définition de la stratégie nationale de santé pour la période 2018-2022. Ce décret entend en effet prévenir l'entrée dans les pratiques addictives et réduire leur prévalence ainsi que les comportements à risque, comme la consommation d'alcool. À cet égard, il propose plusieurs pistes afin de réduire l'attractivité des substances psychoactives par le biais de campagnes de dénormalisation et d'incitations fiscales. Devant l'inquiétude des professionnels de la filière, le 31 janvier 2018 avait été relayée par voie de presse l'intention de l'Élysée de co-construire un plan de lutte contre l'abus d'alcool avec les professionnels du vin, visant les consommations excessives et donnant la priorité à la prévention. Peu de temps après, Mme la ministre des solidarités et de la santé déclarait que « l'industrie du vin laisse à croire que le vin est un alcool différent des autres alcools. Or en termes de santé publique, c'est exactement la même chose de boire du vin, de la bière, de la vodka ou du whisky », en ajoutant que « Aujourd'hui, le vrai message de santé publique serait : l'alcool est mauvais pour la santé ». Il n'est pas question de mésestimer les méfaits de l'alcoolisme, mais parler de dénormalisation reviendrait à réduire le vin à sa molécule d'alcool et oublier qu'il traverse l'histoire et sillonne la culture française. Plus encore, le vin est aujourd'hui un élément rayonnant de l'identité de la France et de ses régions, 75 % de la production française concernant des vins d'Appellation d'origine contrôlée (47 %) et d'Indication géographique protégée (28 %) et 42 % des 10 millions d'œnotouristes provenant de l'étranger. En effet, cet art, patrimoine culturel français, vitrine de la Nation à l'international, est par ailleurs reconnu par l'éducation nationale et sanctionné par deux diplômes d'État : mention complémentaire en sommellerie et brevet professionnel sommelier. Dès lors, la rigueur de l'apprentissage et l'exigence d'un savoir-faire non délocalisable ne peuvent reposer sur le simple message arguant que le vin est un alcool comme un autre. Alerter quant aux risques liés à la surconsommation d'alcool est une nécessité absolue en termes de prévention, mais le faire sans distinction, ce serait ainsi nier toute cette science que l'on nomme œnologie, discipline qui marque la radicale dissemblance entre de la bière, des spiritueux d'un côté et le vin de l'autre. À cet égard, il lui demande comment le Gouvernement entend faire cohabiter les exigences en matière de santé publique à travers la campagne de prévention des risques tout en reconnaissant la spécificité des produits vinicoles et l'identité d'une filière historique de qualité.
La consommation d'alcool en France est estimée à 11,6 litres d'alcool pur par habitant, soit environ 2,5 verres de 10 g d'alcool par jour et par habitant. Si cette consommation est en baisse depuis plusieurs années, elle demeure néanmoins l'une des plus élevées en Europe et dans le monde. Près d'un adulte sur deux consomme de l'alcool au moins une fois par semaine et 10 % chaque jour, en particulier les plus de 50 ans. Les plus jeunes consomment moins régulièrement mais de façon plus excessive et ponctuelle, avec des épisodes d'ivresse (« binge drinking »). La consommation nocive d'alcool peut conduire à la dépendance et altérer la santé et la qualité de vie, pour soi comme pour les autres. Ainsi, l'alcool est aujourd'hui en France la deuxième cause de mortalité prématurée évitable, après le tabac. Il est responsable de 49 000 décès par an en France, dont 15 000 décès par cancers. L'exposition à l'alcool pendant la grossesse constitue la première cause non génétique de handicap mental chez l'enfant. L'alcool est également à l'origine de 29 % des décès par accident de la route (3 477 tués sur les routes, donc plus de 1 000 morts dus à l'alcool). Face à ces constats, l'Institut National du Cancer (INCa) a lancé, en septembre 2017, une campagne visant à mieux faire connaître les gestes alimentaires quotidiens qui permettent de prévenir les cancers évitables. Parmi les comportements encouragés figure celui de la diminution de sa consommation d'alcool. Mettre à la disposition du grand public les informations qui lui permettront de faire des choix éclairés pour sa santé relève de la responsabilité des autorités sanitaires dont les missions pourraient être niées en cas d'absence d'information de la population sur les risques associés à certains comportements. Par ailleurs, dans le cadre de ses dispositifs de prévention, l'institut national du cancer (INCa) s'attache à promouvoir un discours neutre fondé sur des données probantes, non stigmatisant et prenant en compte les plaisirs associés à la consommation de certains produits, dont l'alcool fait partie. Cette campagne de prévention, qui ne se limite pas uniquement à la question de la consommation d'alcool mais aborde plus largement celle d'une alimentation saine et équilibrée, s'inscrit pleinement dans notre stratégie nationale de santé. Parmi les axes prioritaires de cette stratégie nationale, qui a fait l'objet d'une consultation publique, figure un volet prévention important intégrant plusieurs objectifs de lutte contre l'usage nocif d'alcool.
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