Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mireille Robert
Question N° 6038 au Ministère de la culture


Question soumise le 6 mars 2018

Mme Mireille Robert interroge Mme la ministre de la culture sur la nécessité de rémunérer les artistes interprètes auprès des plateformes de streaming et de téléchargement qui exploitent leurs enregistrements et sur les difficultés que rencontrent les organismes de gestion collective à collecter l'information. Dans le domaine musical comme dans le domaine audiovisuel, la diffusion des œuvres enregistrées (musique, films, séries télévisées) s'effectue désormais principalement via internet dans le cadre de dispositifs interactifs dits « à la demande » : le streaming ou le téléchargement. L'immense majorité des artistes interprètes ne perçoivent aucune rémunération pour ces utilisations à la demande. Ils sont contraints de signer des contrats avec les producteurs, par lesquels leurs droits sont cédés, en contrepartie du paiement d'un cachet forfaitaire et définitif. Seules les vedettes obtiennent une rémunération proportionnelle aux recettes réalisées par les producteurs (les « royalties »). La loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine du 7 juillet 2016, dite loi LCAP, n'a pas permis, dans le domaine de la musique, de garantir aux artistes interprètes une rémunération minimale contractuelle. Or cette rémunération devrait prendre en compte l'exploitation réelle des enregistrements des artistes interprètes par les plateformes. Les organismes de gestion collective ont pour mission de percevoir des rémunérations auprès des utilisateurs et de les répartir aux ayants droit. Or ils ne parviennent pas à collecter l'information relative à l'identité des artistes interprètes qui participent à chaque enregistrement. Dans un certain nombre de cas, au mieux, ils disposent de relevés de diffusion sur lesquels figurent uniquement les noms du seul artiste principal, du compositeur et du producteur. Ainsi, elle l'interroge sur l'opportunité d'un dispositif permettant aux artistes interprètes de percevoir une rémunération auprès des plateformes par leurs organismes de gestion collective, lesquels se verraient accéder aux informations nécessaires à la répartition des rémunérations aux ayants droit.

Réponse émise le 25 septembre 2018

La filière musicale est un secteur en pleine mutation, qui a été le premier touché par la transition numérique. En effet, l'arrivée du numérique a reconfiguré la chaîne de valeur et bouleversé les modèles existants de création, de production et de diffusion. L'arrivée de nouveaux entrants dans le champ notamment de la diffusion de la musique enregistrée, impliquant une révolution des usages d'écoute de la musique, en téléchargement dans un premier temps, puis en flux aujourd'hui, a impliqué une mutation profonde de l'industrie et de sa chaîne de valeur. Dans ce contexte, il est essentiel de veiller à un partage équitable de la valeur entre les différents acteurs de la filière musicale, et en particulier à une juste rémunération des artistes-interprètes. À cette fin, les dispositions relatives à la musique de la loi « Liberté de la création, architecture et patrimoine » (LCAP), promulguée le 7 juillet 2016, avaient pour objectif d'améliorer la transparence dans les relations entre les producteurs de phonogrammes et les artistes-interprètes et de renforcer les droits de ces derniers. À la différence de ceux des auteurs, les contrats des artistes-interprètes étaient peu encadrés par le code de la propriété intellectuelle (CPI). L'article 10 de la loi introduit ainsi de nouveaux articles L. 212-10 à L. 212-15 dans le CPI, visant à améliorer la transparence dans les relations contractuelles entre producteurs de phonogrammes et artistes-interprètes, ainsi que la protection des droits de ces derniers. Ces dispositions instaurent un cadre permettant de rééquilibrer les rapports entre ces acteurs en imposant de meilleures pratiques contractuelles, tout en maintenant le primat de la négociation. La loi, dans son article 10, garantit également aux artistes-interprètes une juste rémunération des fruits de l'exploitation numérique de leurs prestations, avec le principe d'une « garantie de rémunération minimale » (GRM), au profit des artistes-interprètes. Le nouvel article L. 212 14 du CPI renvoie la fixation de son niveau à une négociation dans le cadre d'accords collectifs de travail dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi LCAP. La Commission mixte paritaire (CMP) relative à la Convention collective nationale de l'édition phonographique s'est réunie régulièrement et a conclu, le 6 juillet 2017, un accord relatif à la GRM pour la diffusion de musique enregistrée en flux (« streaming »). Cet accord a été signé par une majorité de syndicats représentants les artistes-interprètes (SNAM-CGT, SFA-CGT, CGC, rejoints le lendemain par FO) et par la totalité des syndicats alors représentatifs des producteurs (SNEP et UPFI). Toutefois, les syndicats d'artistes-interprètes signataires ont fait connaître, dans les jours suivant la signature de cet accord, leur insatisfaction à l'égard de certaines de ses dispositions et leur intention de retirer leur signature. C'est la raison pour laquelle le ministère de la culture a accordé aux partenaires sociaux un délai de 15 jours pour conclure un avenant permettant d'aménager l'accord du 6 juillet 2017 et de concilier les intérêts légitimes des artistes-interprètes et des producteurs. Dans ce cadre, une mission de médiation, destinée à favoriser le rapprochement des points de vue, sans préjudice des procédures ordinaires de la négociation collective, a été confiée à titre personnel à Monsieur Denis Berthomier, conseiller maître à la Cour des comptes et médiateur de la musique (cette mission n'entrant pas directement dans le champ des compétences que la loi attribue au médiateur de la musique en vertu de l'article L. 214-6 du CPI). Cette tentative de médiation, même si elle a permis de rapprocher certaines positions, a néanmoins achoppé sur des options irréconciliables concernant le niveau et la nature de la GRM. De ce fait, les organisations représentatives des artistes-interprètes ont confirmé leur souhait de retirer leur signature. Le Gouvernement a demandé aux partenaires sociaux de reprendre leurs discussions dans le cadre de la CMP de la branche de l'édition phonographique, réunie le 3 juillet dernier, dans un délai court de 3 mois, afin de parvenir à un accord prenant en compte les contraintes et les attentes des artistes comme celles des producteurs, et conforme à l'objectif fixé par le législateur. À défaut d'un accord conclu avant le 3 novembre prochain, en considérant qu'aucune discussion ne pourra avoir lieu au mois d'août, le Gouvernement convoquera par décret la commission administrative prévue à l'article L. 212-14 du CPI, qui sera chargée de fixer les modalités de cette garantie de rémunération minimale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.