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Danièle Cazarian
Question N° 6189 au Ministère de l'intérieur


Question soumise le 6 mars 2018

Mme Danièle Cazarian attire l'attention de Mme la ministre, auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes, sur la coopération en matière de prévention de la radicalisation. Le vendredi 23 février 2018, le Premier ministre a présenté en comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation un plan national de prévention de la radicalisation. Ce plan ambitieux a une vocation très large. Il met l'accent sur l'école, le périscolaire, la recherche, l'enseignement supérieur, le sport et la coopération internationale. Les mesures 50 et 51 prévoient notamment de suivre l'application des plans déployés par les partenaires étrangers de la France et de mettre en commun et de partager toutes les ressources disponibles avec les partenaires européens. La dimension internationale et européenne de ce plan est à saluer. Si chaque pays fait face à des situations différentes, s'inspirer des bonnes pratiques des pays voisins est essentiel pour éviter de commettre certaines erreurs. Le Radicalisation Awareness Network (RAN), rattaché à la Commission européenne pourrait constituer l'outil idoine pour mutualiser les informations et les résultats de la recherche en la matière. Aussi, elle aimerait savoir quelles démarches Mme la ministre compte prendre pour activer efficacement la coopération européenne en matière de prévention de la radicalisation.

Réponse émise le 30 octobre 2018

1) Eléments sur la mesure 50 - « Développer les échanges avec nos partenaires étrangers sur la mise en œuvre de leurs plans nationaux de prévention de la radicalisation, en évaluant particulièrement l'efficacité des mesures de prévention et de désengagement de nos partenaires européens et de l'océan Indien. » Les partenaires étrangers de la France, en particulier européens, sont confrontés comme la France à d'importants phénomènes de radicalisation, contre lesquels ils s'efforcent de lutter. La version révisée du plan d'action européen en matière de radicalisation et de recrutement de terroristes du Working Party on Terrorism/International Aspects (COTER) suggère d'ailleurs que les États membres doivent faciliter les études universitaires qui pourraient contribuer à une évaluation indépendante de l'ampleur du phénomène de radicalisation et réexaminer les politiques mises en œuvre par les gouvernements qui ont abouti à une diminution des niveaux de radicalisation. Les efforts de prévention et de désengagement menés par les partenaires étrangers de la France sont susceptibles d'être des sources d'inspiration pour les politiques publiques françaises, tant au niveau des dispositifs mis en œuvre que des premières évaluations de leur efficacité. Leurs programmes de prévention de la radicalisation étant lancés depuis peu, à l'instar de la France, leur travail d'évaluation n'en est qu'à ses débuts. A noter toutefois que : - les Pays-Bas ont publié en septembre 2017 une évaluation de leur action de « lutte contre le djihadisme » (prévention de la radicalisation) lancée en août 2014. Le rapport est intitulé « Evaluation of the Netherlands comprehensive action programme to combat jihadism » ; - l'Allemagne a publié un rapport en février 2018 synthétisant l'évaluation de quatre de leurs dispositifs financés par le ministère de l'intérieur allemand sur la période avril 2016-août 2017. Le rapport est public et est intitulé « Evaluation of the Advice Centre on Radicalisation » (auteur : Research Centre of the Federal Office for Migration and Refugees, BAMF). Le Secrétariat général - Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR) au ministère de l'intérieur s'appuie sur les retours d'expérience et de bonnes pratiques de ses partenaires étrangers, et notamment européens, au sein de différentes arènes : - rencontres bilatérales avec les partenaires des autorités françaises en matière de prévention. A cet égard il peut être cité le mémorandum d'entente signé en ce sens le 3 mai 2018 entre le SG-CIPDR et la Commission nationale de lutte contre le terrorisme tunisienne (CNLCT) dans l'objectif de renforcer les échanges de bonnes pratiques entre les deux pays ; des rencontres et échanges fréquents avec nos interlocuteurs étrangers, et notamment avec le ministère de l'intérieur allemand ; - participation à des réseaux internationaux (Organisation des Nations Unies, Global Counterterrorism Forum, Strong Cities Network, Institute for Strategic Dialogue, Organisation Internationale de la Francophonie, etc.) ; - participation à des réseaux et instances européennes (High-Level Commission Expert Group on Radicalisation, EU Internet Forum, European Strategic Communications Network, Radicalisation Awareness Network, etc.) ; - exercice de veille du ministère de l'Europe et des affaires étrangères sur la prévention de la radicalisation, consistant à solliciter l'analyse des ambassades dans les pays les plus concernés par le phénomène, puis à en effectuer une synthèse adressée aux autorités françaises. Un fléchage plus précis de cet exercice de veille a été initié en mars 2018, à la suite de la parution du plan d'action de prévention de la radicalisation. Les remontées d'information du réseau diplomatique se font en continu sur les efforts de prévention de la radicalisation menés par nos partenaires étrangers. Ces participations actives aux échanges internationaux servent le développement de la capacité d'analyse, du partage d'informations et de l'échange de bonnes pratiques en matière de lutte contre le terrorisme et la radicalisation. Elles vont dans le sens de la promotion d'une action concertée de la communauté internationale en matière de lutte contre la radicalisation et le terrorisme au niveau européen et dans les enceintes multilatérales. 2) Eléments sur la mesure 51 - « Mettre en place un centre de ressources européen sur la prévention de la radicalisation à partir des structures existantes. » L'Allemagne a, suite à l'attentat de Berlin en décembre 2016, proposé la création d'un centre de ressources européen autour de trois piliers : praticiens (l'équivalent de l'actuel Radicalisation Awareness Network), décideurs et chercheurs. La proposition a été valorisée en franco-allemand en février 2017, via une lettre conjointe des ministres de l'intérieur des deux pays. Fin février 2017, l'Allemagne et la France ont ainsi fait circuler un « non-papier » demandant à ce que les outils et instances de prévention de la radicalisation dépendant de la Commission européenne soient repensés dans le centre d'une meilleure articulation. Cette demande franco-allemande de réforme de la coordination des outils européens a devancé les conclusions du rapport spécial n° 13/2018 de l'European Court of Auditors intitulé « Lutte contre la radicalisation conduisant au terrorisme : la Commission a répondu aux besoins des États membres, mais la coordination et l'évaluation présentent certaines lacunes » (rapport publié le 29 mai 2018). Le secteur « Prévention et radicalisation » de la direction DG-Home (Directorate-General for Migration and Home Affairs) de la Commission européenne a répondu à ces doléances franco-allemandes en mettant en place un groupe d'experts à haut niveau (High-Level Commission Expert Group on radicalisation / HLCEG-R) dédié aux questions de radicalisation, sur décision de juillet 2017. Le HLCEG-R s'est réuni dès septembre 2017 et jusqu'au 18 mai 2018. Ce groupe a eu pour vocation de repenser la coordination des instances et réseaux dédiés à la prévention de la radicalisation et de conceptualiser la création d'un centre de ressource européen sur le processus de radicalisation. Il a été chargé d'offrir des conseils sur i) l'amélioration de la coopération et de la collaboration entre les différentes parties prenantes et en particulier les États membres, ii) la poursuite du développement des politiques de prévention de l'UE, notamment en élaborant un ensemble de principes et de recommandations pour la mise en œuvre de mesures ciblées et efficaces visant à prévenir et à combattre la radicalisation au niveau de l'UE et au niveau national et iii) un futur mécanisme de coopération plus structuré au niveau de l'Union. Lors de la dernière réunion du HLCEG-R, le 18 mai 2018, a été validée la mise en place d'un centre de ressources européen (désincarné) dédié à la prévention de la radicalisation. Une réunion devrait se tenir avant octobre 2018 avec l'ensemble des Etats membres qui précisera le fonctionnement du groupe de pilotage de ce centre de ressources, ainsi que de son secrétariat. Ce centre dépendra de la direction DG-Home (Directorate-General for Migration and Home Affairs) à la Commission européenne. La direction DG-Home de la Commission européenne a publié le 13 juin 2018 un rapport (téléchargeable en ligne) synthétisant les résultats de ce groupe d'experts de haut niveau sur les questions de radicalisation (HLCEG-R). Ce rapport est intitulé « Final Report of the High-Level Expert Group on Radicalisation ». Il porte notamment sur l'amélioration des mécanismes de coopération entre Etats membres et praticiens, et sur les moyens nécessaires à une meilleure circulation des connaissances en matière de compréhension du processus de radicalisation. Le rapport final est constitué de deux parties. La première partie recense un certain nombre de recommandations dans les domaines suivants : - prise en charge de la radicalisation en détention ; - lutte contre la propagande en ligne ; - lutte contre idéologie et polarisation de la société ; - coopération des acteurs de la prévention au niveau local ; - mesures en termes d'éducation et de réinsertion sociale ; - prise en charge des mineurs de retour des zones de conflit ou des enfants élevés dans un environnement radicalisé. La deuxième partie du rapport décrit les structures à mettre en place pour améliorer le dispositif : mise en place d'un groupe de pilotage (Steering Board) et de l'instance de coordination (« Task force ») qui soutiendra et coordonnera l'action de la Commission en matière de prévention de la radicalisation. Steering Board proposera des priorités stratégiques (orientations et actions) à la Commission en matière de prévention de la radicalisation. Ce dispositif permet de garantir que les objectifs prioritaires de la Commission correspondent aux attentes des Etats membres. Ces recommandations pourront également influencer les priorités du fonds de sécurité intérieure (FSI) ainsi que d'autres instruments européens (Erasmus+, fonds régionaux, par exemple). Ce groupe de pilotage est composé de deux représentants (experts de haut niveau) de chacun des Etats membres et se réunit au moins une fois par an. Y siègent également en qualité d'observateurs (sans droit de vote) : le Service européen pour l'action extérieure (SEAE) et le coordinateur de l'Union Européenne pour la lutte contre le terrorisme. Un secrétariat appelé « Task force » sera composé de personnels de la Commission ainsi que d'experts nationaux détachés par les Etats membres. Le rôle du secrétariat sera triple : assurer le secrétariat du comité de pilotage Steering Board, coordonner les travaux du pôle « connaissances et ressources » (Knowledge Hub) et servir de point d'entrée de la Commission européenne sur l'ensemble des questions relatives à la radicalisation, à la fois pour les Etats membres et pour les Etats tiers. Le calendrier de la mise en œuvre est le suivant : réunion de préparation du dispositif dans le cadre du Network of national prevent policy-makers (avant octobre 2018) pour une mise en place du centre de ressources annoncée pour octobre-novembre 2018.

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