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Yves Daniel
Question N° 6201 au Ministère auprès de la ministre de la transition écologique


Question soumise le 6 mars 2018

M. Yves Daniel appelle l'attention de Mme la ministre, auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports, sur la fiscalité relative au kérosène. Le kérosène ne supporte aucune taxe : pas de TVA ni de TIPCE. C'est le seul carburant d'énergie fossile qui est exonéré. Pourtant, les déplacements en avion sont les plus polluants et les plus émetteurs de gaz à effet de serre. Un avion émet environ 140 grammes de CO2 au kilomètre par passager contre environ 100 grammes au kilomètre pour un automobiliste. La contribution de l'aviation aux émissions globales de gaz à effet de serre de l'Union européenne est estimée à seulement 3 % mais selon un rapport spécial du Groupe intergouvernemental pour l'étude du climat (GIEC), l'impact serait en fait 2 à 4 fois plus important. Par exemple, dans un pays comme la France, si l'on prend en compte les liaisons intérieures ainsi que les liaisons internationales, au départ, on arrive pour 2011, et pour le seul CO2, à 21,8 millions de tonnes émises, soit environ 6 % des émissions nationales de CO2 (rapport 2011 du ministère de l'écologie). En tenant compte de tous les gaz à effet de serre, cela représente 12 % des émissions françaises. Alors que les autocaristes et les compagnies de chemin de fer sont taxés, le secteur aérien est le seul mode de transport à échapper à toute taxation sur son carburant. Cette absence de taxation sur le kérosène constitue de fait une forme de distorsion de concurrence au profit du secteur aérien. Si la convention de Chicago de 1944 prévoit notamment que le carburant contenu dans les réservoirs d'un avion ne peut pas être taxé à l'arrivée dans un pays, aucune mention n'est faite concernant une interdiction de taxation du kérosène sur les vols nationaux. En 2003, l'Union européenne a adopté une directive qui repense le cadre communautaire au niveau de la taxation des produits énergétiques et de l'électricité. En conséquence, les états membres pourraient introduire une taxation du kérosène pour leurs liaisons nationales et même passer des accords bilatéraux pour taxer, même légèrement, le carburant des vols entre deux états membres. Les Pays-Bas, par exemple, sont passés à l'acte pour leurs vols nationaux. Selon une étude de la Commission européenne de 2005, l'aviation européenne a consommé environ 55 milliards de litres de kérosène. Une taxe de 0,302 euros par litre aurait pu permettre de rapporter aux états 17 milliards d'euros. À l'heure où la protection de l'environnement et l'écologie sont des préoccupations majeures, le principe du pollueur-payeur doit plus que jamais être appliqué. Aussi, il lui demande quelles actions elle compte mettre en œuvre concernant la fiscalité du kérosène afin de rééquilibrer cette injustice, à la fois par rapport aux autres modes de transport mais également pour œuvrer dans la continuité des accords de Paris.

Réponse émise le 26 octobre 2021

Partant des données du CITEPA en 2017, le transport aérien, avec 21,1 Mt de CO2e, représente 13,42% des émissions de CO2e du transport en France (157,2 Mt), soit 4,41% des 478,5 Mt d'émissions de CO2e françaises globales ; 17,4 Mt sont à rattacher au transport aérien international et 3,7 Mt au transport intérieur. Entre 2000 et 2018, le nombre de passagers équivalents-kilomètres-transportés a augmenté de 62 %, tandis que la croissance des émissions de CO2 du transport aérien en France a été limitée à 21 %, soit une diminution de 25 % des émissions de CO2 unitaires (en kg de CO2 par passager équivalent-kilomètre-transporté), correspondant à une décroissance moyenne de 1,6 %/an. Ces chiffres témoignent des efforts consentis depuis plusieurs années par ce secteur pour réduire son niveau d'émission, notamment grâce au renouvellement des flottes. En France, la détaxation du kérosène embarqué pour les vols internationaux répond aux recommandations de l'Organisation de l'avion civile internationale (OACI), destinées historiquement à faciliter l'essor du transport aérien et le développement des liaisons internationales, et est traduite dans les accords internationaux sur les services aériens. Une taxation du kérosène pour les vols internationaux serait dès lors contraire aux engagements internationaux de la France. Au niveau européen, les carburants aériens sont exonérés de TICPE (Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) en application de la directive dite « accises » (2003/96/CE) qui impose aux États membres l'exonération de taxes sur les carburants utilisés pour la navigation aérienne à l'exception de l'aviation de tourisme privée. Une taxation du carburant pour les services aériens intérieurs mise en place par notre seul pays compromettrait la compétitivité et l'activité des compagnies aériennes françaises, particulièrement fragiles, qui effectuent ces liaisons, sachant que le transport aérien domestique représente environ 20 % de l'activité aérienne commerciale et est effectué majoritairement par des compagnies françaises. Une telle mesure impacterait la connectivité de nos aéroports (hub de Paris et l'ensemble de nos aéroports) avec des conséquences sur l'emploi direct et indirect mais, également, sur l'économie et l'attractivité des territoires. Enfin, une telle taxe apparait difficilement compatible avec le mode opérationnel de l'aérien car les avions sont indistinctement utilisés pour des vols intérieurs et internationaux. La taxation du kérosène inciterait les compagnies aériennes, notamment étrangères, à développer la pratique du sur-emport (systématisation du ravitaillement des compagnies dans des Etats au sein desquels le prix du carburant aéronautique serait plus compétitif) qui entraînerait une surconsommation et pourrait engendrer des rallongements de parcours pour se ravitailler en kérosène, augmentant les émissions. Une taxe sur le kérosène devrait donc être envisagée à l'échelle de l'ensemble de l'Union européenne et plus largement de l'OACI. Le transport aérien doit se mobiliser dans la lutte contre le changement climatique. À ce titre, il assume d'ores et déjà des contributions fiscales significatives directement liées à son activité, assises, compte tenu des contraintes juridiques internationales, sur les passagers transportés et non sur le carburant comme pour les transports terrestres. Ainsi la taxe de l'aviation civile (487 M€ en 2019) finance les missions d'intérêt général de la direction générale de l'aviation civile ; la taxe d'aéroport (1 Md€ en 2019) finance les missions de sûreté et sécurité dans les aéroports. Par ailleurs, l'aérien est le seul secteur à financer une taxe de solidarité (267 M€ en 2019, qui, avec l'écocontribution, aurait été portée à 440 M€ en 2020 hors crise), au profit du Fonds de solidarité pour le développement et des infrastructures de transport. En matière environnementale, ce secteur, au travers de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA – 49 M€ en 2019), finance l'aide à l'insonorisation en faveur des riverains des 10 principaux aérodromes français. Au regard de l'étude mentionnée, il peut être précisé qu'en se limitant au périmètre "liaisons intérieures métropole", les recettes des 3 taxes aéronautiques nationales sur les billets d'avion (taxe de l'aviation civile, taxe d'aéroport et taxe de solidarité) se sont élevées à 380 M€ en 2017, soit l'équivalent de 0,46 € par litre de kérosène consommé. Si l'on ajoute la taxe sur les nuisances aéronautiques, la TVA ainsi que le système communautaire d'échanges de quotas d'émission (SEQE-UE), les prélèvements obligatoires dont s'acquitte le transport aérien sur les liaisons domestiques atteignent près de 0,76 € par litre de kérosène. D'autres actions sont engagées au niveau international par le secteur aérien, témoignant d'un engagement financier du secteur et de sa participation effective à la lutte contre le changement climatique. L'aérien est ainsi le seul mode de transport qui participe au système communautaire d'échanges de quotas d'émission (SEQE-UE), dispositif qui contribue à la politique climatique de la France en plafonnant les émissions européennes de gaz à effet de serre ; en 2017, les compagnies aériennes françaises ont acheté 1,8 million de quotas de CO2, représentant un coût total de 27,7 M€, et reversent tous les ans plusieurs millions d'euros au budget de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). De même, à compter de 2023, ce secteur deviendra le premier au niveau mondial à compenser toute nouvelle émission de carbone par l'achat d'unités générées par des projets de réduction ou de séquestration carbone. Le coût lié à ces différentes mesures de compensation, répercuté par les compagnies sur le prix du billet d'avion, fait qu'est ainsi intégré dans le prix du billet une partie des externalités négatives de l'aviation. Enfin, dans le contexte de la transition écologique et de celui de la crise sanitaire, le gouvernement entend préparer la rupture environnementale de l'aviation en confortant et en transformant les capacités de toutes les composantes de la filière par un soutien accru à la recherche et l'innovation. L'objectif est de mettre sur le marché un avion neutre en carbone d'ici 2035. À plus court terme, le gouvernement souhaite accélérer le déploiement de carburants durables pour l'aviation. Le volet verdissement du plan de relance contient de nombreux projets en ce sens.

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