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Pacôme Rupin
Question N° 6246 au Ministère du travail


Question soumise le 13 mars 2018

M. Pacôme Rupin attire l'attention de Mme la ministre du travail sur la question de l'emploi dans le bâtiment et les travaux publics (BTP). Il souhaite lui faire part de son inquiétude sur le risque de manque de main-d'œuvre dans ce secteur. Plusieurs perspectives appellent une interrogation sur le BTP, en particulier en Île-de-France. Le projet de loi logement qui arrive prochainement au Parlement ouvrira la porte à la construction de milliers d'habitations et d'infrastructures dans la région. Les jeux Olympiques de Paris 2024 vont eux aussi drainer des dizaines de chantiers, notamment sur les sites clés comme le village olympique et le village de la presse. Surtout, l'avènement du Grand Paris va changer diamétralement les besoins et la charge du secteur du BTP : le Grand Paris Express en lui-même a déjà engendré le lancement de chantiers colossaux, et le tracé du nouveau réseau va induire la construction de quartiers entiers, en particulier autour des nouvelles gares (matérialisés par exemple dans l'appel à projets « inventons la Métropole du Grand Paris » en fin d'année 2017). Ainsi, dès aujourd'hui, ce sont de nombreux projets de construction qui vont être réalisés en Île-de-France. Il existe un risque de manque d'effectifs dans le BTP, ce qui pourrait ralentir la livraison des projets, déjà soumis à des calendriers tendus compte tenu des besoins dans la région. À l'heure actuelle, les entreprises du BTP ont des difficultés du point de vue des ressources humaines, notamment parce que le secteur n'est pas considéré par les préfectures comme étant « en tension ». Ceci est dû au fait que de nombreuses personnes qui sont au chômage sont catégorisées de manière abusive par Pôle emploi, et considérées comme étant employables dans la construction alors qu'elles n'ont parfois qu'une infime expérience du secteur. C'est ainsi qu'environ 400 000 personnes sont classées dans la catégorie « construction », et que le caractère tendu n'est pas retenu. Par ailleurs, ce secteur, toujours dynamique, va avoir de manière mécanique des besoins étendus en matière de formation et d'apprentissage. Dans la perspective de la réforme de la formation professionnelle, la question du financement des formations en BTP se posera avec la prise d'importance de la branche dans le dispositif. Il semble important que ces ressources soient préservées pour que le secteur puisse absorber la masse de chantiers qui arrivera en région francilienne. Il lui demande donc quelles pourraient être les modalités d'un traitement pragmatique du secteur du BTP, afin qu'il soit de nouveau considéré comme un secteur en tension, et qu'il puisse mieux recruter en fonction de ce contexte et de ses besoins.

Réponse émise le 17 juillet 2018

Les difficultés de recrutement concernent un grand nombre de secteurs d'activité. Des travaux sont engagés par le ministère du travail avec les branches professionnelles afin de répondre à une meilleure identification des besoins en emploi et en compétences à venir pour les différents secteurs d'activité. Le plan d'investissement dans les compétences, qui représente un effort sans précédent de 15 milliards d'euros sur cinq ans - va ainsi permettre de développer ces démarches. Elles permettent notamment d'identifier les besoins d'évolution d'offre de formation et les perspectives d'évolution en compétences des actifs, ainsi que les parcours professionnels qu'il convient d'élaborer pour répondre aux besoins identifiés. En complément, le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, actuellement en discussion en première lecture au Sénat, vise à intégrer cette évolution des besoins en compétences pour les entreprises dans la conception des diplômes et titres délivrés par l'Etat ainsi que par les certificateurs privés. La commission en charge de la certification professionnelle de France compétences (nouvelle agence de régulation quadripartite), qui succèdera à l'actuelle commission nationale des certifications professionnelles, s'articulera avec la compétence de prospective, de veille et d'évaluation de France compétences : à ce titre, elle veillera à la cohérence, à la complémentarité et au renouvellement des certifications professionnelles ainsi qu'à leur adaptation à l'évolution des qualifications et de l'organisation du travail. Par ailleurs le projet de loi susmentionné instaure les opérateurs de compétences qui remplaceront les vingt organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) actuels, qui, aujourd'hui, collectent et gèrent les cotisations formation des entreprises. Leurs missions seront ainsi recentrées sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, sur la construction des diplômes, le financement des CFA et le service de proximité aux entreprises. La transformation du système de l'apprentissage, portée par le Gouvernement dans ce même projet de loi, permettra - grâce notamment à la libéralisation de l'offre de formation qu'il opère en supprimant l'autorisation administrative délivrée actuellement par la région pour créer ou développer un centre de formation d'apprentis - aux secteurs ou encore aux entreprises qui veulent créer leur CFA en interne de le faire beaucoup plus facilement, et ainsi de répondre de façon plus réactive à leurs besoins en compétences. C'est pourquoi la réforme rompt avec la logique malthusienne de « subvention d'équilibre » au profit d'un système basé sur le « coût contrat ». Le projet de loi instaure ainsi une garantie légale de financement. France Compétences assurera des missions de péréquation financière, notamment la répartition entre les branches et les opérateurs de compétences auxquels elles adhérent, versement des montants financiers aux Régions au titre de l'apprentissage ; versement des fonds aux opérateurs du conseil en évolution professionnelle choisis par appels d'offres ; péréquation entre opérateurs de compétences au profit du développement des compétences des entreprises de moins de 50 salariés. Cette agence contribuera au suivi et à l'évaluation de la qualité des actions de formation dispensées, à l'observation des coûts et des niveaux de prise en charge des formations s'agissant des fonds publics ou mutualisés. France compétences pourra émettre des recommandations auprès des pouvoirs publics et des représentants des branches professionnelles et les rendre publiques. S'agissant de l'orientation, le projet de loi instaure la transparence du taux d'insertion dans l'emploi, du taux de réussite aux diplômes de tous les CFA et de tous les lycées professionnels. Par ailleurs, il élargit la compétence des régions en matière d'orientation. Elles organiseront avec tous les collèges et lycées une découverte des filières et métiers par la rencontre de professionnels qui viendront parler de leur passion Ainsi, les jeunes et leurs familles connaitront enfin la vérité sur cette voie de réussite, d'excellence et de passion, dont bénéficient seulement 420 000 apprentis, soit seulement 7% des jeunes de 16 à 26 ans. Ce droit à l'information, essentiel à l'orientation, est complété par des mesures pour renforcer l'attractivité de cette voie de formation initiale, notamment : augmentation de la rémunération des apprentis ; une aide de 500 euros pour le permis de conduire ; possibilité d'entrer tout au long de l'année en apprentissage, et de faire valoir leurs acquis pour raccourcir la durée de la formation ou, au contraire, en cas de difficulté, l'augmenter avec une « prépa apprentissage » ; esprit de complémentarité entre apprentissage et statut scolaire, entre les formes pédagogiques via des passerelles et les campus des métiers regroupant toutes les filières. ; développement de « l'Erasmus pro » grâce auquel les apprentis pourront aller plusieurs mois dans d'autres pays européens pour améliorer leur formation, apprendre d'autres techniques, découvrir d'autres cultures. Enfin, le projet de loi, dans sa rédaction issue de l'Assemblée Nationale, introduit un nouveau dispositif puissant de « reconversion et promotion par l'alternance ». Baptisé « Pro A », il vise à permettre aux salariés, tout en gardant leur contrat de travail et leur rémunération, d'accéder à une formation qualifiante en alternance, soit pour une promotion interne, soit pour une reconversion. Il permettra aussi de répondre aux besoins spécifiques des certains secteurs d'activité et d'anticiper les reconversions liées aux mutations, tout en conservant l'emploi. Ce dispositif est un élément clé qui s'inscrit en complément du plan de formation de l'entreprise, désormais, plan de développement des compétences, et du droit individuel, via le compte personnel de formation (CPF), qui, par le projet de loi, devient un véritable outil d'émancipation sociale à la main des actifs, avec la protection d'une garantie collective.

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