M. Jean-Carles Grelier attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la concurrence déloyale qui existe en matière fiscale entre les commerces et les acteurs de l'internet. En effet, force est de constater que les pure player de type Amazon échappent à toute ou partie des trois taxes qui s'appliquent aux entreprises (taxe sur la valeur ajoutée, impôt sur les sociétés et taxes locales) et pratiquent de ce fait un dumping évident vis-à-vis des commerces. Concernant la TVA, pendant trop longtemps, les multinationales d'Internet ont pu jouer avec les différents taux pratiqués dans les pays de l'Union européenne, utilisant les taux réduits pour être moins chers que leurs concurrents physiques. La récente décision de la Commission européenne de faire payer la TVA sur le lieu de consommation a été salutaire, mais n'a pas résolu tous les problèmes. En effet, le modèle économique des pure player du Net n'offrant aucune rentabilité, ceux-ci ont transformé leurs sites marchands en place de marché où particuliers français, européens ou extra-européens peuvent à loisir vendre des produits. Cette situation rend le paiement de la TVA difficilement contrôlable et permet encore à de trop nombreux acteurs de pratiquer de ce fait des prix déloyaux. Concernant le paiement de l'impôt sur les sociétés, la situation n'est pas plus rassurante. En effet, il a été émis l'idée d'une « taxe d'égalisation », dont l'assiette serait le chiffre d'affaires généré en Europe par ces groupes et non plus les profits, les montants prélevés devant refléter la réalité des activités de ces groupes dans l'Union et être comparables à ce qu'ils devraient normalement payer en termes d'impôt sur les sociétés dans les pays où ils opèrent. Cependant, ce projet patine du fait de l'opposition des pays qui pratiquent ce dumping fiscal, au premier rang duquel l'Irlande et le Luxembourg. Concernant les taxes locales, la montée en puissance d'internet a fait émerger des acteurs pure player, qui sont devenus prépondérants dans la vie du commerce local, tout en vendant à distance. Cette révolution discrète a rendu la fiscalité économique locale particulièrement injuste. Destinée à l'entretien des routes, à la collecte des déchets, à leur recyclage, à l'animation de la vie économique locale, elle est payée par les commerçants en fonction de leur surface de vente. Cependant, les géants d'internet utilisent aussi l'infrastructure locale pour leurs livraisons, la collecte des ordures pour le ramassage de leurs emballages, le dépôt dans des points de vente physique, etc sans s'acquitter de la moindre taxe. Et il s'agit de montants très importants puisque l'ensemble de ces taxes représente annuellement environ 2 640 euros par salarié (y compris le versement transport) et a augmenté d'environ 1,5 % en 2016. Ainsi, il n'est pas difficile de comprendre que les pure-player peuvent réinvestir le non-paiement de ces taxes dans des baisses de prix ou des facilités de livraison qui les rendent davantage concurrentiels. Face à cette situation, il lui demande de bien vouloir lui faire des intentions du Gouvernement en la matière.
Le Gouvernement a engagé plusieurs actions afin de répondre à la nécessaire adaptation de la fiscalité au commerce numérique. En matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), pour assurer que le lieu de taxation corresponde bien au lieu de la consommation finale, un régime fiscal applicable à la vente à distance a été mis en place en 1993. Ce régime spécifique s'applique lorsque les biens sont expédiés ou transportés par le vendeur ou pour son compte à partir d'un autre État membre de l'Union européenne à destination d'une personne non assujettie à la TVA et prévoit la taxation systématique dans l'État de destination des biens dès lors que le montant des ventes effectuées par un même vendeur vers ce pays excède un seuil qui a été abaissé le 1er janvier 2016 à 35 000 € par an. Ce régime garantit donc que, au-delà d'un certain volume de chiffre d'affaires, la TVA ne soit pas source de distorsions de concurrence entre entreprises, le montant de TVA dû par le commerçant étant alors identique quel que soit le mode de distribution des biens concernés (vente en magasin ou via un site Internet). Ce régime est d'ailleurs appelé à évoluer conformément à la directive no 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017 modifiant certaines obligations en matière de TVA applicables aux prestations de services et aux ventes à distance de biens. Ainsi, cette directive prévoit, à compter du 1er janvier 2019, la suppression des seuils nationaux et l'instauration d'un seuil unique de 10 000 € par an. De plus, à compter du 1er janvier 2021, le respect de leurs obligations fiscales en matière de TVA par les entreprises qui réalisent des ventes à distance de biens sera facilité par le recours à un portail unique en ligne leur permettant d'effectuer leurs démarches déclaratives et de paiement. Ce portail sera également ouvert aux entreprises amenées à effectuer des ventes à distance de biens importés au profit des consommateurs de l'Union européenne. En outre, cette directive prévoit que les acteurs des marchés qui facilitent, par l'utilisation d'une interface électronique telle qu'une place de marché, une plateforme, un portail ou un dispositif similaire, soit les ventes à distance de biens importés de territoires tiers ou de pays tiers contenus dans des envois d'une valeur intrinsèque ne dépassant pas 150 €, soit les livraisons de biens effectuées par des opérateurs non établis dans l'Union européenne au profit de consommateurs finaux, seront désormais redevables de la TVA. Enfin, il est rappelé que, s'agissant des services fournis par voie électronique, la TVA est prélevée au lieu de situation du consommateur depuis le 1er janvier 2015. En matière d'imposition des bénéfices des entreprises, la France se mobilise avec ses partenaires, tant au G20 qu'au niveau de l'Union européenne, pour corriger les différences de taxation actuellement constatées selon le lieu d'établissement des opérateurs économiques. L'initiative prise par la France avec neuf États membres lors de l'ECOFIN des 15 et 16 septembre 2017 a conduit le Conseil à demander à la Commission européenne de proposer des mesures concrètes et opérationnelles en vue d'agir tant à court terme qu'à long terme, en cohérence avec les travaux déjà engagés au sein de l'Union européenne en matière d'harmonisation de l'impôt sur les sociétés. Ainsi, à la demande d'un groupe d'États membres rassemblé par la France, la Commission a proposé, le 21 mars 2018, au Conseil européen un paquet législatif global destiné à réformer la fiscalité s'appliquant aux activités numériques au sein de l'Union européenne. Celui-ci est composé d'une première directive instituant, à titre provisoire, une "taxe sur les services numériques"assise sur le chiffre d'affaires issu de certaines activités numériques des grandes entreprises (publicité en ligne, plateforme d'intermédiation pour la réalisation de vente de biens et de services en ligne, vente de données) et d'une seconde directive proposant une solution de plus long terme en vue d'imposer les profits réalisés par les entreprises du secteur numérique en s'appuyant sur la notion de"présence numérique significative ". Ces propositions de directives ont fait l'objet de premières discussions entre les États membres de l'Union européenne. La France soutient fortement une adoption rapide de la première directive. En matière de fiscalité directe locale, le Gouvernement mène une réflexion spécifique sur le secteur du commerce. En effet, cette activité est aujourd'hui confrontée aux évolutions démographiques, aux nouveaux comportements de consommation, (notamment le développement du commerce électronique), et à l'arrivée de nouveaux acteurs qui obligent les commerçants à adapter leur offre de services pour mieux répondre aux besoins de la clientèle. Dans ce contexte, le Premier ministre a confié une mission à l'Inspection générale des finances afin de dresser un état des lieux des prélèvements pesant sur les entreprises de ce secteur et d'élaborer des propositions en vue d'aboutir à un cadre fiscal plus équitable entre les différentes formes de commerce et de redynamiser les zones commerciales des centres-villes. À ce titre, la mission examinera notamment les modalités d'imposition à la taxe sur les surfaces commerciales (TaSCom) et la pertinence des taxes à faible rendement touchant ce secteur. La mission remettra ses conclusions au Premier ministre d'ici la fin du premier semestre 2018. L'ensemble de ces mesures apparaît de nature à apporter des réponses concrètes et efficaces aux difficultés évoquées.
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