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Marie-France Lorho
Question N° 6464 au Ministère du travail


Question soumise le 13 mars 2018

Mme Marie-France Lorho interroge Mme la ministre du travail sur la vive augmentation des travailleurs détachés en 2017. L'année dernière, ce sont 516 000 salariés détachés (hors transport routier) qui ont été comptabilisés en France, soit 46 % de plus qu'en 2016 selon un « bilan intermédiaire du plan national de lutte contre le travail illégal » relayé par Le Monde. C'est un record historique. Jamais autant de travailleurs détachés n'avaient été présents sur le sol français. Ils étaient 96 000 il y a dix ans. Cette importation d'une main-d’œuvre bon marché concurrence les Français de manière déloyale. Le principal secteur concerné, hormis les transports routiers, est celui de l'intérim (avec 24 % des travailleurs détachés). Viennent ensuite les bâtiments et travaux publics (20 %). En termes de nationalités, les Portugais arrivent en tête, devant les Polonais, Allemands, Roumains. Les Français aussi peuvent être détachés dans l'Hexagone et représenteraient un total de 37 000 travailleurs détachés. Voilà ce qu'il en est en chiffre. La Cour des comptes pointe du doigt dans un rapport sur la sécurité sociale en 2014 les pertes de cotisations colossales pour le système français de protection sociale que cela engendre : ne cherchions-nous pas le moyen de « boucher le trou de la sécurité sociale » ? Autre anomalie notable, le « plan de contrôle » lancé il y a quelques années : entre 2016 et 2017, alors que la hausse des travailleurs détachés était de 46 %, l'inspection du travail a vu son taux d'intervention diminuer de 27 %. De plus l'intérim, comme rappelé plus haut, reste le premier secteur concerné, or c'est le BTP qui est le premier contrôlé, avec près de 59 % des interventions. Face à toutes ces irrégularités et anomalies, et face aux questions concernant les troubles dans le système de santé et de travail dus à une directive européenne (qui n'est pas la seule responsable) que l'on se refuse d'adapter à notre système, elle lui demande quelles solutions elle envisage avec le Gouvernement pour y remédier.

Réponse émise le 27 mars 2018

La réunion de la commission nationale de lutte contre le travail illégal le 12 février 2018 a été l'occasion pour la ministre du travail de rappeler que la lutte contre le travail illégal et la fraude au détachement constitue l'un des axes majeurs de la politique publique tant ces phénomènes sont destructeurs des équilibres des comptes publics, portent atteinte aux droits des travailleurs et sont un facteur inacceptable de concurrence déloyale entre les acteurs économiques. La France s'est pleinement engagée dans la révision de la directive sur le détachement pour améliorer les droits des travailleurs et les conditions de la concurrence en Europe. Un compromis a été trouvé pour un meilleur encadrement du travail détaché (réduction à 12 mois de la durée maximale de détachement, principe « à travail égal, salaire égal, renforcement de la lutte contre la fraude et les abus). Sur le plan national, en 2016 et 2017, 5 lois, une ordonnance, 8 décrets et 8 circulaires ont contribué à renforcer le cadre juridique et opérationnel de la lutte contre le travail illégal et la fraude au détachement. Pour ce qui concerne spécifiquement cette dernière, la loi du 8 août 2016 est venue renforcer l'obligation de vigilance du maitre d'ouvrage et introduire la suspension de la prestation de service. Enfin, la carte d'identification professionnelle dans le bâtiment et les travaux publics facilite désormais les contrôles sur les chantiers. Au 1er mars 2018, 1 165 000 cartes ont été produites, la grande majorité pour les salariés d'entreprises établies en France. La forte augmentation du nombre de travailleurs détachés en 2017 s'explique par plusieurs facteurs comme la déclaration en ligne ou l'effet dissuasif des sanctions et des contrôles et la meilleure connaissance par les entreprises étrangères et les donneurs d'ordre de leurs obligations respectives. Mais cette augmentation doit conduire les services de l'Etat à être encore plus vigilants sur la fraude, et à poursuivre nos efforts pour que le détachement de salariés se conjugue avec le respect des droits des travailleurs et le respect de conditions de concurrence loyale.  C'est ainsi que la ministre du travail a annoncé un objectif de 1500 contrôles par mois concernant le recours au détachement en 2018 pour les services d'inspection du travail et la hausse du nombre de contrôles conjoints avec d'autres services anti-fraude (police, gendarmerie, douanes, services fiscaux…) pour qu'ils représentent 50% des contrôles dans les secteurs prioritaires du bâtiment et des travaux publics (BTP) et des transports. D'autre part, elle a annoncé 16 mesures nouvelles visant à rendre les sanctions plus efficaces, à optimiser les outils des agents de contrôle et des préfets permettant d'agir, à préciser le cadre juridique et à faciliter les contrôles par des moyens nouveaux : la publication systématique des condamnations pénales (« name and shame »), le renforcement des sanctions financières, de 2 000 à 3 000€ par salarié détaché illégalement et de 4 000 à 6 000€ en cas de récidive, avec possibilité de suspension de l'activité si le prestataire ne s'acquitte pas de l'amende, l'extension des pouvoirs de sanction des préfets, notamment de la possibilité d'ordonner la fermeture ou la cessation d'activité d'un établissement, le renforcement des capacités d'enquête de l'inspection du travail. Plusieurs de ces mesures seront intégrées au projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui sera présenté en conseil des ministres à la fin du mois d'avril.

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