M. Didier Le Gac attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur le vote via les machines à voter, système pour lequel ont opté plusieurs dizaines de communes en France. La ville de Brest a d'ailleurs été pionnière en la matière en utilisant dès 2004 la machine électronique. Depuis cette date, 17 scrutins se sont déroulés et aucun contentieux n'a jamais été enregistré. Le dispositif de la machine à voter est répandu dans un certain nombre de pays d'Europe mais il reste cantonné en France à seulement 70 communes, depuis la mise en place d'un moratoire décidé en 2007 (en réaction à une polémique infondée et à des dysfonctionnements qui n'en étaient pas). Du fait du moratoire, l'équipement de nouvelles collectivités est stoppé, alors que seules celles déjà équipées peuvent continuer d'utiliser leurs machines. Que ce soit du point de vue des collectivités utilisatrices, des électeurs et des préfectures, l'utilisation des machines à voter est satisfaisante. L'usage des machines à voter est autorisé en France par l'article L. 57-1 du code électoral depuis la loi du 10 mai 1969. Ce choix relève de la liberté de chaque commune de plus de 3 500 habitants après autorisation du préfet. Aucun dysfonctionnement remettant en cause la sincérité du scrutin n'a été relevé par l'État ou le juge des élections depuis le début de l'utilisation de ces machines. Si la feuille de route du ministère de l'intérieur préconise la suppression du vote électronique à l'aide des machines à voter, le député tient à rappeler la différence fondamentale qui existe entre le vote par internet d'une part et le vote via la machine électronique d'autre part. Dans les communes dotées de machines à voter, les opérations de dépouillement sont entièrement automatisées et sécurisées puisqu'elles ne sont possibles qu'après la mise en œuvre d'un double dispositif d'authentification électronique, constitué de deux clés actionnées par le président du bureau de vote et un assesseur conformément aux exigences du règlement technique. La lecture des résultats par le président à l'issue de la clôture du scrutin n'efface en outre pas les données et la relecture du stockage des résultats est possible. Ces résultats sont retranscrits par écrit sur un procès-verbal sur lequel peut être porté tout incident qui pourrait avoir un lien avec l'usage des machines à voter et auquel sont obligatoirement annexés tous les documents imprimés par la machine à l'ouverture et à la clôture du scrutin. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs jugé qu'au vu des spécifications techniques imposées aux machines à voter, de la procédure d'agrément qui leur est applicable et des contrôles dont elles font l'objet, le secret du vote est préservé (décision n° 2012-514 du 10 mai 2012 portant proclamation des résultats de l'élection du Président de la République). Le Conseil d'État a également considéré que dans ces conditions l'utilisation des machines à voter ne peut ni avoir entaché l'expression des suffrages, ni porté atteinte à la sincérité du scrutin (décisions n° 329109 du 25 novembre 2009 et n° 337945 du 1er décembre 2010). Les fonctionnalités techniques des machines à voter permettent donc de garantir la sincérité du scrutin. Au regard de la fiabilité apportée par le système des machines à voter et pour donner la liberté aux communes de plus de 3 500 habitants de pouvoir choisir leurs modalités d'organisation de vote, il lui demande de lever le moratoire, ce qui permettrait à chaque commune de pouvoir, si elle le souhaite, s'équiper de machines à voter.
L'usage des machines à voter suscite des interrogations croissantes depuis une dizaine d'années, non seulement en France, mais partout en Europe et dans les pays démocratiques, où leur utilisation est en déclin. Ainsi, entre 2007 et 2012, 32 communes françaises y ont renoncé pour des raisons de coût, de complexité d'usage et de mauvaise acceptation des électeurs. 66 communes étaient équipées d'après le recensement effectué au ministère en février 2017. Le constat de risques d'ordre technique, juridique et organisationnel en 2007 a ainsi conduit le ministère de l'intérieur à limiter l'usage des machines à voter. Ces dernières soulevaient en effet de nombreuses difficultés : l'allongement des temps d'attente dans les bureaux équipés, sources de contentieux, le coût que les machines à voter représentent pour les communes, évalué entre 4 000 et 6 000 euros en 2007 pour l'achat d'une machine, auxquels s'ajoutent les frais d'entretien, de stockage et de formation des utilisateurs. En outre, le Conseil constitutionnel a relevé dans ses observations sur les scrutins présidentiel et législatif de 2007 que « l'utilisation [des machines à voter], qui rompt le lien symbolique entre le citoyen et l'acte électoral que la pratique manuelle du vote et du dépouillement avait noué, se heurte aussi à une résistance psychologique qu'il convient de prendre encompte ». Face à ces limites, et sur la base des conclusions du groupe de travail mixte (ministère de l'intérieur, Conseil d'Etat, Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, représentants des collectivités et des usagers) qui avait été mis en place en 2007, il a été décidé en 2008 de geler le périmètre des communes utilisatrices. Les arguments qui ont motivé le moratoire ont été confirmés par les sénateurs Alain ANZIANI et Antoine LEFEVRE dans leur rapport d'information sur le vote électronique remis en avril 2014. Ces derniers ont estimé nécessaire de proroger le moratoire, compte tenu des risques sur le secret du scrutin et sur sa sincérité associés à l'usage des machines à voter. D'après eux, ces dernières « ne peuvent garantir ni la conformité du choix de l'électeur, ni l'absence de dysfonctionnement dans l'enregistrement des suffrages. » En outre, le niveau élevé de risques « cyber », tels que ceux qui ont récemment caractérisé les scrutins législatif et présidentiel de 2017, doit désormais être pris en compte dans l'appréhension des opérations de vote réalisées à l'aide de machines à voter, du fait, pour une part prépondérante du parc installé, de l'obsolescence technique des dispositifs, ainsi que de l'importance du risque inhérent attaché aux opérations de paramétrage des machines à voter préalable aux opérations de vote à proprement parler. C'est pourquoi, conformément à la feuille de route du ministère de l'intérieur communiquée en septembre dernier, le Gouvernement a engagé une réflexion visant à réexaminer le cadre applicable aux machines à voter, y compris pour ce qui concerne l'homologation et l'autorisation de nouveaux modèles. En attendant, le moratoire est maintenu.
2 commentaires :
Le 01/08/2018 à 07:25, Christian PERROT a dit :
Le Conseil Constitutionnel n'a jamais été sais de la conformité à la Constitution de l'article L57-1 du Code électoral.
Source : Benjamin Morel - Revue française du droit constitutionnel - N°114-2018/2
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Le 01/08/2018 à 07:54, Christian PERROT a dit :
Il ne peut y avoir 2 systèmes de vote différents dans la même circonscription électorale lors d'un même scrutin car cela entrainerait une configuration rupture d'égalité entre électeur (article 3 alinéa 3 de la Constitution).Il semble qu'au niveau du Ministère de l'Intérieur qu'il y existe une difficulté à évoquer cette problématique constitutionnelle.
Cette notion de rupture d'égalité entre électeurs d'une même circonscription électorale a été abordée en séance publique à l'Assemblée nationale le 9 octobre 2014 lors de la discussion autour de la proposition de loi organique du député UMP Thierry Mariani visant à instaurer le vote par voie électronique (vote par internet) des Français de l'étranger à l'élection présidentielle et à l'élection des représentants au Parlement européen.
Voir : http://chris-perrot.hautetfort.com/files/VE-JO-sessionAN-09102014.pdf
En 2019 lors des Européennes, en France il n'y aura qu'une circonscription unique. Conséquence, impossibilité de faire cohabiter lors de ce scrutin plusieurs systèmes de vote (vote papier, machines à voter ou vote par internet).
Les deux députés brestois ont pour leur part été alertés à plusieurs reprises sur cette question mais ne semblent n'avoir aucune volonté politique pour en alerter le Ministère de l'Intérieur.
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