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Ugo Bernalicis
Question N° 7201 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 10 avril 2018

M. Ugo Bernalicis appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur le périmètre et l'efficacité de la procédure d'amende forfaitaire au délit d'usage illicite de stupéfiants, qu'il souhaite mettre en place. Le 25 janvier 2018, la mission d'information portant sur l'opportunité de recourir à la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle pour sanctionner l'infraction d'usage illicite de stupéfiants, confiée à messieurs les députés Éric Poulliat (LaREM, Gironde) et Robin Reda (LR, Essonne) a remis les conclusions de ses travaux. Parmi les propositions du rapport, le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb tranche en faveur du maintien de la possibilité de poursuites pénales pour les consommateurs de stupéfiants tout en créant une amende forfaitaire délictuelle. M. le député regrette que le Gouvernement ait décidé de circonscrire le débat sur l'usage des stupéfiants en traitant de cette problématique uniquement sous l'angle répressif. L'une des vertus principales de la mise en place d'une procédure d'amende forfaitaire délictuelle serait, selon le Gouvernement de permettre de dégager du temps aux forces de l'ordre, pour lesquelles l'établissement des procédures relatives à l'usage de stupéfiants constitue une activité chronophage estimée à 1,2 millions d'heures par an. M. le député s'interroge sur le sérieux de la proposition du ministre et l'efficacité d'une telle mesure au regard de son périmètre d'application. Comme il est indiqué dans le rapport d'information la procédure d'amende forfaitaire délictuelle ne peut s'appliquer ni aux mineurs, ni aux auteurs d'infractions multiples, ni aux récidivistes. Sont donc exclus du dispositif une partie importante des personnes interpellées pour usage de stupéfiants. D'après l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (ODFT) dans une étude parue en octobre 2015, les mineurs représentent 19 % des usagers interpellés ; l'Observatoire nationale de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) en mars 2016 indique quant à lui que 31 % des personnes interpellées dans le cadre d'une infraction à la législation sur les stupéfiants sont en situation de récidive. La procédure d'amende forfaitaire délictuelle s'appliquerait donc uniquement à un auteur d'une infraction d'usage simple, primo-interpellé et majeur. M. le député veut connaître la part de cette catégorie parmi l'ensemble des personnes interpellées pour usage de stupéfiants. L'objectif affiché par le Gouvernement est de permettre de libérer du temps pour les forces de l'ordre. Or M. le député souhaite signaler qu'au sein même du rapport il est indiqué que le travail de constatation sur la voie publique et de rédaction de procédure pénale peut être estimé pour un consommateur majeur, reconnaissant les faits et sans antécédents connus entre 1h30 et 2 heures lorsque la procédure se déroule rapidement. Alors que pour un mineur le temps consacre, pour une simple procédure d'usage de stupéfiants, en audition libre, peut être supérieur à 5 ou 6 heures. C'est pourquoi M. le député s'interroge sur l'efficacité d'une telle mesure au regard du dessein assigné à cette mesure par le Gouvernement. M. le député souhaite dans le cadre de ses fonctions parlementaires, contrôler le sérieux de la solution retenue par le Gouvernement. Il souhaite savoir quel pourcentage de personnes interpellées pour usage de stupéfiants est concerné par la procédure d'amende forfaitaire délictuelle et quels gains en temps peuvent être escomptés de la mise en œuvre d'une telle mesure pour les forces de police et de gendarmerie.

Réponse émise le 4 septembre 2018

La sécurité est une priorité du Gouvernement. C'est pourquoi les moyens humains, matériels et technologiques alloués aux forces de l'ordre sont en augmentation. Mais l'efficacité suppose également des transformations en profondeur. Tel est le sens de la police de sécurité du quotidien (PSQ) lancée début février 2018 par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Celle-ci s'inscrit dans une démarche globale de modernisation des modes d'action des forces de l'ordre, avec par exemple les chantiers lancés pour supprimer les tâches indues qui éloignent les policiers de leurs missions opérationnelles et pour renforcer le continuum de sécurité avec les autres acteurs, publics et privés, de la sécurité. Il est également indispensable, pour redonner du sens à l'action policière et permettre aux forces de l'ordre d'être plus présentes et plus efficaces sur le terrain, de rendre plus simple la procédure pénale et plus effective et plus lisible la réponse pénale. La possibilité de sanctions immédiates par le biais de la « forfaitisation » de certaines infractions permet à cet égard d'apporter des réponses rapides et effectives à des infractions participant au sentiment d'insécurité des Français. La possibilité de forfaitiser certains délits, comme la conduite d'un véhicule sans permis ou sans assurance, a été introduite par la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle. L'extension de cette procédure à d'autres délits, dont l'usage illicite de stupéfiants, vise à mieux prendre en compte ces infractions par une sanction simplifiée qui permettra de rendre plus lisible la peine et par suite de réprimer plus efficacement, d'alléger le travail purement « administratif » des policiers et des gendarmes mais aussi de désengorger les juridictions. La forfaitisation du délit d'usage illicite de stupéfiants constituera donc une mesure de simplification de la procédure pénale. Très attendue par les forces de l'ordre, elle dégagera du temps opérationnel pour d'autres missions de voie publique, au bénéfice direct de la sécurité de la population. Elle permettra également aux enquêteurs de donner la priorité à la lutte contre les trafics. Actuellement, le temps moyen de traitement d'une procédure pour usage de stupéfiants, pour un consommateur majeur reconnaissant les faits et sans antécédent judiciaire en matière d'infraction à la législation sur les stupéfiants, est d'1h30 à 2h. Il dépasse fréquemment les 4 heures. La verbalisation sur la voie publique améliorera mécaniquement l'efficience, en termes de temps et d'effectifs, du traitement de cette délinquance. Cette mesure sera débattue au Parlement à l'automne 2018 dans le cadre du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. S'agissant des récidivistes, il y a lieu de rappeler que, lors des auditions devant la mission d'information parlementaire relative à l'application d'une procédure d'amende forfaitaire au délit d'usage illicite de stupéfiants, confiée à MM. Eric POULLIAT et Robin REDA, le ministère de l'intérieur a défendu l'application de cette procédure aux personnes en état de récidive légale, le maintien du caractère délictuel de l'infraction permettant cependant, si besoin, sa poursuite sous d'autres formes. Les usagers récidivistes ne doivent en effet pas être exclus du dispositif afin que cette mesure s'applique au plus grand nombre et constitue un outil de dissuasion. L'exclusion des mineurs du dispositif, en revanche, se justifie par la spécificité de la réponse qu'implique leur minorité (soins, suivi socio-éducatif, etc.) et donc par la nécessaire intervention de l'autorité judiciaire. Sur le plan quantitatif, la procédure forfaitaire aura vocation à s'appliquer à la majorité des usagers. Les mineurs représentent en effet, depuis plusieurs années, 19 % des personnes interpellées pour usage de stupéfiants. La forfaitisation sera donc applicable à plus de 80 % des usagers. En 2017 par exemple, environ 148 000 personnes auraient pu être concernées par cette amende sur les 182 756 faits d'usage constatés. Il est toutefois difficile aujourd'hui de quantifier le nombre de personnes qui seront précisément concernées par cette mesure, mais les constatations du délit d'usage de stupéfiants devraient en tout état de cause croître en raison de la simplification du traitement procédural. Enfin, concernant le coût de cette mesure, il est difficile à évaluer. Depuis septembre 2017, plus de 50 000 terminaux numériques NEO (nouvel équipement opérationnel) ont été déployés pour la seule police nationale. Toutefois, si ces terminaux seront utilisés pour la verbalisation de l'ensemble des délits forfaitisés, ils ne sont pas spécifiquement dédiés à cette procédure et sont déjà utilisés pour de nombreuses fonctions : verbalisation de contraventions, consultation de fichiers de police, etc. Les travaux de développement de l'application « PVe forfaitisation » présente sur les terminaux NEO, comme les phases de tests techniques ou d'expérimentation sur le terrain qui sont conduits en 2018 pour la forfaitisation des délits routiers, serviront aussi pour le traitement des usages de stupéfiants et d'autres infractions.

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