M. Guillaume Gouffier-Cha interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la situation des traducteurs afghans qui travaillaient pour l'armée française en Afghanistan. Les soldats français ont quitté l'Afghanistan en décembre 2014, après 13 ans de présence, en laissant derrière eux 700 Afghans qui ont travaillé toutes ces années avec des militaires français. Mécaniciens, manutentionnaires, hommes de ménage mais aussi interprètes... Un tiers de ces 700 Afghans travaillaient comme traducteurs. Aujourd'hui, une partie de ces interprètes afghans de l'armée française ont obtenu un visa pour gagner la France, grâce à un processus de relocalisation entamé en 2015. Les autres sont restés en Afghanistan. Nombre d'entre eux y connaissent des situations de harcèlement et des menaces de mort. Des engagements avaient pourtant été donnés à ces personnes : la France ne les laisserait pas dans une situation dangereuse. De surcroît, on comprend difficilement pourquoi certains ont pu obtenir des visas et d'autres non. L'Association des anciens interprètes afghans pointe les critères choisis, selon elle, par la France pour accorder les visas : « Avoir effectué un travail fructueux avec l'armée français, ne pas représenter une menace pour la France et avoir travaillé au moins cinq ans pour l'armée ». Mais les talibans ne font pas la différence entre trois ou cinq ans de travail avec les militaires français. Un collectif d'avocats soutient la cause de ces anciens interprètes et multiplie les recours lorsque les procédures juridiques sont encore en cours. Il est question de faire jouer la demande de protection fonctionnelle. Cette procédure existe depuis plus de trente ans et permet à des fonctionnaires, ou des contractuels, de bénéficier de la protection de l'État s'ils sont menacés. Plusieurs Afghans en ont fait la demande auprès du ministère des armées. La France ne peut pas en rester à la situation actuelle ; elle a un devoir moral envers ces personnes qui l'ont aidée et qui sont aujourd'hui en danger de mort pour ce motif. Il lui demande s'il peut faire un état des lieux de la situation actuelle des demandes de visas des interprètes afghans.
Près de 800 personnes civiles de recrutement local (PCRL), dont une majorité d'interprètes, ont œuvré au profit des forces françaises déployées en Afghanistan entre 2011 et 2014. Ces personnes peuvent bénéficier d'un dispositif spécifique mis en place par le Gouvernement français en 2012 afin d'être accueillies en France. La sélection des dossiers éligibles repose sur des critères prenant en compte le souhait de la personne d'être relocalisée en France le niveau de la menace pesant sur elle, la qualité des services rendus et enfin la capacité à s'insérer en France, sous réserve que les vérifications sécuritaires effectuées ne révèlent pas qu'elle représenterait un danger pour la sécurité nationale. Dans ce cadre, les campagnes successives organisées entre 2012 et 2014 puis en 2015 ont conduit à l'accueil sur le territoire français de 176 PCRL et leur famille, soit plus de 550 personnes. Une commission, créée à Kaboul en juin 2012 et présidée par le commandant de la force PAMIR et l'ambassadeur de France en Afghanistan, a eu la charge d'instruire les demandes d'exfiltration sur la base du volontariat et d'un casier judiciaire vierge avec trois critères retenus : la réalité de la menace, la nature des services rendus et la faculté d'intégration en France. Les dossiers étaient ensuite soumis pour validation à une coordination interministérielle, placée sous l'autorité du premier ministre. Suite à l'aggravation des conditions sécuritaires, notamment à Kaboul, l'association des anciens interprètes afghans a demandé que les personnes déboutées lors des précédentes demandes voient leur demande de visa réexaminée. Le Gouvernement a accédé à cette demande pour des motifs humanitaires, sous réserve de la prise en compte des risques d'atteinte à la sécurité nationale et à l'ordre public. Les demandeurs résidant pour la plupart encore sur place, une mission pilotée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a été envoyée à l'automne 2018 pour réexaminer leur demande pendant une période d'un mois, 51 ex-PCRL et leurs familles sont concernées. Les personnes accueillies sont prises en charge dès leur arrivée à l'aéroport par le délégué interministériel chargé de l'accueil et de l'insertion des réfugiés et un opérateur spécialisé dans les domaines de l'accueil, de l'hébergement, de l'accompagnement et de la réinstallation. Le premier PCRL issu de cette nouvelle phase de réinstallation a été accueilli en France le 29 novembre 2018. Les arrivées vont s'échelonner jusqu'au mois de mars 2019.
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