M. Marc Delatte interroge M. le ministre de l'économie et des finances sur la suppression des mandats de commissaires aux comptes dans les PME-PMI. Un an et demi après l'entrée en vigueur de la réforme européenne de l'audit, et pour se mettre en conformité avec celle-ci, le Gouvernement a décidé de revoir le cadre des obligations de contrôle en France, lequel est beaucoup plus strict dans l'Hexagone que dans les autres nations européennes. En novembre 2017, Mme Nicole Belloubet, ministre de la justice, et M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, ont donc lancé une mission auprès de l'inspection générale des finances (IGF) afin d'évaluer l'opportunité de relever les seuils d'audit légal dans les PME. L'IGF estime qu'en-dessous de 8 millions d'euros de chiffre d'affaires, une entreprise française n'a pas besoin de commissaire aux comptes pour certifier ses comptes. Cependant, une telle mesure, si elle était introduite dans la loi PACTE prochaine, supprimerait la présence des commissaires aux comptes dans plus de 150 000 entreprises, les privant ainsi de la confiance apportée par celui-ci et induirait de plus de nombreux licenciements et fermetures de cabinets. Une telle proposition aboutirait non pas à alléger les procédures des petites entreprises, mais bien au contraire à fragiliser ces dernières, alors privées du contrôle de leur santé financière : plus de 2 450 entreprises ont disparu sur les 5 premières années de leur activité contre 38 en cas de présence d'un commissaire aux comptes. Le commissaire aux comptes, dans toutes les entreprises qu'il audite, petites ou grandes, permet le développement de ces dernières dans un cadre réglementé en apportant de la confiance et crée de la transparence dans l'économie, ainsi qu'au sein des territoires et des bassins de vie. Ainsi, le commissaire aux comptes dans les PME a une mission qui participe de l'intérêt général : lutte contre la fraude et le blanchiment, révélation des faits délictueux, pérennité des entreprises, prévention des entreprises en difficultés, prévention des litiges. L'audit est fondamentalement un outil de prévention, un outil de croissance et de projection. De plus, la certification des comptes est une garantie indispensable pour permettre aux entreprises de se financer auprès des banques et le rétrécissement du rôle du commissaire aux comptes pose problème en termes de protection du crédit. Par ailleurs, dans un pays comme la France, le tissu économique est majoritairement formé par des petites et moyennes entreprises et le rôle de sécurisation et de proximité joué par le commissaire aux comptes justifie des seuils d'intervention plus faibles. Enfin, cette mesure risque de se révéler contre-productive pour l'État et les comptes sociaux, le commissaire aux comptes étant le garant du respect des obligations fiscales et sociales. En conséquence, il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer quelles mesures il entend prendre, afin de ne pas fragiliser la profession des commissaires aux comptes et la sécurité financière des PME-PMI.
Dans le cadre du plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), le Gouvernement souhaite alléger les obligations pesant sur les petites entreprises, afin de faciliter leur développement. Parmi les mesures envisagées à cet effet, le relèvement de certains seuils réglementaires et fiscaux constitue une orientation importante pour réduire les charges administratives qui leur sont applicables. Dans ce cadre, le Gouvernement envisage, en effet, de relever les seuils de certification légale des comptes par un commissaire aux comptes au niveau prévu par le droit européen, c'est-à-dire 8 M€ de chiffres d'affaires, 4 M€ de bilan et 50 salariés. Une analyse, conduite par l'inspection générale des finances, a en effet démontré que la pertinence de seuils d'audit légal plus faibles que ceux fixés par le droit européen n'est pas établie, tant du point de vue de la qualité des comptes des petites entreprises, que de leur accès au financement. Le rapport de l'inspection générale des finances démontre en outre que les coûts supportés par les petites entreprises françaises qui ne sont pas visées par l'obligation européenne de certification légale des comptes sont élevés (de l'ordre de 600 millions d'euros, soit en moyenne 5 511 € par an pour une entreprise située sous les seuils européens). Pour cette raison, il semble pertinent, au regard des enjeux financiers limités associés, de rendre facultative l'intervention d'un commissaire aux comptes dans les petites entreprises, alors que 75% d'entre elles recourent en parallèle aux services d'un expert-comptable, qui concourt, d'ores et déjà, à la qualité comptable dans ces structures. Cette démarche est conforme à l'objectif fixé par le Premier ministre, dans la circulaire du 26 juillet 2017 relative à la maîtrise des flux réglementaires et de leur impact, d'identifier et d'éliminer les surtranspositions du droit européen dans notre droit national, alors qu'un nombre significatif d'États membres ont fixé des seuils identiques ou supérieurs à ceux prévus par le droit européen. Elle est également pleinement cohérente avec les orientations du Gouvernement visant à établir un nouveau contrat avec les entreprises fondé la restauration de liens de confiance mutuelle entre l'État et les acteurs économiques, et ainsi, une diminution du poids des contrôles et une responsabilisation individuelle accrue, comme en témoigne la création d'un droit à l'erreur, prévu par le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance. Le relèvement des seuils d'audit constitue un défi pour la profession de commissaires aux comptes, impliquant une évolution en profondeur de son activité. Afin d'étudier, de manière précise, les conséquences de cette réforme et d'envisager les mesures d'accompagnement nécessaires, l'appui d'une mission présidée par Patrick de Cambourg, président de l'Autorité des normes comptables, a été sollicitée sur l'avenir de la profession. Cette mission aura notamment pour objectif d'identifier des missions nouvelles, légales ou non, pouvant être confiées aux commissaires aux comptes ; de rechercher les moyens pour renforcer l'attractivité de cette profession et de permettre le maintien d'un maillage territorial suffisant de la profession dans les territoires ; de proposer des mesures d'aide aux professionnels les plus touchés par la réforme ; enfin, de formuler des propositions visant à favoriser le développement de l'expertise comptable et à enrichir ses missions d'appui et de conseil aux entreprises ne disposant pas d'un commissaire aux comptes. Les conclusions de cette mission permettront au Gouvernement d'adopter, d'ici à l'été 2018, un plan d'action visant à accompagner la mise en œuvre du relèvement des seuils d'audit.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.