M. Philippe Chalumeau appelle l'attention de Mme la ministre du travail sur la délégation du pilotage et le financement de l'apprentissage aux branches professionnelles plutôt qu'aux régions. En effet, nombre de citoyens sont attachés au maintien d'un pilotage public de l'éducation et de la formation professionnelle, tout en concédant un partenariat avec le secteur privé. Les élus territoriaux ont pu prouver leurs compétences et leur efficacité dans cette gestion. À titre d'exemple, et ce dans le cadre du Contrat de plan régional de développement des formations et d'orientation professionnelles (CPRDFOP), la région Centre-Val de Loire a créé, en 2017, un nouveau CFA spécialisé dans l'agroalimentaire (IFRIA). Les régions ont parfaitement repéré et analysé les freins et les blocages de l'apprentissage d'ordre culturel et social. Elles sont, dans cette mesure, les plus à même d'apporter des solutions telles qu'elles apparaissent dans la plateforme de 18 propositions de la Conférence des présidents de régions. Laisser le pilotage aux régions, c'est s'assurer d'une répartition équitable des financements entre les différentes structures bénéficiaires (CFA, centres de formation, entreprises, plateaux techniques, lycées professionnels, etc.). C'est également assurer la continuité d'un service public et de tout un réseau qui pourraient demain être fragilisés. Laisser le pilotage aux régions, c'est enfin poursuivre la modernisation de la démocratie par la décentralisation et le transfert des responsabilités de l'administration centrale vers l'administration de terrain, auxquels aspirent de nombreux Français. D'évidence, les branches professionnelles ont leur partition à jouer, et ce prioritairement dans la détermination des besoins quantitatifs et qualitatifs des métiers en termes de compétences, de savoirs et de savoir-faire, tout en conservant un lien fort avec les pouvoirs publics. Les propositions de la Conférence des présidents de régions témoignent d'une analyse approfondie de la situation et d'une motivation forte et légitime de poursuivre les actions de terrain entamées. Par ailleurs, divers présidents d'universités ont fait part de leurs craintes pour un bon nombre de contrats post-bac. Ainsi, il sollicite ses éclaircissements sur la future part des régions et des branches professionnelles dans le pilotage et le financement de l'apprentissage et de la formation professionnelle, à l'issue d'une réforme nécessaire qui viendra indubitablement contribuer avec force à la lutte contre le chômage, notamment chez les plus jeunes.
L'apprentissage constitue une promesse solide d'insertion professionnelle puisque environ 70% des apprentis trouvent un emploi dans les 7 mois qui suivent la fin de leur formation. Pourtant, notre pays comptait au 31 décembre 2016 seulement 400 000 apprentis, soit 7% des jeunes, contre 15% en moyenne dans les pays européens qui ont réussi à endiguer le chômage de masse des jeunes. Or, la France compte plus de 1.3 million de jeunes qui ne sont ni à l'école, ni à l'université, ni en apprentissage et ni en emploi. Cela ne saurait être une fatalité. Cette situation s'explique par le fait que les jeunes et les entreprises se heurtent à de nombreux obstacles. En effet, outre un frein culturel, notre système de l'apprentissage se caractérise par la complexité tant de sa gouvernance, que de son financement et de son opérationnalité, si bien que les jeunes sont privés de formations adaptées à leurs besoins et ne trouvent pas d'entreprises alors de des dizaines de milliers de places ne sont pas pourvues. C'est pourquoi le Gouvernement, avec tous les acteurs concernés, les régions, les branches professionnelles et les partenaires sociaux, ont décidé de s'engager conjointement dans une mobilisation nationale sans précédent pour une meilleure orientation et une transformation profonde de l'apprentissage. Une large concertation, lancée le 10 novembre 2017, a réuni l'ensemble des acteurs de l'apprentissage autour de Mme Sylvie Brunet, Présidente de la section travail et emploi du Conseil économique social et environnemental, dont le rapport a été transmis aux ministres du travail, de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Les propositions retenues par le gouvernement figurent dans le titre premier du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, présenté en Conseil des ministres le 27 avril 2018 et actuellement en cours d'examen parlementaire, en est la traduction législative. Cette transformation en profondeur de l'apprentissage repose sur 3 axes : 1) instaurer un nouveau statut de l'apprenti plus attractif pour les jeunes ; 2) adapter le système pour permettre aux entreprises de s'engager dans l'apprentissage ; 3) rendre le financement plus simple, plus transparent et plus incitatif. 1) Car l'apprentissage mérite d'être reconnu comme une voie de passion et d'excellence, cette réforme entend la rendre plus attractive pour les jeunes. Ainsi, l'apprentissage sera ouvert aux jeunes jusqu'à 30 ans au lieu de 26 ans aujourd'hui. Par ailleurs, la rémunération des jeunes de 16 à 20 ans sera augmentée de 30 € net par mois. En outre, une aide publique forfaitaire de 500€ sera attribuée aux jeunes d'au moins 18 ans pour financer leur permis de conduire. Tous les apprentis dont le contrat de travail est interrompu en cours d'année ne perdront plus leur année et auront le droit de prolonger pendant 6 mois leur formation au sein du CFA (sauf en cas d'exclusion du CFA) qui recevra un financement dédié à cet effet. Tous les jeunes qui souhaitent s'orienter vers l'apprentissage, mais ne disposent pas des connaissances et des compétences requises, auront accès à des prépa-apprentissage. De plus, ils bénéficieront avec leur famille d'une information transparente sur la qualité des formations ainsi que de plusieurs journées d'information sur les filières et les métiers qui seront organisées, par les régions avec le monde professionnel et les départements pour les collèges, en classes de 4ème, 3ème, 2nde et 1ère. Enfin, 15 000 jeunes apprentis pourront bénéficier du programme Erasmus de l'apprentissage, soit deux fois plus qu'aujourd'hui, afin d'effectuer plusieurs mois de formation dans un autre pays d'Europe. De même, dans les outre-mer, une expérimentation est prévue pour favoriser les mobilités « régionales océaniques » dans le cadre de la réalisation d'une partie du contrat d'apprentissage. 2) Pour les employeurs et les maitres d'apprentissage en entreprises, les formalités juridiques, administratives et financières seront simplifiées et assouplies Les partenaires sociaux des branches professionnelles au plus près des réalités socio-économiques des métiers co-écriront les diplômes professionnels avec l'Etat. Les aides des entreprises pour embaucher des apprentis seront unifiés et ciblées sur les TPE et PME ainsi que sur les niveaux bac et pré-bac. La procédure d'enregistrement du contrat d'apprentissage sera réformée. La durée du contrat d'apprentissage pourra facilement et rapidement être modulée en fonction du niveau de qualification déjà atteint par le jeune. L'embauche d'apprentis pourra se faire tout au long de l'année et sera moins dépendante du rythme scolaire. Les ruptures de contrat d'apprentissage pourront s'effectuer après 45 jours sans passage préalable et obligatoire devant les Prud'hommes. Par ailleurs les CFA pourront développer rapidement et sans limite administrative les formations correspondant aux besoins de compétences des entreprises et la qualité de la formation sera renforcée par un système de certification. Par ailleurs, le projet de loi susmentionné, dans sa rédaction issue de l'Assemblée Nationale, introduit un nouveau dispositif puissant de « reconversion et promotion par l'alternance ». Baptisé « Pro A », il vise à permettre aux salariés, tout en gardant leur contrat de travail et leur rémunération, d'accéder à une formation qualifiante en alternance, soit pour une promotion interne, soit pour une reconversion. Il permettra aussi de répondre aux besoins spécifiques des certains secteurs d'activité et d'anticiper les reconversions liées aux mutations, tout en conservant l'emploi. Ce dispositif est un élément clé qui s'inscrit en complément du plan de formation de l'entreprise, désormais, plan de développement des compétences, et du droit individuel, via le compte personnel de formation (CPF), qui, par le projet de loi, devient un véritable outil d'émancipation sociale à la main des actifs, avec la protection d'une garantie collective. 3) Le financement de l'apprentissage sera profondément rénové pour que le système soit plus simple, plus transparent et plus incitatif. Tout contrat en alternance sera financé : chaque jeune et chaque entreprise qui signent un contrat en alternance ont la garantie de bénéficier d'un financement. Les CFA seront financés au contrat : financement du CFA = nombre de contrats × financement par contrat. Les CFA seront ainsi fortement incités à développer un meilleur accompagnement pour les jeunes et à proposer de meilleurs services aux entreprises pour se développer et accueillir davantage de jeunes. Par ailleurs, les branches détermineront le coût du contrat de chaque diplôme ou titre professionnel en fonction des priorités de recrutement des entreprises et de la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC) de branche. Un système de péréquation interprofessionnelle garantira que toutes les entreprises qui accueillent un apprenti voient leur contrat financé. Enfin, les régions disposeront, pour tenir compte des spécificités de l'aménagement du territoire et pour améliorer la qualité et l'innovation pédagogique, d'une capacité de subvention complémentaire au financement au contrat Elles conservent ainsi leur fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), dont les recettes sont dynamiques. Elles favoriseront, en lien avec les branches, l'éducation nationale et l'enseignement supérieur, la création de campus des métiers qui facilitent les passerelles entre les différentes formations (CFA, lycée professionnel, université, formation continue). Enfin, les régions siègeront au sein du conseil d'administration de France Compétences, agence de régulation quadripartite où se retrouveront également l'État, et les partenaires sociaux. Cette agence assurera des missions de péréquation financière : répartition entre les branches et les opérateurs de compétences auxquels elles adhérent, versement des montants financiers aux Régions au titre de l'apprentissage ; versement des fonds aux opérateurs du conseil en évolution professionnelle choisis par appels d'offres ; péréquation entre opérateurs de compétences au profit du développement des compétences des entreprises de moins de 50 salariés. Cette agence contribuera au suivi et à l'évaluation de la qualité des actions de formation dispensées, à l'observation des coûts et des niveaux de prise en charge des formations s'agissant des fonds publics ou mutualisés. Elle établira et actualisera le répertoire national des certifications professionnelles. France compétences pourra émettre des recommandations auprès des pouvoirs publics et des représentants des branches professionnelles et les rendre publiques. La transformation de l'apprentissage engagée par le Gouvernement ne constitue donc ni un acte de recentralisation, ni de privatisation. Guidée par l'intérêt général, elle permettra à nos concitoyens d'accéder plus facilement à cette voie d'excellence, de passion, et d'insertion professionnelle durable grâce à un système lisible, régulé, de qualité, où les acteurs sont responsabilisés, au service tant de l'égalité des chances et de l'émancipation par la formation et le travail, que du dynamisme de notre économie, facteurs indissociables de l'attractivité de nos territoires.
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