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Luc Carvounas
Question N° 7776 au Ministère de la justice


Question soumise le 24 avril 2018

M. Luc Carvounas attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation des centres éducatifs fermés. Le conseil des ministres étudiera prochainement la loi de programmation de la justice qui prévoit l'ouverture de nouveaux centres éducatifs fermés. Depuis de nombreuses années, des organismes publics comme le contrôleur des libertés ou la commission nationale consultative des droits de l'Homme pointent des dysfonctionnements dans l'encadrement des mineurs placés en centres éducatifs fermés. En effet, le travail des éducateurs s'apparentant en CEF à celui de surveillants d'établissements pénitentiaires, ces personnels majoritairement contractuels n'ont pas la formation nécessaire pour faire face à des situations exceptionnelles de crise. Alternative à la détention en milieu carcéral, un avis de la commission nationale consultative des droits de l'Homme pointe la « carcérialisation » des CEF. La mise en place de vidéo-surveillance, grilles, portes verrouillées rend le fonctionnement des CEF similaire à celui d'un établissement pénitentiaire alors que celui-ci est censé être un lieu de résidence et non de détention. La situation des personnels et des résidents des CEF doit donc être étudiée et de nouvelles propositions pour préparer au mieux le retour des résidents dans leurs familles devraient être prochainement envisagées. Il lui demande donc de détailler les mesures retenues dans la prochaine loi de programmation de la justice pour améliorer l'accueil et la réinsertion des mineurs en centre éducatifs fermés.

Réponse émise le 14 août 2018

Le dispositif de placement judiciaire de la protection judiciaire de la jeunesse s'appuie sur des modalités diversifiées garantissant une individualisation de la réponse éducative et son adaptation aux besoins et à la situation tant personnelle et familiale que sanitaire, scolaire et professionnelle et évidemment judiciaire de chaque adolescent confié. Au sein de ce dispositif, les centres éducatifs fermés (CEF) permettent d'apporter une réponse aux mineurs les plus ancrés dans la délinquance ou qui commettent les actes les plus graves, dans le cadre strict d'une mesure de sûreté (contrôle judiciaire) d'un sursis mise à l'épreuve ou d'un aménagement de peine. A l'instar de tous les établissements composant le dispositif de placement judiciaire de la PJJ, les CEF sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) au sens de l'article L 312-1-I du code de l'action sociale et des familles. A ce titre, ils garantissent les droits et libertés individuelles énoncés aux articles L.311-3 et L.311-5 du même code en mettant en place les outils définis par la loi : document individuel de prise en charge (DIPC), charte des droits et des libertés, livret d'accueil, règlement de fonctionnement, projet d'établissement, instances de participation des usagers, recours à une personne qualifiée. En ce sens, la prise en charge au sein des CEF s'appuie sur un projet éducatif construit, intensif et structuré permettant d'assurer la prise en charge évolutive des mineurs, ainsi que sur un projet pédagogique répondant à un objectif de réinsertion, tant sociale que scolaire et/ou professionnelle des mineurs. Le caractère fermé de ces établissements est caractérisé par le fait que la violation des obligations judiciaires auxquelles le mineur est astreint durant son placement peut entraîner son placement en détention, ce qui peut aussi être le cas dans le cadre d'un placement dans un autre établissement. Il se matérialise en outre physiquement par des aménagements spécifiques des propriétés et des locaux. La mise en place d'une entrée unique, d'une clôture et de systèmes de fermetures permettant de contrôler l'accès aux différents espaces de l'établissement sont autant de mesures visant à prévenir les fugues qui constituent des infractions au placement. En outre, l'installation d'un système de vidéo-protection, possible uniquement sur décision de la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse, vise exclusivement à assurer la sécurité extérieure des bâtiments et de leurs abords, des agents et des mineurs pris en charge. La restriction de liberté appliquée en CEF à un public en grande difficulté peut créer les conditions d'un risque d'incidents qui impactent tout à la fois les mineurs et les professionnels, et peuvent conduire à des dysfonctionnements de gravités diverses. Soucieuse de consolider le fonctionnement de ces établissements, la DPJJ pilote un plan d'action dont les axes dédiés aux ressources humaines visent à améliorer le recrutement, la formation des personnels de CEF et la stabilité des effectifs. La constitution d'équipe a fait l'objet en 2012 d'une dotation spécifique en personnels de santé à hauteur de 1,5 ETP afin d'assurer une prise en compte systématique des questions de santé au sens large, en lien avec les établissements de santé du secteur. En outre, les équipes de direction ont été renforcées par le positionnement d'un troisième cadre dans le secteur public. En matière de formation, l'ENPJJ a élaboré un dispositif spécifique pour les personnels intervenant en hébergement et notamment en CEF, qui a été déployé dans les pôles territoriaux de formation au cours de l'année 2016. Un accompagnement spécifique est aussi mis en place pour les professionnels contractuels en CEF. Ceux-ci sont notamment encouragés à se présenter aux concours de la PJJ et bénéficient d'un accès privilégié aux journées de préparation dispensées dans les pôles territoriaux de formation. Les autorités indépendantes de contrôle, tel le contrôleur général des lieux privatifs de liberté et les services d'inspection notamment, ont formulé des recommandations prises en compte par la DPJJ dans le cadre du plan d'action visant à consolider et améliorer le fonctionnement de ces établissements. L'un des axes d'amélioration concerne l'orientation à la sortie des CEF et l'ouverture sur l'extérieur de ces structures. La fin de placement en CEF constitue en effet un moment délicat. Le cadre contenant et contraignant du centre éducatif fermé laisse soudainement place à un cadre plus souple. Les progrès réalisés par le mineur peuvent alors être compromis. Afin d'organiser un accompagnement renforcé pour les mineurs sortant de CEF et de les soutenir dans leur réadaptation vers un cadre de vie non fermé, plusieurs dispositions ont été intégrées au projet de loi de programmation de la justice : La mise en place de droits de visite ou d'hébergement au domicile familial qui correspond à un réel besoin, notamment pour maintenir et travailler les liens familiaux, affiner les évaluations concernant le fonctionnement familial, mais aussi préparer la sortie du placement et limiter les ruptures de parcours ; La possibilité d'organiser des accueils temporaires dans d'autres lieux dans le cadre d'un placement en CEF : L'article 33 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante sera modifié pour permettre la mise en œuvre de ces dispositions qui visent à assouplir le fonctionnement des CEF en rendant possible le passage progressif vers un autre type de placement ou vers un retour en famille dans la dernière phase de l'accueil, au moment de la préparation à la sortie, afin de faciliter la reprise d'une scolarité ou d'une formation, voire l'obtention d'un emploi ; La création d'une mesure éducative d'accueil de jour qui permettra d'assurer une transition entre le cadre strict du centre éducatif fermé et un éventuel retour sur des dispositifs de droit commun. Cette mesure permettra à des mineurs sortant de ces centres ou nécessitant un suivi éducatif renforcé de bénéficier d'un accompagnement intensif, pluridisciplinaire, garantissant une prise en charge continue en journée à partir d'un emploi du temps individuel, adapté à leurs besoins spécifiques. En raison de son caractère innovant, cette mesure sera instituée à titre expérimental.

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