M. Fabien Matras alerte Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la nécessité de réformer le régime de protection des majeurs vulnérables, notamment la tutelle et la curatelle. Aux termes de l'article 425 du code civil, toute personne majeure dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté, peut bénéficier d'une mesure de protection juridique. La loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, complétée par le décret du 22 décembre 2008, a profondément réformé le droit des majeurs incapables issu de la loi du 3 janvier 1968. La loi de 2007 a ainsi initié plusieurs mouvements visant à renforcer la protection du majeur vulnérable et de ses biens : médicalisation, professionnalisation de la protection avec la création des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, extension de la protection à la personne du majeur et plus seulement de son patrimoine et de ses biens. À cet effet, le juge des tutelles est l'autorité centrale en matière de protection des majeurs vulnérables en ce qu'il instaure, organise et met fin aux mesures de protections, qu'il soit question de la sauvegarde de justice, de la curatelle ou de la tutelle. Malgré cela l'accroissement du nombre de majeurs vulnérables met en exergue l'apparition de nouveaux enjeux dans l'organisation de leur protection afin d'assurer leur bien-être, qu'il s'agisse d'un suivi effectif de l'exécution des mesures de protection ou de la création d'un véritable statut des tuteurs et curateurs et de leur formation. En effet, dix ans après la réforme de 2007, plusieurs critiques ont été émises concernant l'exécution de la mesure de protection, et appelant à un renforcement de leur contrôle. Aujourd'hui ce contrôle repose sur le devoir général de surveillance exercé par le juge des tutelles et le procureur de la République pour les actes exercés dans leur ressort. À ce contrôle général s'ajoute l'obligation des tuteurs d'établir un inventaire des biens patrimoniaux du majeur dans les trois mois du prononcé de la mesure puis un compte-rendu annuel de gestion, soumis à l'approbation du directeur des services de greffes judiciaires. Dans les faits, comme l'ont indiqué conjointement le Défenseur des droits et la Cour des comptes, si l'obligation juridique de suivi est remplie, le contrôle effectué par les services judiciaires est insuffisant. Ainsi, dans son rapport de septembre 2016 sur la « Protection juridique des majeurs : une réforme ambitieuse, une mise en œuvre défaillante », la Cour des comptes dénonce le fait que « le très faible niveau de contrôle des mesures et des acteurs est alarmant ». La Cour estime que « la gestion concrète des mesures de protections par les curateurs et les tuteurs est globalement insuffisante et préoccupante ». Cette absence de contrôle est également relevée par le Défenseur des droits dans son rapport de 2016 intitulé « Protection juridique des majeurs vulnérables ». Par ailleurs, il subsiste de nombreux problèmes, en raison de l'altérité des statuts des différents tuteurs et curateurs, qui impactent les majeurs protégés et leur bien-être. D'une part, l'esprit de la réforme de 2007 était d'instaurer un statut unique en matière de protection des majeurs, ce qui fut le cas avec la création des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM) qui peuvent être privés, délégués d'établissement ou salariés. Malgré tout, cela reste un dispositif juridique de protection à deux vitesses : le coût de la tutelle variera pour deux majeurs protégés dont le niveau de patrimoine est identique, selon qu'ils sont placés auprès d'un mandataire judiciaire à la protection des majeurs individuel ou d'une association, en application du décret n° 2008-1554 du 31 décembre 2008 relatif aux modalités de participation des personnes protégées au financement de leur mesure de protection. D'autre part, si les mandataires judiciaires à la protection des majeurs bénéficient d'une formation et d'une certification nationale de compétence, ce n'est pas le cas des autres tuteurs et curateurs désignés par le juge des tutelles. De facto, la qualité et la protection des majeurs vulnérables demeurent ainsi insuffisantes ayant parfois des conséquences dramatiques sur leur personne et leur patrimoine. Le 21 novembre 2017, Mme le garde des sceaux a annoncée être consciente des améliorations susceptibles d'être apportées dans l'effectivité de ces différents modes de contrôle, il lui demande donc quelles mesures de contrôles renforcées peuvent être mises en œuvre et quels moyens de sécurisation de l'exercice des tutelles et curatelles peut-on engager afin de garantir effectivement les droits élémentaires des majeurs vulnérables.
Lors des Assises nationales de la protection juridique des majeurs en novembre 2017, Madame la Garde des Sceaux, ministre de la justice, a annoncé la mise en place d'un groupe de travail sur la protection juridique des majeurs, chargé de dresser un bilan de la mise en oeuvre de la loi du 5 mars 2007, suite aux rapports de la Cour des comptes et du Défenseur des droits en septembre 2016. Une mission interministérielle a été confiée par les ministères de la justice, des solidarités et de la santé en lien avec le secrétariat d'Etat aux personnes handicapées, à Anne Caron-Déglise, avocate générale à la Cour de cassation. Cette mission s'est appuyée sur les travaux réunissant de nombreux professionnels (magistrats, greffiers, mandataires judiciaires à la protection juridique des majeurs, médecins, représentants d'usagers, avocats, notaires). Le rapport qui résulte de ces travaux a été remis aux ministres le 21 septembre 2018. Il dresse un bilan de l'application de la loi de 2007 et formule 104 propositions pour améliorer la protection des majeurs les plus vulnérables. Avant même les conclusions de cette mission, Madame la Garde des Sceaux a souhaité renforcer les garanties et le contrôle des mesures en modifiant le dispositif de vérification des comptes de gestion dans le projet de loi de programmation 2018-2002 et de réforme pour la justice. Ce nouveau dispositif, qui renforce l'obligation d'inventaire des biens du majeur dès l'ouverture de la mesure, prévoit un contrôle interne de principe, exercé par les personnes chargées de la protection du majeur et, lorsque le patrimoine ou les revenus de ce dernier le justifient, une vérification par un professionnel. Le rapport de la mission interministérielle présente de nombreuses propositions portant notamment sur le contrôle des mesures individuelles et de l'activité des mandataires judiciaires à la protection des majeurs ainsi qu'une feuille de route. Le Gouvernement, conscient des enjeux pour la protection des plus vulnérables, s'attachera dans les tous prochains mois à poursuivre les améliorations engagées dans le projet de loi précité.
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