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Olivier Gaillard
Question N° 788 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 29 août 2017

M. Olivier Gaillard alerte M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur le financement des prestations sociales que sont les allocations individuelles de solidarité (AIS), et, dans le même temps, sur l'état des finances départementales et du droit à compensation. Depuis les différentes lois de décentralisation, l'État a transféré aux conseils départementaux la charge de financer les prestations sociales, l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) en 2002, le revenu minimum d'insertion (RMI) en 2004 et par la suite le revenu de solidarité active (RSA) en 2008 ainsi que la prestation de compensation du handicap (PCH). En plus de ne pas être compensées, ces nouvelles dépenses, connaissaient une croissance forte en raison d'un contexte économique difficile, et, de fait, la couverture des besoins sociaux était compromise. Le Premier ministre a installé en 2013 un groupe de travail État/départements qui a conclu à un constat partagé sur le chiffrage du reste à charge financé par les départements. Ce constat a abouti à la signature du Pacte de confiance et de responsabilité qui a permis, en 2014, une amélioration de la compensation versée par l'État et la réduction des inégalités financières entre les départements face au reste à charge. Cet accord s'est traduit par le transfert du produit des frais de gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties (réparti entre les départements via le fonds de compensation péréquée). 70 % du produit est réparti en fonction du reste à charge d'AIS pesant sur les départements. 30 % du produit est reparti en fonction d'une logique de péréquation, en fonction d'un indice synthétique qui tient compte du revenu par habitant, du nombre d'allocataires du RSA, de l'APA et de la PCH. L'accord s'est aussi traduit par la possibilité offerte aux départements de majorer le taux de droit commun des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Ces mesures ont permis de couvrir, en 2014, 31 % du reste à charge constaté en 2012. Si l'objectif revendiqué était de favoriser les départements dont les dépenses étaient compensées le plus faiblement, il s'avère que la situation financière d'un certain nombre de départements demeure périlleuse. L'enveloppe mise à la répartition par le dispositif contribue à réduire de manière nettement insuffisante le reste à charge d'AIS de nombreux départements dont l'équilibre budgétaire est durablement compromis à un horizon proche. Les recherches d'économies sur le fonctionnement ne permettent pas le rééquilibrage durable du budget. Cela conduit à remettre en question certains investissements, tout en maintenant l'aide aux communes. La progression des dépenses sociales, liée à la crise, n'est pas suffisamment suivie d'une compensation nationale. Les modalités de la répartition du fonds de compensation sont peu favorables aux départements qui cumulent de forts besoins à satisfaire et une forte démographie. Comparativement à leurs caractéristiques démographique, économique et social, ces départements voient leur niveau de dépenses sociales peu compensé. Il en résulte alors des contraintes budgétaires fortes et subies puisque les marges de manœuvre sur les dépenses sont faibles. Les dépenses d'action sociale pèsent substantiellement dans les dépenses de fonctionnement des départements, et leurs facteurs d'évolution échappent en grande partie à ces derniers. Il est vrai qu'il existe une compensation, mais elle n'est pas suffisante. Cette situation est aggravée par la baisse des dotations financières de l'État et par un contexte économique et social qui ne connaît pas d'embellie. De nombreux départements connaissent une autonomie financière largement fictive, ce qui menace leur libre administration. La péréquation horizontale appuyée sur la redistribution des droits de mutation à titre onéreux ne pourra pas dispenser de la mise en œuvre d'une nouvelle fiscalité pour un nouveau système de financement des dépenses sociales. Le besoin s'exprime d'un régime juridique équitable de compensation prévoyant une régularisation générale de ce qui n'est pas intégralement compensé. Il serait effectivement souhaitable de clarifier le sens de la solidarité nationale, ainsi que le sens de l'action de l'État vis-à-vis des principes d'autonomie financière et de libre administration des départements. La responsabilité de garantir aux personnes le droit de vivre dignement, revient au niveau national. C'est le financement de l'allocation individuelle de solidarité à chaque personne disposant de ce droit. Pour que l'égale satisfaction de ce droit ne soit pas elle-même menacée du fait de la crise de financement au niveau départemental, il reviendrait à la solidarité nationale d'en assurer le financement intégral par des ressources de niveau national reposant sur l'ensemble des revenus du pays : revenus du travail et revenus du capital. Il reste donc à bâtir les voies d'un financement national, d'une péréquation nationale prenant sa source au niveau de l'État, et répondant par la voie de la solidarité nationale aux besoins des collectivités. C'est précisément ce que le Président Emmanuel Macron envisageait à la mi-juillet 2017 en faisant connaître sa position favorable à une recentralisation par l'État, s'agissant au moins du RSA. Partant, il lui demande si son action ira dans le sens de la mise en place d'un tel système.

Réponse émise le 6 février 2018

Depuis 1983, la compensation des transferts de compétences obéit au principe de la neutralité budgétaire. Ce principe a été érigé en principe constitutionnel à l'occasion de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, au sein de l'article 72-2 de la Constitution, lequel dispose que « tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». Cet article n'impose toutefois pas une compensation glissante et réévaluée dans le temps en fonction du coût d'exercice des charges transférées, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans ses décisions no 2003-487 DC du 18 décembre 2003 et no 2003-489 DC du 29 décembre 2003. Les recettes de compensation respectent les principes constitutionnels prévus pour accompagner les charges nouvelles résultant d'un transfert de compétence (revenu de solidarité active - RSA) ou d'une extension de compétence (allocation personnalisée d'autonomie - APA - et prestation de compensation du handicap - PCH), conformément aux décisions QPC du Conseil constitutionnel du 30 juin 2011. Le transfert du revenu minimum d'insertion (RMI), devenu RSA socle à la mi-2009, donne lieu chaque année depuis 2004 au versement aux départements d'une compensation historique sous forme de fraction de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). De même, la généralisation du RSA a donné lieu à une compensation des charges nettes. Ces recettes de compensation historique sont complétées par le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion (FMDI), alloué en dehors de toute obligation constitutionnelle, constituant ainsi un effort complémentaire de l'Etat. Par ailleurs, de nouvelles ressources ont été attribuées aux départements à la suite du Pacte de confiance et de responsabilité de juillet 2013 afin de diminuer les « restes à charge » des départements en matière de dépenses d'allocations individuelles de solidarité (AIS), en particulier de RSA. Ainsi le dispositif de compensation péréquée (DCP), résultant du transfert par l'Etat des frais de gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties, constitue une compensation visant à financer les charges induites par les revalorisations exceptionnelles du montant forfaitaire du RSA socle décidées depuis 2013. Il a par ailleurs été donné aux départements la possibilité de relever le taux plafond des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) de 3,8 % à 4,5 %. En outre, un fonds de solidarité en faveur des départements (FSD) a été mis en œuvre afin de réduire les inégalités constatées entre les départements en matière de « reste à charge » par habitant au titre des dépenses d'AIS. Enfin, quatre fonds exceptionnels successifs ont été mis en place dans le cadre des lois de finances rectificatives pour 2010 (150 M€), 2012 (170 M€), 2015 (50 M€) et 2016 (200 M€) pour lesquels ont été éligibles respectivement 30 départements en 2011, 31 en 2013, 10 en 2016 et 46 en 2017. En matière d'APA et de PCH, si la nature des ressources transférées a en partie évolué depuis 1984, le principe d'une compensation historique relevant de l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP), dont le montant a évolué au même rythme que chacune de ces ressources, a été préservé et a vocation à participer au financement de l'APA et de la PCH au même titre que les concours de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). La question du financement et de la gestion des AIS demeure une préoccupation majeure du Gouvernement au vu des difficultés rencontrées par certains départements pour financer les dépenses d'AIS. Une mission, conduite par Messieurs Alain RICHARD et Dominique BUR, est ainsi chargée, en lien étroit avec les départements, de proposer des scenarii et pistes susceptibles d'être mobilisés en vue d'assurer une meilleure maîtrise de l'évolution des dépenses liées aux AIS et de trouver un équilibre financier pérenne en la matière. Enfin, un fonds exceptionnel doté de 100 M€ est prévu dans le projet de loi de finances rectificative pour 2017 afin de soutenir les départements confrontés aux situations financières les plus dégradées.

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