M. Brahim Hammouche interroge Mme la ministre du travail sur les travailleurs français, employés par des entreprises luxembourgeoises, qui exercent leurs activités professionnelles en France principalement sans pour autant que cela ne soit déclaré par ces sociétés. Ces travailleurs qui participent au bénéfice de ces entreprises ne bénéficient pas d'une protection sociale adéquate lorsqu'ils travaillent sur le territoire national. Aussi, afin d'éviter ces abus et protéger ces salariés, il semblerait pertinent de procéder à un contrôle accru de toutes ces sociétés. Des mesures coercitives devraient également être mises en œuvre afin de dissuader ces dernières de procéder à de tels agissements qui se transforment souvent en véritable dumping social. Aussi, il demande si ce genre de dispositifs est prévu dans les prochains mois par le Gouvernement.
Si l'ensemble du territoire national est concerné par l'intervention de salariés détachés, celle-ci est importante et visible dans les bassins d'emploi particulièrement intégrés à des marchés transfrontaliers. En 2017, 43 764 salariés détachés sur le territoire national sont de nationalité française : 50% d'entre eux ont été détachés dans le cadre d'une prestation de service ou pour compte propre, 6% dans le cadre d'une mobilité intragroupe, 30% dans le cadre du travail temporaire et 14% dans le cadre des formalités très spécifiques du transport. Par ailleurs, 26% de l'ensemble de ces salariés français étaient détachés par un employeur établi au Luxembourg. Il faut aussi relever que cette situation concerne également pour une part importante des salariés français travaillant habituellement à l'étranger et revenant ponctuellement en France pour réaliser un projet ou une mission temporaire. Cette situation, conforme à l'esprit du détachement, s'inscrit de façon licite dans la réalité des relations économiques entre les Etats membres et de la mobilité des salariés français. Par ailleurs, les dispositions relatives au détachement de travailleurs issues de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel apportent des précisions juridiques sur le caractère licite du détachement. En effet, l'article 94 de la loi modifiant l'article L. 1261-3 du code du travail, précise que le détachement de travailleur est véritablement constitué lorsque le salarié effectue habituellement son travail « hors du territoire national ». En vertu de cette définition plus stricte, des salariés n'exerçant leur activité qu'en France pour le compte de leur employeur établi à l'étranger ne pourraient donc relever des règles du détachement. S'agissant du respect du droit du travail et de la lutte contre la fraude, les services d'inspection sont pleinement engagés. Chaque mois, en moyenne, 149 infractions ont été relevées par procès-verbal pour non-respect des règles relatives au détachement. Dans les secteurs identifiés comme prioritaires [Plan national de lutte contre le travail illégal 2016-2018] pour les actions de contrôle, 74 043 établissements ont fait l'objet d'un contrôle en 2016, tous agents de contrôle confondus (hors gendarmerie et police). Enfin, 2 987 entreprises étrangères ont été contrôlées en 2016, contre 1 711 en 2015. Ces chiffres confirment que les agents de contrôle ont notablement renforcé leur activité sur les prestations de services internationales. A titre d'illustration, une enquête pour travail dissimulé en bande organisée a abouti récemment à la mise en examen récente des personnes responsables d'un réseau frauduleux entre la France et le Luxembourg, avec un préjudice social et fiscal estimé à plusieurs millions d'euros. L'enquête, diligentée par le juge d'instruction et menée par plusieurs services spécialisés, ciblait une société luxembourgeoise suspectée de détacher frauduleusement plusieurs dizaines de salariés sur des chantiers situés sur le territoire français. En outre, au-delà des procédures judiciaires introduites par l'inspection du travail, il est à noter la montée en puissance extrêmement forte des amendes administratives, introduites par la loi du 10 juillet 2014. Sur 2016, 453 amendes (titres émis) avaient été prononcées pour un montant de 2,4 millions d'euros. En 2017, 1 034 amendes ont été mises en recouvrement pour un montant de 5,9 millions d'euros. Sur ces sommes, 882 000 euros ont été recouvrées pour l'exercice comptable 2016, soit un taux de recouvrement de 36 %, et 3,2 millions d'euros pour 2017, soit un taux de recouvrement en progression, de 53,46 %. Ces amendes visent à sanctionner spécifiquement le non-respect des formalités déclaratives liées au détachement de travailleurs en France : envoi d'une déclaration préalable de détachement à l'inspection du travail et désignation d'un représentant en France, ainsi que le défaut de vigilance des donneurs d'ordre. Le montant de ces amendes initialement plafonné à 2 000 euros par salarié a été porté par la loi du 5 septembre 2018 à 4 000 euros, voire 8 000 euros en cas de réitération de l'entreprise sanctionnée. Enfin, il est rappelé que des objectifs clairs ont été définis lors de la commission nationale de lutte contre le travail illégal (CNLTI) le 12 février 2018, et notamment une action prioritaire consacrée à l'amélioration des pouvoirs de sanction de l'inspection du travail en cas de recours illicites au détachement conjugués à des constats d'activité habituelle, stable et continue par des entreprises sans établissement sur le territoire national. Ces objectifs sont également traduits dans la loi du 5 septembre 2018, par la possibilité de faire cesser pour une durée maximale de 3 mois une activité exercée, même sans établissement, ou dans le cadre d'activités de prestataires extérieurs, avec une situation faisant l'objet d'un constat de travail illégal.
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