M. Olivier Gaillard attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur un ensemble d'interrogations suscitées par la mise en œuvre de la recomposition territoriale de l'organisation de la gestion de l'eau (Gemapi). Il s'avère que pour les acteurs du bloc communal ayant considérablement anticipé, soit contraints par la force d'évènements - crues dévastatrices -, soit portés par des intercommunalités dotées de services techniques importants, la mise en œuvre de la compétence sera satisfaisante et en phase avec les délais impartis par la loi. Il en est autrement s'agissant des autres collectivités qui, pour des raisons variables selon les contextes locaux, n'ont point engagé les évolutions organisationnelles en amont du transfert de compétence. Ces dernières se trouvent prises par le temps et confrontées à des dilemmes budgétaires. Cela témoigne du fait que la solidarité territoriale ne se décrète pas, surtout lorsque les ressources financières sont en tension. Le modèle promu par les services de l'État se présente comme une chaîne à trois maillons - EPCI - Epage - EPTB. Il est structuré par un principe simple qui est le dépassement des périmètres administratifs par une structure de gestion couvrant l'intégralité du bassin hydrographique. Or un tel principe ne se profile pas aussi simplement en pratique. En effet, les EPCI sont une majorité à privilégier l'exercice, par eux-mêmes et directement, la protection des inondations ; et à exclure les transferts de compétence a fortiori sur l'intégralité des bassins. Ainsi, ils conservent un pouvoir de décision et une maitrise de dépenses dans un contexte d'accroissement de la pression fiscale. Cela s'accompagnant en parallèle, de la suppression à marche forcée de syndicats qui perdent, de fait, la connaissance, la compétence et l'expertise technique accumulées au profit d'EPCI ou de syndicats remaniés à la hâte. Se déroulant ainsi, la mise en place de l'organisation de la gestion de l'eau version Gemapi se fonde plus sur des enjeux institutionnels et financiers, de court terme, plutôt que sur un état des lieux hydrologique, la mise en commun des connaissances et la concertation. Cela reflète l'échec de la stratégie d'organisation des compétences locales de l'eau (Socle) qui devait être portée par l'État pour accompagner les EPCI dans cette transition. Le résultat de la mise en œuvre de la Gemapi finit par être notoirement contraire à son esprit. Les territoires qui en pâtissent le plus étant les territoires dits orphelins, souvent ruraux, peu dotés en moyens et en expertise. Cette tendance tout à fait regrettable se trouve attisée par des aspects financiers peu sécurisants tels qu'une taxe Gemapi dont il est encore difficile de savoir si elle peut être instituée le 1er octobre 2017 pour être applicable l'exercice suivant ; une assiette et un financement de la Gemapi non stabilisés ; une ponction de 300 millions d'euros sur le budget des agences de l'eau dont les répercussions sur le bloc communal feront que l'eau ne payera plus seulement l'eau ; des soutiens financiers des régions et départements s'amenuisant ; la baisse des dotations de l'État. Ces réalités financières jouant contre l'exigence de la mise en place, à l'échelle des bassins, de projets d'intérêt commun fondés sur une cohérence technique et territoriale, parce que si l'établissement de bassin est la structure de gestion adaptée, ce sont bien les EPCI et communes qui se trouvent confrontés aux faibles marges de manœuvre du point de vue financier. Au regard de cet état des lieux, il lui demande si l'État envisage d'inverser cette tendance par l'adoption de mesures budgétaires et d'accompagnement à même d'établir les conditions propices à la mise en œuvre des mutualisations et solidarités territoriales qui devraient systématiquement fonder la mise en œuvre de la nouvelle compétence communale Gemapi.
La loi no 2017-1838 du 30 décembre 2017 relative à l'exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la GEMAPI permet aux départements et aux régions qui le souhaitent de poursuivre leur concours à l'exercice de la compétence GEMAPI, aux côtés des Etablissements publics de coopération intercommunale (EPCI), au-delà du 1er janvier 2020 et sans limite de temps. La loi MAPTAM avait en effet permis à ceux des départements et régions qui étaient historiquement engagés dans la prévention des inondations et des submersions marines de poursuivre leurs interventions en la matière, pendant une durée de deux ans encore après le transfert de compétence aux intercommunalités, soit jusqu'au 1er janvier 2020. La loi autorise désormais ces collectivités à poursuivre leurs actions après cette échéance, sans limite de durée, à la condition de conclure une convention avec les EPCI concernés (ainsi qu'avec les communes isolées des îles maritimes, le cas échéant). Cette faculté s'applique aux départements et régions qui exercent la compétence au 1er janvier 2018 (départements et régions parfois dits "historiques"). En complément, la loi no 2017-1838 du 30 décembre 2017 relative à l'exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la GEMAPI prévoit également que les régions peuvent financer des projets d'intérêt régional liés à la GEMAPI et dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par un EPCI ou un syndicat mixte fermé. Cette possibilité était jusque-là réservée aux seuls départements, par application de l'article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales. Par ailleurs, la loi étend le champ de l'assistance technique des départements au domaine de la prévention des inondations. Cette assistance technique était jusqu'alors centrée sur la gestion et la protection des ressources en eau et des milieux aquatiques. Enfin, le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) et l'Institut national de recherches en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA) ont lancé des études de gouvernance et accompagné plusieurs projets d'organisation en 2017. De même, le budget des agences de l'eau est mobilisé pour accompagner les enjeux transversaux que soulève la prise de compétence. Pour exemple, en 2017, l'agence de l'eau Seine-Normandie a déjà financé près de 23 études de gouvernance pour un montant moyen de 90 k€ ou encore l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse accompagne 88 projets « GEMAPI » visant à soutenir des projets de travaux conciliant le double enjeu de la préservation des milieux aquatiques et de la prévention des inondations, pour un montant de 34 M€ d'aide.
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