Mme Sophie Auconie attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur le fait que depuis 2003, les élections européennes sont régies en France par un scrutin proportionnel suivant la méthode de la plus forte moyenne dans un découpage interrégional composé de huit circonscriptions différentes. Auparavant, le scrutin se déroulait dans une circonscription unique nationale comme dans la plupart des pays européens. Les autres États disposant d'un tel découpage le justifient par des différences linguistiques ou régionales, ce qui n'est pas le cas en France. La combinaison de ces deux caractéristiques veut rendre ce scrutin proportionnel, mais n'a de proportionnel que le nom. Il est inégalitaire, puisque d'une circonscription à l'autre le seuil à partir duquel on obtient un siège de député européen peut différer de manière significative, rendant le vote de certains citoyens moins important que d'autres. Sans compter qu'avec le redécoupage issu de l'adoption de la nouvelle carte régionale de 2014, la cohérence pour le citoyen entre eurocirconscriptions et régions est perdue, éloignant un peu plus l'Europe de leur quotidien. Ainsi, elle lui demande s'il n'est pas nécessaire dans le souci d'une démocratie effective et proche des citoyens de s'interroger sur le choix du scrutin proportionnel à la plus forte moyenne face au scrutin proportionnel au plus fort reste et sur la nécessité du découpage interrégional au regard des bénéfices de la circonscription unique pour la démocratie d'aujourd'hui.
La loi no 2003-327 du 11 avril 2003 a modifié la loi no 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen en créant huit circonscriptions regroupant chacune une ou plusieurs régions. Cette réforme résultait de la volonté de rapprocher les élus des citoyens, favoriser la participation électorale et renforcer la diversité de la représentation territoriale de la France au Parlement européen. Force est de constater qu'elle n'a permis de renforcer ni la proximité des électeurs avec leurs élus, ni la participation électorale. En outre, la création de ces circonscriptions a eu pour effet de favoriser les plus grands partis au détriment de formations politiques plus modestes mais exprimant la sensibilité d'une partie de l'opinion et, ainsi que vous le soulignez, de limiter les effets du scrutin proportionnel pour la répartition des sièges. Ce constat va à l'encontre de la vocation du Parlement européen qui est de refléter le pluralisme des courants d'idées et d'opinions au sein des Etats membres de l'Union européenne. Par ailleurs, vous avez raison de dire que le découpage des huit circonscriptions n'a plus de cohérence au regard de la carte actuelle des treize régions métropolitaines. Enfin, loin de favoriser l'émergence d'une « procédure uniforme » ou de « principes communs à tous les Etats membres », le choix d'un scrutin à circonscriptions multiples éloigne effectivement la France du modèle à circonscription nationale unique, adopté par vingt-trois des vingt-huit Etats membres de l'Union européenne. C'est pourquoi le Gouvernement a proposé de revenir à la circonscription unique pour cette élection en déposant le 3 janvier 2018 un projet de loi en ce sens, projet qui a été adopté par l'Assemblée nationale le 20 février 2018 et par le Sénat le 11 avril 2018 et qui a fait l'objet d'une Commission mixte paritaire conclusive. En revanche, ce texte ne prévoit pas de modifier les modalités de répartition des sièges à la plus forte moyenne. L'Acte européen portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct du 20 septembre 1976 se borne à prévoir que les représentants au Parlement européen sont élus au scrutin proportionnel. Or, la législation française prescrit la répartition des sièges à la plus forte moyenne pour l'ensemble des scrutins qui se déroulent à la proportionnelle (cf. articles L. 262 du code électoral pour les élections municipales, L. 295 pour les sénatoriales, L. 338 pour les régionales, L. 366 pour les élections à l'assemblée de Corse, etc.). Aucune des caractéristiques de l'élection des représentants au Parlement européen ne justifie de recourir par dérogation à la répartition des sièges au plus fort reste. Cette dernière est écartée systématiquement en matière électorale car elle comporte un biais mathématique dénommé « paradoxe de l'Alabama » qui fait que dans certains cas, lorsque le nombre global de sièges à pourvoir augmente, l'une des parties en présence voit diminuer le nombre de sièges qui lui est attribué.
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