Mme Élodie Jacquier-Laforge interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les inquiétudes de la filière apicole. Bien que le constat de la surmortalité des colonies d'abeilles ait été observé sur l'ensemble du territoire, les professionnels de l'apiculture s'inquiètent de l'absence de mesures concrètes et efficaces afin d'y remédier. Le taux de mortalité dépasse 90 % chez certains producteurs. Les conséquences écologiques et économiques sont considérables. Et aujourd'hui, alors que la France consomme 40 000 tonnes de miel par an, elle en produit à peine le tiers, alors que la production était de 30 000 tonnes il y a 20 ans. C'est pourquoi les apiculteurs souhaiteraient qu'un soutien financier leur soit apporté au travers des fonds calamités agricoles dans les départements ; des aides régionales ; des fonds européens ; que soit facilité l'accompagnement bancaire et que l'activité soit classée économiquement « franche ». Ils demandent également la mise en place de moyens de lutte efficaces afin de contrer les causes de cette surmortalité : permettre un accès non limité au médicament vétérinaire acaricide et protéger les pollinisateurs contre les pesticides. Elle lui demande les suites que le Gouvernent donnera à ces requêtes.
Plusieurs organisations apicoles ont fait état de surmortalités de colonies d'abeilles particulièrement marquées en sortie d'hiver 2017-2018 dans plusieurs régions françaises. Face à cette situation, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a mis en place un dispositif d'aide exceptionnel pour les apiculteurs impactés. Ce dispositif soutient le renouvellement du cheptel apicole à travers une aide forfaitaire de 80 € par essaim acheté. Les apiculteurs éligibles sont ceux ayant plus de 50 ruches, ayant subi une mortalité hivernale de plus de 30 % de leur cheptel et procédé à un traitement anti-varroa. Les demandes d'aides ont pu être réalisées en ligne sur le site de FranceAgriMer jusqu'au 7 novembre 2018. Afin de répondre au besoin de trésorerie des apiculteurs touchés, une avance sera versée pour toute demande effectuée. Les apiculteurs auront ensuite jusqu'au 30 juin 2019 pour réaliser les achats d'essaims et transmettre les factures à FranceAgriMer. Une enveloppe totale de trois millions d'euros est ainsi dédiée au dispositif. Certains conseils régionaux, ayant mis en place un dispositif d'aide exceptionnelle similaire, ont été consultés pour assurer une bonne coordination des dispositifs. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a par ailleurs demandé à ses services d'organiser un état des lieux précis des mortalités sur l'ensemble du territoire national. Les premiers résultats de l'enquête menée auprès des apiculteurs français durant l'été 2018 ont été présentés le 24 octobre 2018 au comité d'experts apicole du conseil national d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale et sont disponibles sur le site de la plateforme nationale d'épidémiosurveillance en santé animale (https://www.plateforme-esa.fr/). Le taux moyen de mortalité des colonies d'abeilles à l'échelle nationale durant l'hiver 2017-2018 est estimé à 29,4 %. Pleinement conscient des difficultés sanitaires rencontrées par la filière apicole depuis plusieurs années, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation travaille au renforcement des dispositifs visant, par la prise en compte de tous les facteurs de stress dont les produits phytosanitaires et les biocides, à objectiver et comprendre les mortalités et affaiblissements des colonies d'abeilles : - la rénovation du dispositif de surveillance des mortalités massives aiguës des abeilles engagée depuis plusieurs mois avec la filière sera poursuivie. Une première actualisation a été opérée par note de service en juin 2018. Ce dispositif a pour objectif d'identifier d'éventuels mésusages ou effets non intentionnels de produits chimiques (produits phytopharmaceutiques, biocides, médicaments vétérinaires) ; - le déploiement dans de nouvelles régions de l'observatoire des mortalités et des affaiblissements de l'abeille mellifère, déployé en Bretagne et Pays de la Loire depuis le début de cette année, sera accéléré. La phase d'investigation sera améliorée au vu des premiers retours d'expérience. Elle bénéficiera de l'expertise d'une cellule d'appui au diagnostic. L'État financera des analyses toxicologiques quand d'autres causes manifestes des mortalités n'auront pas été mises en évidence. Ce dispositif doit notamment permettre de mieux objectiver la situation du cheptel apicole. L'amélioration sanitaire du cheptel apicole français nécessite également une lutte efficace, par tous les apiculteurs, contre le parasite varroa destructor. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation invite la filière apicole à définir rapidement une stratégie nationale collective de lutte qui soit à la hauteur des enjeux. En ce qui concerne la réduction de l'impact des produits chimiques et des produits phytopharmaceutiques en particulier, la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages interdit l'utilisation des produits de la famille des néonicotinoïdes à compter du 1er septembre 2018. Toutefois des dérogations pourront être accordées jusqu'au 1er juillet 2020 par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de l'environnement et de la santé. Elles devront se fonder sur un bilan établi par l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) comparant les bénéfices et les risques liés aux usages des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives néonicotinoïdes avec ceux liés aux usages de produits de substitution ou aux méthodes alternatives disponibles. L'avis et le rapport de l'Anses « risques et bénéfices relatifs des alternatives aux produits phytopharmaceutiques comportant des néonicotinoïdes » sont parus le 30 mai 2018. Les éventuelles dérogations seront décidées sur la base des conclusions de ce rapport, des évolutions et de l'encadrement de ces molécules au plan européen. En effet, des restrictions complémentaires ont été votées fin avril 2018 au niveau communautaire, visant trois néonicotinoïdes (clothianidine, imidaclopride et thiaméthoxame) et restreignant leur usage uniquement sous serre, avec application effective le 19 décembre 2018. Par ailleurs, le thiaclopride a été récemment classé reprotoxique (R1) par l'ECHA (agence européenne compétente). Enfin, le plan d'actions gouvernemental sur les produits phytopharmaceutiques et une agriculture moins dépendante aux pesticides a été présenté le 25 avril 2018. Il prévoit, parmi les mesures destinées à préserver l'environnement, un renforcement du dispositif réglementaire de protection des abeilles et autres insectes pollinisateurs. Il repose actuellement sur différentes dispositions de l'arrêté du 28 novembre 2003 relatif aux conditions d'utilisation des insecticides et acaricides à usage agricole en vue de protéger les abeilles et autres insectes pollinisateurs, de l'arrêté du 13 janvier 2009 relatif aux conditions d'enrobage et d'utilisation des semences traitées et de l'arrêté du 7 avril 2010 relatif à l'utilisation des mélanges extemporanés de produits phytopharmaceutiques. Ce dispositif transversal vient en complément des conditions d'emploi spécifiques à chaque produit, qui sont précisées dans l'autorisation de mise sur le marché délivrée à l'issue de l'évaluation des risques du produit, incluant l'évaluation des risques pour les pollinisateurs. À la lumière des nouvelles données scientifiques, l'Anses a été saisie pour formuler des propositions d'évolution de ce cadre réglementaire.
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