Mme Émilie Guerel interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les revendications des personnes nées sous X. L'article L. 222-6 du code de l'action sociale et des familles, issu d'un décret-loi de 1941, donne la possibilité aux mères qui ne souhaitent pas garder leur enfant de conserver leur anonymat. Depuis longtemps déjà, cette disposition, malgré les modifications intervenues en 2002, est sujette à de violents débats, qui vont bien au-delà de la politique. Nombreux sont les enfants nés sous X à s'être rassemblés en associations pour militer en faveur d'un « accouchement dans le secret », qui leur permettrait, s'ils le désirent, de connaître l'identité de leur génitrice. D'autres mènent seuls leurs recherches, en quête d'un patrimoine biologique et familial. Les partisans de la fin de l'accouchement sous X s'appuient notamment sur la convention internationale des droits de l'enfant, ratifiée par la France en 1990, qui établit pour l'enfant, « dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux ». Ils revendiquent également le droit de connaître les antécédents médicaux de leurs parents, afin de prévenir d'éventuels problèmes de santé. Pour rappel, l'accouchement sous X est une spécificité française ; depuis sa mise en œuvre, ce dispositif n'a pas permis de diminuer le nombre d'abandons sauvages de nouveau-nés en France. Elle s'interroge donc sur la pertinence de l'existence de l'accouchement sous X, et souhaite connaître la manière donc le Gouvernement entend s'atteler à cette problématique douloureuse mais incontournable. Une évolution du dispositif semble aujourd'hui absolument nécessaire.
La loi du 22 janvier 2002 relative à l'accès aux origines personnelles des personnes adoptées et pupilles de l'Etat a réformé la procédure d'accouchement secret en renforçant l'information et l'accompagnement des mères de naissance et en les invitant à laisser, si elles l'acceptent, leur identité sous pli fermé ainsi que des renseignements à l'attention de l'enfant. Elle a également créé le conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP) placé auprès du ministre, chargé de traiter les demandes d'accès aux origines des pupilles de l'Etat et des personnes adoptées. La création de ce conseil, qui marque l'aboutissement de nombreux travaux, a marqué une avancée essentielle dans l'organisation d'un système permettant l'accès sécurisé à la connaissance des origines personnelles. Ce dispositif s'inscrit en effet dans la continuité de la Convention internationale des droits de l'enfant qui reconnaît en son article 7 le droit de l'enfant "dans la mesure du possible" à connaître ses parents. L'équilibre qu'il institue entre le droit de l'enfant de connaître ses origines et celui de la femme au respect de sa vie privée a été validé par la Cour européenne des droits de l'Homme à deux reprises dans les arrêts Odièvre du 22 février 2003 (droit à la connaissance de ses origines), et Kearns du 10 janvier 2008 (conditions de l'information et du recueil de la décision de la mère de naissance). Il n'est pas contraire aux conventions internationales. Il permet également de sécuriser sur un plan sanitaire les grossesses non souhaitées. Le dispositif d'accouchement secret et d'accès aux origines est cependant régulièrement questionné. Un certain nombre de préconisations ont ainsi été avancées dans les rapports Gouttenoire, Théry et Rosenczveig à savoir : - le recueil obligatoire de l'identité de la mère de naissance sous pli fermé et la levée automatique du secret portant sur l'identité de la mère de naissance à la majorité de l'enfant, la possibilité de réserver aux seuls majeurs l'accès à leurs origines personnelles, la possibilité d'accéder au dossier médical de la mère de naissance en cas de nécessité thérapeutique ou d'anomalie génétique grave (à l'instar des donneurs de gamètes), le renforcement de l'accompagnement des mères de naissance. - La question de l'information de la parentèle en cas d'anomalie génétique, pour les personnes nées dans le secret et pour les mères de naissance, est actuellement à l'étude dans le cadre d'un groupe de travail dédié piloté par le CNAOP. Cette question pourrait le cas échéant être traitée dans le cadre de la modification de la loi sur la bioéthique pour envisager d'étendre l'information de la parentèle aux publics visés par la loi du 22 janvier 2002. Hormis ces dispositions spécifiques, il n'apparait pas opportun de modifier la loi de 2002 et l'équilibre qu'elle a instauré concernant les conditions de respect du secret. Cependant, il est essentiel de renforcer l'accompagnement et l'information des femmes accouchant dans le secret dans leur intérêt et dans celui de l'enfant. C'est pourquoi le ministère des solidarités et de la santé a produit le 4 avril 2016 une instruction et un guide visant à renforcer cet accompagnement ainsi que le partenariat entre établissements de santé et conseils départementaux par la mise en place de protocoles ; des instructions ont également été données pour la conservation des registres et des dossiers concernant les accouchements secrets dans les maternités. Une étude financée par la direction générale de la cohésion sociale a été menée en 2017 pour connaître les pratiques d'information et d'accompagnement des femmes accouchant dans le secret, par les correspondants départementaux du CNAOP et par les maternités. Elle montre la nécessité de poursuivre la formation par le CNAOP à destination des correspondants départementaux, de conforter les échanges de pratiques, d'améliorer l'information délivrée à la femme qui accouche dans le secret en outillant mieux les correspondants départementaux, en ayant recours à des supports de communication plus simples et accessibles. C'est pourquoi un groupe de travail va prochainement se réunir au sein du CNAOP pour travailler sur les documents remis aux mères de naissance afin d'améliorer leur information portant notamment sur l'importance pour toute personne de connaître ses origines.
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