Mme Mathilde Panot alerte M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur le projet de raffinerie de biocarburants prévue par Total à La Mède et la politique générale de la France relative à la déforestation importée. Avec l'élevage, les cultures de cultures agricoles et alimentaires, comme le soja ou l'huile de palme, se situent parmi les premières causes de la déforestation massive des forêts tropicales, si précieuses pour l'atténuation du changement climatique. Or certaines de ces denrées sensibles sont aujourd'hui largement produites à destination des agro-carburants de première génération. Précieuses, les forêts tropicales le sont aussi pour la biodiversité ; elles abritent 80 % de la biodiversité terrestre. M. le ministre n'est pas sans savoir que l'extinction en cours des orangs-outans, qui ont perdu la moitié de leur population en à peine quinze ans, peut être intégralement imputée à la culture de l'huile de palme en Indonésie et en Malaisie. Le plan climat présenté par M. le ministre en juillet 2017 prévoit de « mettre fin à la déforestation importée » en son quinzième axe. C'est un objectif louable que partage Mme la députée ainsi que les députés de la France insoumise, objectif partagé également par toutes les associations écologistes. Alors que le Parlement européen a voté le 17 janvier 2018 un amendement pour réguler fermement les importations d'huile de palme en Europe, et notamment d'exclure le diesel à l'huile de palme des énergies dites renouvelables (avec toutes les aides publiques qui s'ensuivent), le feu vert a été donné à Total pour un projet de raffinerie de biocarburants à La Mède, fondé sur importations massives d'huile de palme : jusqu'à 450 000 tonnes d'huile de palme brute par an, soit plus de la moitié de la consommation française actuelle à elle toute seule. Mme Brune Poirson a défendu le 29 mai 2018, lors de la séance de questions au Gouvernement, ce projet au motif qu'il permettrait de conserver 250 emplois. Mme la députée considère que Total a les moyens de conserver ces emplois sans mettre en œuvre un projet désastreux pour l'environnement : c'est d'ailleurs ce que soutient également la CGT sur place, qui propose des projets alternatifs et que, de manière incompréhensible, M. le ministre n'a jamais souhaité recevoir. En termes de lutte contre la déforestation importée, elle constate qu'il y a là une contradiction insurmontable. Aucun accord contraignant juridiquement n'a été conclu avec Total relativement à l'importation d'huile de palme : le texte de l'arrêté préfectoral qui donne l'autorisation d'exploitation de la bio raffinerie est totalement muet sur le sujet. La France, au niveau européen, s'oppose à l'horizon d'interdiction des agro-carburants de première génération, dont l'huile de palme, dans les négociations en cours sur la nouvelle directive sur les énergies renouvelables. Elle se pose ainsi en porte-à-faux tant avec la Commission, qu'avec le Parlement et certains États membres, comme les Pays-Bas, la Norvège ou l'Allemagne, qui tous souhaitent organiser une sortie raisonnée des agro carburants de première génération, en commençant par les plus nocifs pour l'environnement. Le jeudi 31 mai 2018, un nouveau trilogue a lieu autour de cette question. Mme la députée espère que le Gouvernement retrouvera de la cohérence à cette occasion, et préférera l'intérêt collectif à préserver les forêts tropicales à d'improbables intérêts diplomatiques. Avec l'Indonésie, il serait désastreux de penser que quelques avions et quelques armes achetées vaudraient quitus pour détruire la forêt tropicale. Ce n'est ni l'intérêt de la France ni celui de l'humanité. Elle souhaite de ce fait l'interroger quant à ses positions et celles du Gouvernement relativement au projet de La Mède, de l'amendement européen sur l'exclusion de l'huile de palme dans les agro-carburants et plus largement sur une sortie progressive du pays des agro-carburants de première génération.
La transformation de la raffinerie de Total située à La Mède en bioraffinerie, décidée en 2016 et autorisée le 16 mai dernier par le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, s'inscrit dans le cadre de la réorganisation du secteur du raffinage. Elle permet, d'une part, de maintenir 250 emplois sur le site industriel de La Mède et, d'autre part, de produire des produits spécifiques, des huiles végétales hydrotraitées (HVO), qui sont jusqu'à présent produites à l'étranger à partir d'huile de palme puis importées en France. L'usage des matières premières utilisées pour produire ces biocarburants, et notamment l'huile de palme, sera strictement encadré. À ce jour, les filières d'approvisionnement de cette installation ne sont pas entièrement arrêtées. Outre les huiles végétales brutes, trois autres types de ressources sont ciblées : les huiles de cuisson usagées, les graisses animales et les résidus acides issus du raffinage des huiles alimentaires. Le Gouvernement a imposé, à cet égard, qu'une part minimale de 25 % de l'approvisionnement provienne de cette économie circulaire. Il s'agit d'un effort considérable pour structurer les filières françaises. Le Gouvernement a également demandé à l'entreprise Total de faire en sorte de limiter, autant que possible, l'approvisionnement en huiles végétales brutes (palme, colza, soja) à des quantités inférieures aux 450 000 tonnes par an autorisées pour l'usine. Il a ainsi été obtenu de l'entreprise une limitation volontaire de sa consommation d'huile de palme à 300 000 tonnes, soit moins de 50 % des matières premières utilisées à la Mède. Concernant la part qui proviendra d'huiles végétales brutes, le Gouvernement a rappelé à Total le caractère obligatoire de la réglementation communautaire relative à la durabilité des biocarburants. Le respect de ces critères, qui sont très stricts, est scrupuleusement contrôlé par les autorités françaises compétentes en la matière, et sera publié chaque année. Ainsi, l'autorisation de la bioraffinerie de La Mède va permettre de remplacer des HVO importées, produites avec 100 % d'huile de palme, par des HVO produites en France avec 50 % d'huile de palme. En outre, le Gouvernement s'est engagé à tout mettre en œuvre pour, d'une part, diminuer l'emploi de matières premières à usage énergétique entrant en concurrence avec l'usage alimentaire et, d'autre part, réviser les critères de durabilité concernant les matières premières à fort impact sur l'utilisation des sols à des fins alimentaires. Par ailleurs, et comme annoncé dans le Plan climat le 6 juillet 2017, le Gouvernement a rappelé sa volonté de ne voir que de l'huile de palme durable utilisée en France. Le Gouvernement a porté ces positions lors des négociations européennes sur la directive énergies renouvelables qui ont abouti à un plafonnement puis à une élimination progressive des matières premières à fort impact ILUC (impact du changement indirect de l'utilisation des terres sur les émissions de gaz à effet de serre) d'ici 2030. Le Gouvernement a également demandé à la Commission européenne de lancer rapidement les travaux pour élaborer une stratégie sur la déforestation importée et, en parallèle, le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, a engagé une politique ambitieuse dans ce domaine. En effet, l'axe 15 du Plan climat prévoit de mettre fin à l'importation, en France, de produits contribuant à la déforestation, et de publier, en 2018, une stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée. Cette stratégie, soumise à la consultation publique du 3 au 24 juillet 2018, vise à lutter contre la perte nette de forêt, et en particulier de forêts tropicales. Plusieurs mesures seront prises, notamment pour le secteur privé qui devra intégrer des critères de durabilité dans ses plans de filière.
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