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Jean Lassalle
Question N° 8890 au Ministère de la justice


Question soumise le 5 juin 2018

M. Jean Lassalle interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le problème du contrôle des comptes de tutelle qui ne semble ni efficace ni pertinent, malgré des dispositions prises par le décret du 8 novembre 2011 permettant au greffier en chef de se faire assister par un huissier de justice dans sa mission de vérification des comptes. Il est observé que ce décret crée un monopole en donnant cette mission aux huissiers de justice. Une proposition avait été soumise qui visait à donner ce contrôle aux comptables publics, responsables devant les chambres des comptes et habitués à vérifier les comptes des collectivités locales et établissements publics. Cette disposition n'a pas été retenue et ce décret du 8 novembre 2011 a mis en avant les huissiers de justice pour exercer cette mission. L'examen approfondi des termes du décret, et les références aux différents textes afférents, mettent en évidence une contradiction. En effet, il est cité l'avis de l'Autorité de la concurrence, n° 10-A-14 du 29 juin 2010, qui donne à penser que ce décret a été pris après d'être assuré de la conformité du décret aux différents textes législatifs et réglementaires. Or l'avis de l'Autorité de la concurrence est négatif, et au terme d'une analyse juridique rigoureuse, il apparaît que ce décret est contraire aux règles du droit européen. L'Autorité de la concurrence suggère effectivement que cette mission puisse être confiée également aux comptables du Trésor, de par la qualité de son réseau et de la fiabilité de celui-ci. Au final, il est étonnant de voir un décret confiant une mission aux huissiers de justice s'appuyer sur un texte qui donne un avis exactement contraire. Après tant d'années d'indifférence, il est donc demandé le rétablissement de cette équité sur un sujet aussi sensible et fondamental pour la société française. L'actualité montre tous les jours les failles de ces contrôles dont on ne parvient plus à maîtriser les dérives faute de recourir à d'autres moyens qui ont déjà fait leur preuve. Il souhaiterait donc connaître ses intentions sur cette question.

Réponse émise le 25 décembre 2018

Le contrôle des comptes de gestion des majeurs protégés est actuellement dévolu aux directeurs des services de greffe judiciaires, qui peuvent se faire assister dans cette activité par les huissiers de justice depuis le décret du 8 novembre 2011. Néanmoins, l'ensemble de ce dispositif est critiqué de longue date, en dernier lieu par la Cour des comptes dans son rapport de 2016, qui estime que le contrôle des comptes de gestion n'est pas efficient. Prenant acte des insuffisances dénoncées, la Chancellerie a proposé de modifier l'ensemble du dispositif de vérification des comptes de gestion des majeurs protégés. L'article 17 du projet de loi de programmation et de réforme pour la justice crée ainsi un nouveau dispositif, qui déchargera les directeurs des services de greffe judiciaires de cette mission au profit d'un contrôle croisé des personnes en charge de la mesure de protection (co-tuteur ou subrogé-tuteur). En cas de difficutés, le juge sera saisi pour statuer sur la conformité des comptes, comme c'est le cas aujourd'hui. Néanmoins, pour tenir compte de la diversité des mesures de protection et de la complexité croissante de certains comptes de gestion, au regard notamment des sources de revenus (salaires ou indemnités, loyers, produits financiers), de la nature des patrimoines (mobilier et immobilier) et des dépenses engagées, la possibilité de désigner un professionnel qualifié est élargie. Ce professionnel pourra être un huissier de justice mais également un expert-comptable, un notaire, ou tout autre professionnel compétent, choisi par le juge. En effet, le contrôle des comptes de gestion, qui n'est pas purement d'ordre comptable mais nécessite d'apprécier l'opportunité et la régularité des dépenses,  n'entre pas dans le champ de compétence des agents du trésor, formés aux règles de la comptabilité publique. L'Assemblée nationale a adopté en première lecture ce nouveau dispositif, qui est à la fois pragmatique, complet et de bon sens.

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