Mme Bérengère Poletti alerte Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les graves effets secondaires du traitement par fluoropyrimidines en cancérologie, résultant du traitement du déficit en dihydropyrimidine déshydrogénase. Chaque année en France, deux cents patients atteints d'un cancer meurent, non pas à cause de leur maladie, mais à cause de médicaments anticancéreux : les fluoropyrimidines (5-Fluorouracile et capécitabine). Ces médicaments anticancéreux figurent parmi les plus utilisés dans le traitement de nombreux cancers et s'avèrent toxique pour certains malades qui présentaient un déficit enzymatique, déficit en DPD (dihydropyrimidine déshydrogénase). Des chercheurs du laboratoire d'oncopharmacologie de l'ICO et de l'université d'Angers ont mis au point une méthode de dépistage multiparamétrique qui permettrait d'individualiser les traitements thérapeutiques en cancérologie. La méthode multiparamétrique est actuellement la seule méthode efficace qui permet de prédire 100% des toxicités létales et 96% des toxicités graves. Des discussions sur le plan national et européen ont lieu, mais des modalités de dépistage des déficits en DPD avant l'initiation d'un traitement par 5-FU ou capécitabine n'ont toujours pas été établies. Pourtant, un simple dépistage suffirait pour en finir avec ces décès évitables, mais malheureusement tous les oncologues ne le pratiquent pas automatiquement. C'est pourquoi elle lui demande pourquoi ce test de dépistage multiparamétrique n'est toujours pas obligatoire et systématique, et quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet.
Les toxicités aiguës aux fluoropyrimidines (5-fluorouracile et capecitabine) chez les patients présentant un déficit en dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD) font l'objet d'une attention et d'une surveillance particulière des autorités sanitaires nationales et européennes depuis plusieurs années. Les toxicités aiguës et précoces par surexposition en lien avec un défaut de métabolisation de fluoropyrimidines sont en effet rapportées chez des patients présentant un déficit en DPD. Les médicaments anticancéreux à base de fluoropyrimidines sont largement utilisés en cancérologie, on estime, selon des données de l'Institut national du cancer (INCa), qu'environ 90 000 patients y sont nouvellement exposés chaque année, pour le traitement de cancers avancés digestifs, colorectaux, mammaires, ovariens, ou des voies aérodigestives supérieures. Il faut toutefois distinguer les patients ayant un déficit enzymatique total, qui représentent environ 0.1 à 0.5% de la population générale de ceux qui ont un déficit partiel qui représentent entre 3 à 10%. Actuellement, ce risque est décrit dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP), de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) de la capecitabine (XELODA) et dans les RCP des spécialités à base de 5-fluorouracile. Plus précisément, il est contre-indiqué d'utiliser les fluoropyrimidines chez les patients ayant un déficit enzymatique total connu, car ces patients sont considérés comme extrêmement à risque de développer une toxicité. Pour les patients ayant un déficit partiel, l'activité de la DPD étant variable, un ajustement de la dose à administrer doit être réalisé. Cependant, en l'état actuel des connaissances, il est difficile de statuer sur un niveau adéquat de diminution de la dose en fonction de la capacité métabolique du patient, afin de traiter la pathologie cancéreuse dans les meilleures conditions d'efficacité et de sécurité. Depuis mars 2018, suite à des discussions au sein du comité européen de pharmacovigilance et d'évaluation des risques (PRAC), siégeant auprès de l'Agence européenne du médicament (EMA), des recommandations plus précises de dépistage par technique de génotypage sont disponibles dans le RCP de capecitabine (XELODA). Ces recommandations, qui concernent également les spécialités à base de 5-fluorouracile, seront ajoutées aux RCP de ces produits courant 2018. Bien qu'il n'existe pas de consensus au niveau national et international sur les modalités de dépistage du déficit en DPD, des tests de génotypage et phénotypage sont actuellement disponibles en France (coût de 110,7 € pour le génotypage et 40,5 € pour le phénotypage, liste complémentaire d'actes). Des recommandations à destination des professionnels de santé qui prescrivent les fluoropyrimidines, ont été publiées par le Groupe de Pharmacologie Clinique Oncologique (GPCO) et le Réseau national de pharmacogénétique (RNPGx) en février 2018 et relayées par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Ces recommandations synthétisent l'état actuel des connaissances sur les modalités de détection et de prise en charge des déficits en DPD pour des patients éligibles à un traitement par fluoropyrimidines. En raison de cet enjeu de santé publique, un projet de recherche clinique a fait l'objet d'une promotion dans le cadre du programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) 2014 : FUSAFE « Dépistage du déficit en dihydropyrimidine deshydrogénase (DPD) pour éviter les toxicités sévères aux fluoropyrimidines : Méta- analyses et état des lieux des pratiques en France. », coordonné par le GPCO-RNPGx. Ce projet vise notamment à clarifier les performances des différentes stratégies existantes de dépistage du déficit en DPD – génotypage et phénotypage et élaborer des propositions collégiales pour une future prescription sécurisée des fluoropyrimidines basée sur le dépistage pré-thérapeutique des déficits en DPD. Les conclusions de ce PHRC seront publiées courant 2018. En parallèle, l'INCa souhaite mettre en place un groupe de travail sur ce sujet et rendra ses conclusions sur les modalités des techniques de dépistage et d'utilisation de ces tests en pratique fin 2018.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.