M. Didier Le Gac attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les mesures dérogatoires à mettre en œuvre relatives à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur dans le cadre du régime spécial de sécurité sociale des marins. Il a, en effet, été alerté de cette situation par des représentants de marins et des associations de victimes de l'amiante des conséquences des arrêts de la Cour de cassation des 12 octobre 2017 et 4 avril 2018. Jusqu'en 2011, les marins ne disposaient d'aucune action en reconnaissance de la faute inexcusable de leur employeur. C'est ce qui résultait, de fait, de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui considérait que seules les dispositions du régime spécial des marins leur étaient applicables, lesquelles ne prévoyaient aucun recours contre l'armateur quelle que soit la gravité de la faute commise dans la survenue d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. La Cour de cassation a par la suite systématiquement réitéré cette interprétation du régime spécial des marins. Par un arrêt du 6 mai 2011, le Conseil constitutionnel a validé la constitutionnalité du régime de sécurité sociale des marins à la condition qu'il permette, au nom du principe de responsabilité, la reconnaissance du droit à l'indemnisation en présence d'une faute inexcusable de l'employeur. Par cette décision, le Conseil constitutionnel remettait ainsi en cause la jurisprudence constante de la Cour de cassation et énonçait en ce sens : « qu'en posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à la disposition législative contestée ». Le Conseil constitutionnel reconnaissait ainsi que les gens de mer et leurs ayants droit avaient été privés de leur droit d'agir, en particulier des victimes de l'amiante, car induits en erreur pendant 32 ans quant à l'étendue de leurs droits à réparation. À ceci s'ajoute que le législateur, pourtant désireux de tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 6 mai 2011, n'en a en réalité pas mesuré toute la portée. En effet, malgré la transposition de cette dernière dans le régime social des marins, la loi du 23 décembre 2013 et son décret d'application n° 2015-356 du 27 mars 2015 se sont avérés insuffisants, comme en attestent les arrêts de la Cour de cassation des 12 octobre 2017 et 4 avril 2018, pour rouvrir les droits des marins lésés pendant des années par une justice défaillante. C'est pourquoi il souhaite savoir quelles dispositions le Gouvernement entend prendre pour réparer les injustices causées non seulement par l'interprétation erronée de la Cour de cassation pendant 32 ans, mais également par l'absence de lucidité du législateur qui en adaptant le régime social des marins en 2013, puis 2015, n'a pas tiré toutes les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel pour garantir aux marins, en particulier ceux exposés à l'amiante, l'accès à un recours juridictionnel effectif en présence d'une faute inexcusable de leur employeur.
La Cour de cassation a cassé, par six arrêts du 12 octobre 2017 et du 4 avril 2018, des arrêts de cour d'appel ayant ordonné l'octroi d'une majoration de rente à des victimes de l'amiante ou leurs ayants droit relevant de l'Etablissement national des invalides de la marine (ENIM), alors que ces personnes s'étaient vu reconnaitre la qualité de victime d'une faute inexcusable de l'employeur. Ces arrêts de cour d'appel faisaient suite à la décision du 6 mai 2011 du Conseil constitutionnel qui avait estimé que, quand bien même les textes applicables aux marins ne prévoyaient pas le cas de la faute inexcusable de l'employeur lorsque l'accident du travail ou la maladie professionnelle était survenu en mer, les salariés étaient en mesure d'obtenir reconnaissance de cette faute et indemnisation complémentaire. Les textes applicables prévoyaient certes comme délai de prescription la date de reconnaissance de la maladie professionnelle, mais les marins concernés n'ayant pu se savoir concernés qu'à compter de la décision du Conseil constitutionnel, les cours d'appel ont jugé que le point de départ du délai des prescriptions était cette décision du 6 mai 2011. La Cour de cassation a jugé dans un autre sens, en considérant que l'ensemble des actions tendant à faire reconnaître une faute inexcusable de l'employeur était prescrit. Elle a considéré que les marins n'étaient pas dans l'impossibilité d'invoquer la faute inexcusable de leur employeur avant la décision du Conseil constitutionnel. Concrètement, même en l'absence de texte le prévoyant, les marins auraient dû demander la reconnaissance de la faute inexcusable de leur employeur, comme n'importe quel salarié, dans les conditions et délais de droit commun. Pour autant, la Cour de cassation avait rejeté par le passé le droit à indemnisation des marins en cas de faute inexcusable de l'employeur, les textes ne le prévoyant pas. Les assurés se trouvaient donc dans la situation où ils n'auraient pas pu obtenir gain de cause s'ils avaient engagé l'action dans le délai de prescription retenu par la Cour de cassation. Cette interprétation très restrictive de la Cour de cassation n'avait pas été envisagée lorsque le Conseil constitutionnel avait rendu sa propre décision. La loi du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014 et son décret d'application devaient en effet permettre aux marins concernés, de bénéficier de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur à compter de l'entrée en vigueur de cette loi. L'autorité de la chose jugée s'impose au Gouvernement et à l'ENIM. Toutefois, compte tenu de la situation particulièrement dramatique des marins exposés à l'amiante, le Gouvernement entend œuvrer à ce que leur situation soit traitée le plus équitablement possible. Des travaux sont engagés pour étudier, en lien avec l'ENIM, la solution la plus adéquate permettant le maintien et la poursuite du versement du montant de la majoration de rente dont bénéficiaient les marins concernés à la suite de leur reconnaissance par les juges du fond de la faute inexcusable de leur employeur à la suite de la décision du Conseil constitutionnel.
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