Mme Constance Le Grip interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la question du développement d'un système de géolocalisation rattaché à la plateforme nationale d'interceptions judiciaires (PNIJ). Cette plate-forme, obligatoire pour tous les enquêteurs depuis le 12 septembre 2017, fait l'objet de critiques récurrentes notamment de la part des fonctionnaires de police, mais également d'observations négatives de la part de la Cour des comptes qui pointe un coût bien supérieur à celui initialement budgété. Les documents de la mission Justice du PLF 2018 indiquent en effet un surcoût de 109,3 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 214,5 millions d'euros de crédits de paiement pour les années 2019 et suivantes, pour un total cumulé de 385 millions d'euros. Ces montants, extrêmement élevés, sont à mettre en relation avec l'annonce du successeur annoncé du dispositif actuel que serait une PNIJ (V2) dont le coût prévisionnel est estimé à 111 millions d'euros. Dans sa réponse du 15 mai 2018 à la question écrite n° 3287, le ministre d'État, ministre de l'intérieur, indique par ailleurs que le déploiement de la fonctionnalité de géolocalisation devrait être effective dans le courant de l'année 2018, précisant que des solutions transitoires reposant sur des prestataires privés étaient actuellement utilisées. Cet élément apporté par le Gouvernement ne peut que susciter de nouvelles interrogations au regard du marché passé avec une grande entreprise et qui prévoyait le développement de cette technologie en 2009. En outre, la condamnation récente de l'État par la cour administrative d'appel de Paris à indemniser pour un montant de 2 247 000 euros à titre de compensation de « l'évincement illégal » illégale de ce marché public une société qui réalisait une partie des interceptions judiciaires, avant la mise en place de la PNIJ, interroge sur le pilotage de cet outil pourtant nécessaire. Il existe en effet sur le marché des offres fonctionnelles, déjà utilisées et validées par les officiers de police judiciaires, et présentant en outre les garanties de protection des données nécessaires à une telle opération. Par ailleurs, selon la presse, l'Agence nationale des techniques d'enquêtes numériques judiciaires (ANTEN-J) a publié une fiche de poste à pourvoir à compter du 1er février pour recruter un rédacteur expert en commande publique, laissant entendre qu'elle s'apprêterait à lancer de nouveaux appels d'offres ou à en modifier, notamment au regard d'un attendu de compétence particulier mentionnant la nécessité de « prendre part au dialogue précontentieux relatif aux marchés passés par l'agence ». Elle souhaite donc connaître le coût des opérations actuelles de géolocalisation confiées à des prestataires privés et, par ailleurs, si elle entend modifier le marché passé, par exemple sous la forme d'un avenant comparable aux nombreux autres passés sur ce marché depuis 2009, qui permettrait par exemple l'intégration de solutions technologiques fiables, déjà expérimentées avec succès, produites par des entreprises françaises et sans coût supplémentaire.
La PNIJ, plate-forme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ), permet la centralisation des réquisitions d'interceptions de communications électroniques et des demandes de prestations annexes ainsi que la mise à disposition des résultats au profit des magistrats et des services de police judiciaire, dans le respect de la protection des libertés publiques et du secret de l'enquête. La loi du 3 juin 2016, adoptée dans un large consensus, prévoit le recours obligatoire à la plateforme, sauf impossibilité technique, pour certaines techniques d'enquêtes numériques judiciaires. Pour répondre à l'obligation instituée par la loi de 2016, la priorité a été donnée aux travaux permettant à la plateforme d'être en capacité d'absorber dans de bonnes conditions la totalité des prestations annexes et des interceptions judiciaires, ce qui est aujourd'hui chose faite. Concernant les coûts d'investissement du projet PNIJ, ceux-ci s'établissent à 148,2 M€ en fin de phase de développement et en incluant deux années d'exploitation, ce montant étant présenté dans le RAP 2017 du programme 310 du ministère de la justice. Le dépassement du budget prévisionnel de la plateforme est principalement issu des adaptations capacitaires ayant dû être faites en cours de projet, depuis 2010, pour répondre à l'évolution des besoins des services d'enquêtes. Le coût de la plateforme est cependant à rapprocher des économies permises par cet outil, qui atteignent d'ores et déjà plus de 50 M€ par an et sont encore en progression. S'agissant des fonctionnalités de géolocalisation de la PNIJ, celles-ci ont été prévues dans le marché initial de création de la plateforme mais leur développement a été freiné par la nécessité de prioriser l'adaptation capacitaire de l'outil à la croissance des besoins. La PNIJ ayant depuis début 2018 achevé sa montée en charge, l'agence nationale des techniques d'enquêtes numériques judiciaires (ANTENJ) travaille, en lien étroit avec les services de police judiciaire et dans le cadre des relations contractuelles liant déjà le ministère de la justice à la société Thales, à la mise en œuvre de l'article 230-45 du code de procédure pénale pour la géolocalisation. Il est à noter que la mise en service de la géolocalisation sur la plateforme emporte également des enjeux d'économies, à hauteur de 16 M€ par an, ce montant étant aujourd'hui versé annuellement aux prestataires requis en la matière. La société la plus régulièrement sollicitée a ainsi perçu au total de l'ordre de 64 M€ de 2013 à 2017. Par ailleurs, la mise en place des outils de géolocalisation sur la PNIJ se fera selon les normes sécuritaires actuelles de cette dernière et permettra donc aux données recueillies de bénéficier d'un haut niveau de sécurité, de traçabilité et de protection. Ces normes s'appuient sur des documents socles de sécurité et sur une évaluation continue des niveaux de sécurité par la réalisation d‘audits réguliers. Une supervision permanente de sécurité est par ailleurs réalisée et permet de détecter, en temps réel toute attaque potentielle. Enfin l'ensemble du dispositif est suivi par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI). Considérant les prestations aujourd'hui rendues par les sociétés spécialisées en matière de géolocalisation et l'impact sur leurs activités de la mise en service des fonctionnalités correspondantes sur la PNIJ, celles-ci ont déjà été et seront tenues informées, des prochaines étapes devant conduire à l'ouverture progressive de la géolocalisation sur la plateforme.
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