Mme Valérie Boyer interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les activités du groupe Lafarge en Syrie. Le comité de sûreté du cimentier Lafarge notait le 11 septembre 2013 « Les flux logistiques et les mouvements de personnels sont perturbés par les islamistes d'Al Nosra et de l'État islamique. Ces derniers exigent que leur soit versée une taxe afin d'autoriser le passage des camions et des véhicules ». Au total, pour maintenir ses activités, ce ne serait pas loin de treize millions d'euros qui auraient été versés entre 2011 et 2015, dont près de quatre cent quinze mille à l'organisation État islamique. Pire encore, selon l'information judiciaire qui a été ouverte, le groupe Lafarge aurait même vendu une partie de la production de ciment à cette organisation criminelle qui a déclaré la guerre à la France. Le groupe Lafarge se serait-il rendu coupable de commerce et d'intelligence avec l'ennemi ? Cette trahison semble avérée puisque le groupe Lafarge ne conteste pas les faits et affirme que le Quai d'Orsay leur aurait « demandé de rester en Syrie ». Outre le fait qu'il leur aurait été demandé de rester en Syrie, peut-on savoir si le Quai d'Orsay (ou un autre ministère) a demandé au groupe Lafarge de commercer avec Daesh ? Des enquêtes journalistiques (France 2, Complément d'enquête) précisent même que le directeur de la sûreté du groupe aurait eu douze rendez-vous avec la DGSE entre 2011 et 2014. Peut-on savoir si ces rendez-vous ont une relation avec la vente (et le racket) de ciment aux organisations terroristes ? Ces terroristes qui sont coupables des pires crimes contre l'humanité et crimes de génocide (esclavage, barbarie, exploitation sexuelle d'adultes et d'enfants) à l'égard des peuples qui occupent la Syrie et l'Irak, et notamment des alliés Kurdes, Chrétiens d'Orient et Yezidis. Mme la députée estime qu'ils doivent être combattus, à la fois sur le plan militaire, mais également sur le plan moral et financier. Elle estime que l'on doit s'attaquer à chaque centime qui sert au financement des organisations terroristes. Si une collaboration entre le groupe Lafarge et l'État islamique était avéré, il pourrait, et il devrait être qualifié complicité de crime contre l'humanité. Ainsi, elle lui demande si le Quai d'Orsay a vraiment demandé au groupe Lafarge de rester en Syrie, et si oui, pourquoi avoir demandé de se soumettre au racket de l'organisation État islamique et par là même de financer les terroristes qui ont frappé les Français.
Dès le début du conflit syrien, le gouvernement a informé le public français, et notamment les entreprises : - de la fermeture de notre ambassade et de notre représentation consulaire dans un contexte de répression engagée par le régime syrien et de conflit armé étendu par la suite à l'ensemble du territoire de la Syrie ; - de la nécessité de rapatrier tous les ressortissants français face au risque sécuritaire encouru ; - des sanctions adoptées par l'Union européenne, qu'il appartient à chaque entreprise de respecter. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères n'a pas, au-delà de l'information qu'il communique aux entreprises, compétence pour enjoindre une entreprise de poursuivre ou non ses activités en lien avec un pays en particulier, pourvu que ces activités ne soient pas contraires à la loi. A ce titre, le choix fait par l'entreprise Lafarge de maintenir son activité sur le territoire syrien relève de sa seule responsabilité. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères rappelle que c'est à l'initiative des autorités françaises, dans un souci de transparence et dans le respect de la présomption d'innocence, que le Procureur de la République a été saisi en septembre 2016 afin qu'une enquête judiciaire soit menée sur l'éventuelle violation des sanctions à l'encontre des organisations terroristes Daech et al-Qaida. Les autorités françaises coopèrent activement avec la justice dans le cadre de cette enquête afin d'établir toute la lumière sur les faits allégués. Les éléments sont couverts par le secret de l'instruction, et il est important d'en assurer le respect. La position de la France vis-à-vis de Daech en Syrie est sans ambiguïté : elle a constamment réaffirmé sa détermination à lutter contre ce groupe terroriste et rappelé la nécessité d'un strict respect des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies et des conventions et normes internationales prohibant toute forme de soutien au terrorisme. Les forces françaises ont joué tout leur rôle dans la campagne contre l'implantation territoriale de Daech en Irak et en Syrie et nous demeurons vigilants face aux tentatives de résurgence de cette organisation, comme face à la présence d'Al-Qaïda dans la province syrienne d'Idlib. En outre, la France fait de la lutte contre le financement du terrorisme l'une de ses priorités pour sa présidence du G7. A ce titre, elle a été récemment à l'initiative de la conférence internationale contre le financement du terrorisme "No Money for Terror" qui s'est tenue les 25 et 26 avril 2018 à Paris. Cette initiative a permis l'adoption par les 70 Etats et 20 organisations internationales participants de mesures fortes, particulièrement dirigées contre le financement de Daech. Elle sera prolongée par une réunion du même type organisée par l'Australie en novembre 2019.
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