Liberté de choisir son avenir professionnel — Texte n° 1019

Amendement N° 1962 (Rejeté)

Publié le 12 juin 2018 par : Mme Fiat, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Ruffin, Mme Taurine, M. Coquerel, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Corbière, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon.

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Le livre III de la deuxième partie du code du travail est complété par un titre XII ainsi rédigé :

« Titre XII : Référent de lutte contre le sexisme et les discriminations
« Chapitre Ier : Champ d'application
« Art. L. 23-116‑1. – Les dispositions du présent titre sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu'à leurs salariés.
« Elles sont également applicables :
« 1° Aux établissements publics à caractère industriel et commercial ;
« 2° Aux établissements publics à caractère administratif lorsqu'ils emploient du personnel dans les conditions du droit privé.
« Ces dispositions peuvent, compte tenu des caractères particuliers de certains des établissements mentionnés aux 1° et 2° et des instances de représentation du personnel éventuellement existantes, faire l'objet d'adaptations, par décrets en Conseil d'État, sous réserve d'assurer les mêmes garanties aux salariés de ces établissements.
« Chapitre II : Conditions de mise en place.
« Art. L. 23-117‑1. – Le personnel élit des référents de lutte contre le sexisme et les discriminations dans tous les établissements de onze salariés et plus.
« Art. L. 23-117‑2. – La mise en place des référents de lutte contre le sexisme et les discriminations n'est obligatoire que si l'effectif de onze salariés et plus est atteint pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes.
« Art. L. 23-117‑3. – À l'expiration du mandat des référents de lutte contre le sexisme et les discriminations, l'institution n'est pas renouvelée si les effectifs de l'établissement sont restés en dessous de onze salariés pendant au moins douze mois.
« Dans ce cas, le renouvellement intervient dès que les conditions d'effectifs prévues à l'article L. 2312‑2 sont à nouveau remplies, la période de trois ans étant calculée à partir de la fin du dernier mandat des délégués du personnel.
« Art. L. 23-117‑4. – Dans les établissements employant moins de onze salariés, des référents de lutte contre le sexisme et les discriminations peuvent être institués par convention ou accord collectif de travail.
« Art. L. 23-117‑5. – Dans les établissements employant habituellement moins de onze salariés et dont l'activité s'exerce sur un même site où sont employés durablement cinquante salariés et plus, l'autorité administrative peut, de sa propre initiative ou à la demande des organisations syndicales de salariés, imposer l'élection de référents de lutte contre le sexisme et les discriminations lorsque la nature et l'importance des problèmes communs aux entreprises du site le justifient.
« Les conditions de ces élections sont définies par accord entre l'autorité gestionnaire du site ou le représentant des employeurs concernés et les organisations syndicales de salariés.
« À défaut d'accord, l'autorité administrative fixe le nombre et la composition des collèges électoraux ainsi que le nombre des sièges et leur répartition entre les collèges par application des dispositions du présent titre.
« Art. L. 23-117‑6. – Les dispositions du présent titre ne font pas obstacle aux clauses plus favorables résultant de conventions ou d'accords et relatives à la désignation et aux attributions des référents de lutte contre le sexisme et les discriminations.
« Art. L. 23-117‑7. – Aucune limitation ne peut être apportée aux dispositions relatives à la désignation et à l'exercice des fonctions de référents de lutte contre le sexisme et les discriminations par note de service ou décision unilatérale de la direction.
« Art. L. 23-117‑8. – Pour l'application du présent titre, les modalités de calcul des effectifs sont celles prévues aux articles L. 1111‑2 et L. 1251‑54.
« Chapitre III : Attributions
« Art. L. 23-118‑1. – Les référents de lutte contre le sexisme et les discriminations ont pour mission :
« 1° De présenter aux employeurs toutes les réclamations individuelles ou collectives relatives à la mise en œuvre de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, à l'application du code du travail et des autres dispositions légales concernant la lutte contre le sexisme, l'homophobie et toutes les discriminations ;
« 2° De saisir l'inspection du travail de toutes les plaintes et observations relatives à l'application des dispositions légales dont elle est chargée d'assurer le contrôle ;
« 3° De mettre en œuvre la prévention du sexisme, de l'homophobie et des discriminations et les politiques de prévention du harcèlement sexuel ;
« 4° D'accompagner les personnes victimes de harcèlement sexuel, de discriminations ou de violences dans leur parcours.
« Art. L. 23-118‑2. – Si un référent de lutte contre le sexisme et les discriminations constate, notamment par l'intermédiaire d'un salarié, qu'il existe une atteinte aux droits des personnes, leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles ou une atteinte à l'égalité entre les femmes et les hommes, les homosexuels et les hétérosexuels dans l'entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l'employeur. Cette atteinte peut notamment résulter de toute mesure discriminatoire en matière d'embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement.
« L'employeur procède sans délai à une enquête avec le référent et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation.
« En cas de carence de l'employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l'employeur, le salarié, ou le référent si le salarié intéressé averti par écrit ne s'y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud'hommes qui statue selon la forme des référés.
« Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d'une astreinte qui est liquidée au profit du Trésor.
« Art. L. 23-118‑3. – Les salariés d'entreprises extérieures qui, dans l'exercice de leur activité, ne se trouvent pas placés sous la subordination directe de l'entreprise utilisatrice peuvent faire présenter leurs réclamations individuelles et collectives, intéressant celles des conditions d'exécution du travail qui relèvent du chef d'établissement, par le référent sexisme de cet établissement dans les conditions fixées au présent titre.
« Art. L. 23-118‑4. – Dans les entreprises de moins de cinquante salariés, lorsque l'employeur envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique, les référents sexisme sont consultés dans les conditions prévues par le titre III du livre II de la première partie.
« Art. L. 23-118‑5. – Les référents de lutte contre le sexisme et les discrimination ont qualité pour communiquer au comité social et économique les suggestions et observations du personnel sur toutes les questions entrant dans la compétence du comité.
« Art. L. 23-118‑6. – Les salariés conservent le droit de présenter eux-mêmes leurs observations à l'employeur ou à ses représentants.
« Chapitre IV : Nombre, élection et mandat
« Section 1 : Nombre.
« Art. L. 23-119‑1. – Le nombre des référents de lutte contre le sexisme et les discriminations est déterminé selon des bases fixées par décret en Conseil d'État, compte tenu du nombre des salariés.
« Il est élu autant de délégués suppléants que de titulaires.
« Section 2 : Élection
« Art. L. 23-120. – Les modalités électorales relatives aux référents de lutte contre le sexisme et les discriminations sont similaires à celles du comité social et économique mentionné au titre Ier.
« Section 3 : Durée et fin du mandat.
« Art. L. 23-121. – Les modalités de durée et fin de mandat relatives aux référents de lutte contre le sexisme et les discriminations sont similaires à celles du comité social et économique mentionné au titre Ier.
« Chapitre V : Fonctionnement
« Section 1 : Heures de délégation.
« Art. L. 23-122‑1. – L'employeur laisse aux référents de lutte contre le sexisme et les discriminations le temps nécessaire à l'exercice de leurs fonctions dans les limites d'une durée qui, sauf circonstances exceptionnelles, ne peut excéder :
« 1° Dix heures par mois dans les entreprises de moins de cinquante salariés ;
« 2° Quinze heures par mois dans les entreprises de cinquante salariés et plus.
« Art. L. 23-122‑2. – Le temps passé en délégation est de plein droit considéré comme temps de travail et payé à l'échéance normale.
« L'employeur qui entend contester l'utilisation faite des heures de délégation saisit le juge judiciaire.
« Art. L. 23-122‑3. – Dans les entreprises de travail temporaire, les heures de délégation utilisées entre deux missions, conformément à des dispositions conventionnelles, par un référent sexisme titulaire, pour l'exercice de son mandat, sont considérées comme des heures de travail.
« Ces heures de délégation sont réputées rattachées, en matière de rémunération et de charges sociales, au dernier contrat de mission avec l'entreprise de travail temporaire au titre de laquelle il a été élu référent sexisme
« Section 2 : Déplacement et circulation.
« Art. L. 23-122‑4. – Pour l'exercice de leurs fonctions, les référents de lutte contre le sexisme et les discriminations peuvent, durant les heures de délégation, se déplacer hors de l'entreprise.
« Ils peuvent également, tant durant les heures de délégation qu'en dehors de leurs heures habituelles de travail, circuler librement dans l'entreprise et y prendre tous contacts nécessaires à l'accomplissement de leur mission, notamment auprès d'un salarié à son poste de travail, sous réserve de ne pas apporter de gêne importante à l'accomplissement du travail des salariés.
« Section 3 : Local et affichages.
« Art. L. 23-122‑5. – L'employeur met à la disposition des référents sexisme le local nécessaire pour leur permettre d'accomplir leur mission et, notamment, de se réunir.
« Art. L. 23-122‑6. – Les référents sexisme peuvent faire afficher les renseignements qu'ils ont pour rôle de porter à la connaissance du personnel sur des emplacements obligatoirement prévus et destinés aux communications syndicales, ainsi qu'aux portes d'entrée des lieux de travail.
« Chapitre VI : Dispositions pénales.
« Art. L. 23-123. – Le fait de porter ou de tenter de porter atteinte à la libre désignation des référents de lutte contre le sexisme et les discriminations ou à l'exercice régulier de leurs fonctions est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 euros. »

Exposé sommaire :

Ajouté durant l'examen en commission des affaires sociales, la désignation d'un référent sexisme au sein des comités sociaux et économiques est un progrès qu'il faut saluer, mais qui présente un certain nombre de limites qui restreignent son impact positif :

D'abord, cette mesure ne concerne que les 42 % de salariés travaillant dans une entreprise de plus de 250 salariés, et laisse donc sans protection la majorité de la population active.

Ensuite, cette mesure se fait à moyen constant : le comité social et économique, déjà résultat de la fusion entre les compétences très diverses des CHSCT, comité d'entreprise et délégués du personnel, va devoir exercer un nouveau rôle, alors même que ses heures de délégation et son budget ont été contraint par les ordonnances de septembre 2017.

Par conséquent, en confiant au comité social et économique une mission supplémentaire on risque de l'affaiblir, mais en plus la mission sera inégalement remplie : traiter des questions de lutte contre le sexisme, d'égalité professionnelle, faire face à des cas de violences ou de harcèlement nécessite une formation et une indépendance que le dispositif proposé ne permet pas.

Enfin, la désignation ne garantit pas l'indépendance et la représentativité de la ou du référent sexisme. Pour une question aussi sensible, l'élection nous semble être une évidence et une garantie d'efficacité.

C'est pourquoi nous souhaitons introduire par le biais de cet amendement une nouvelle instance représentative du personnel dans les entreprises de plus de 10 salariés : les référents de lutte contre le sexisme et les discriminations.

Cette mesure vient par ailleurs compenser la perte des Comités d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail, balayés par les ordonnances du 22 septembre 2017. A l'époque, le Conseil Supérieur de l'égalité professionnel, saisi pour avis, affichait clairement les risques que faisait peser la disparition d'une telle instance, chargée notamment de la lutte contre le harcèlement et les discriminations.

Par cet imposant dispositif, nous souhaitons établir une instance spécialisée, capable d'être à la hauteur des enjeux dramatiques revelés par les suite de l'affaire Weinstein, mais pointés depuis des décennies par les mouvements féministes : le monde professionnel reste un milieu largement hostile aux femmes. Les personnes homosexuelles, les personnes transgenres, y souffrent également.

Une femme sur cinq a déjà été confrontée à une situation de harcèlement sexuel sur son lieu de travail. Ce sont elles qui subissent les décisions les plus contraignantes comme la mise à temps partiel, et les inégalités de salaires sont toujours immenses, en moyenne de l'ordre de 27 %.

Selon le Défenseur des droits, 39 % des personnes homosexuelles déclarent souffrir de commentaires et d'attitudes négatives au travail.

Dans « Orientation sexuelle et écart de salaire sur le marché du travail français : une identification indirecte » (Insee, 2013), les économistes Thierry Laurent et Ferhat Mihoubi constatent que les hommes homosexuels gagneraient en moyenne 6,3 % de moins que les hommes hétérosexuels dans le secteur privé et 5,6 % de moins dans le secteur public. Des écarts de salaires qui s'accroissent lorsque l'employeur perçoit l'homosexualité du salarié avec certitude, d'après cette même étude.

Enfin, selon le dernier rapport de SOS Homophobie, 17 % de cas supplémentaires de discriminations liés à la transexualité ou à l'homosexualité lui ont été signalés d'une année à l'autre. Et la situation n'est pas suffisamment prise en compte au sein des entreprises. Ce rapport nous révèle ainsi que “lorsque que la victime a le courage de dénoncer une agression, l'appui des supérieur-e-s est loin d'être toujours assuré, comme le raconte Flavien qui a reçu un accueil mitigé de ses supérieur-e-s qui ne veulent “pas faire de vagues” : sa supérieure directe lui demande de prendre les choses avec plus de légèreté après qu'il a entendu des propos homophobes sous la forme de “blagues” au cours d'une réunion de cadres de son entreprise. Malgré les textes légaux, les LGBTphobies ne sont pas encore suffisamment reconnues et combattues dans le contexte professionnel”.

On pourrait aussi parler de la situation des personnes discriminées en raison de leur âge, de leur handicap ou de leur origine ethnique.

Maintenant que la parole s'est libérée, le législateur doit prendre le relais et faire en sorte que le droit protège les femmes, les homosexuel-le-s et toute personne victime de discrimination basée sur l'âge, l'apparence ou l'origine sociale.

C'est pourquoi nous demandons la création de cette nouvelle instance qui, parallèlement au comité social et économique, assurera spécifiquement et dans des règles exhaustivement définies dans cet amendement, une mission essentielle pour une société avancée comme la nôtre.

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