Publié le 12 septembre 2018 par : M. Julien-Laferriere, M. Cédric Roussel, Mme Vidal, M. Son-Forget, Mme Khedher, Mme Tuffnell, Mme Yolaine de Courson, Mme Brulebois, M. Galbadon, M. Morenas, M. Gaillard, M. Touraine, Mme Sarles, M. Fugit, Mme Grandjean, Mme Rossi, M. Vignal, M. Chalumeau, Mme Cazarian, M. Alauzet.
I. – Peut prétendre à la qualité de « société à objet d'intérêt collectif », toute société commerciale ou civile qui remplit les conditions cumulatives suivantes :
1° Ses statuts incluent une raison d'être, conformément aux dispositions de l'article 1835 du code civil ;
2° Elle procède chaque année à la mesure de son impact social, sociétal et environnemental et rend publics les travaux des organes de gouvernance ayant trait au respect de la raison d'être et à l'impact positif évalué par un organisme tiers indépendant ou équivalent ;
3° Elle procède chaque année à la publication d'une évaluation de performance extra-financière en fonction de référentiels reconnus et transparents qui proposent des résultats comparables et accessibles à tout type d'entreprise quelle que soit sa taille ou son chiffre d'affaire.
II. – La société peut se doter d'un comité d'impact dont la composition est libre, mais pour lequel il demeure fortement recommandé qu'il comporte des représentants des principales parties prenantes, définies préalablement dans les statuts. Ce comité d'impact contrôle la réalisation de sa raison d'être et la bonne prise en compte des intérêts sociaux et environnementaux dans la gestion et la mise en œuvre de la stratégie de l'entreprise. Pour mener à bien sa mission, le comité d'impact est indépendant et dispose des moyens appropriés et nécessaires, notamment des pouvoirs de communication et d'audit inhérents à sa fonction.
III. – Sans préjudice de la possibilité pour la société de s'attribuer une mission statutaire spécifique, la « raison d'être » se définit par la recherche d'un impact social, sociétal et environnemental positif et significatif, dans le cadre des activités opérationnelles et commerciales de la société. Le respect de la raison d'être est une condition pour remplir l'objet social de la société.
IV. – Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret.
Le présent amendement, lié à l'article 61, propose donc l'intégration dans la loi d'un nouveau statut juridique : la « société à objet d'intérêt collectif », qui reprend les caractéristiques proposées par le rapport Notat-Sénard et dont les modalités de mise en œuvre seront précisées par décret. La société à objet d'intérêt collectif, comme il est décrit dans le rapport Notat-Sénard (recommandations n°11 et 12), veut réhabiliter l'image de l'entreprise en exploitant tout son potentiel positif. La création de ce statut est fondamentale pour crédibiliser et offrir un début de reconnaissance aux entreprises engagées qui contribuent par leurs activités commerciales à l'économie du pays et s'inscrivent objectivement dans une démarche respectueuse de l'Homme et de la nature.
Sur le plan international, impulsé par les travaux du Mission Alignment Working Group du G8 en 2014, un nouveau « statut » juridique, dit « profit-with-purpose company », est en train d'émerger sur tous les continents. A l'étranger, les entreprises engagées bénéficient déjà d'un statut propre mettant en valeur leur l'engagement sur le plan social, sociétal et environnemental. Ce concept a été introduit dans les droits de différents États « Benefit Corporations » aux États-Unis, « Sociéta Benefit » en Italie ou encore « Sociedades de Beneficio Interés Colectivo » en Uruguay, en Argentine, et en Colombie (en cours de vote). La « Benefit Company » est également en cours d'intégration en droit britannique.
En France, ce type d'entreprise n'est, pour le moment, pas reconnu par les textes, et ne dispose d'aucun régime spécifique ou cadre juridique dédié. Le projet de loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises marque un tournant pour l'économie française. Une occasion unique pour notre pays de s'imposer comme le leader dans le domaine de l'entreprenariat responsable, ou, du moins, de ne pas afficher un retard considérable par rapport à nos voisins européens et internationaux, déjà engagés sur cette voie.
En effet, la société à objet d'intérêt collectif ne doit pas être considérée comme un frein à la performance économique des entreprises ni de l'économie française, mais au contraire, via son mode opératoire volontaire et incitatif, comme un facteur de croissance, par l'augmentation de l'offre d'entreprises responsables pouvant répondre à la commande publique en conformité avec les exigences de développement durable. En outre, un nouveau statut ambitieux conforme aux standards internationaux permettra à la France de contribuer aux Objectifs de Développement Durable définis par l'ONU, et participera considérablement à l'attractivité du droit français. En ce sens, la société à objet d'intérêt collectif est une opportunité formidable pour la France de faire de l'engagement des entreprises un axe de développement économique et de rayonnement du pays sur la scène internationale, en complément des labels et statuts existants réservés exclusivement aux entreprises de l'économie sociale et solidaire.
Pour éviter de créer un statut confus, imprécis et sans effet, le présent amendement propose que la société à objet d'intérêt collectif soit soumise au respect de trois (3) conditions cumulatives :
L'inscription dans les statuts d'une Raison d'être, laquelle peut être également être insérée en complément dans d'autres documents selon la taille de l'entreprise (par exemple, le règlement intérieur ou le pacte d'associés pour les sociétés cotées),
L'évaluation par un organisme tiers indépendant ou équivalent du respect de la raison d'être et à l'impact positif mesurable sur la société et l'environnement, et
La publication d'une évaluation de performance extra-financière en fonction de référentiels reconnus et transparents qui proposent des résultats comparables et accessibles à tout type d'entreprise quel que soit son chiffre d'affaire et sa taille.
La « Raison d'être » corresponde à une « triple ligne de résultat », en anglais « triple bottom line ». La raison d'être est donc l'objectif d'avoir un impact social, sociétal et environnemental positif et significatif, dans le cadre de ses activités opérationnelles et commerciales. La raison d'être est indispensable pour remplir l'objet social de la société. En poursuivant une mission d'avoir un impact positif, la société peut définir la mission spécifique par laquelle la société entend contribuer à l'intérêt collectif en vue de créer par ses activités une valeur durable, qui ne se fasse pas aux dépens du patrimoine naturel et humain. Plus précisément, la raison d'être est considérée comme l'expression d'un futur désirable pour le collectif, à la fois justifiant la coopération, et rendant compte d'un enjeu d'innovation. Elle peut avoir un usage stratégique, en fournissant un cadre pour les décisions les plus importantes, afin de concrétiser l'intérêt propre de la société, et les considérations sociales et environnementales et ainsi d'apporter un contrepoids utile au critère financier de court terme (p.71 du rapport Notat-Sénard).
La société peut également introduire dans sa gouvernance, un Comité d'impact dont la composition est libre, mais pour lequel il demeure fortement recommandé qu'il comporte des représentants des principales parties prenantes, définies préalablement dans les statuts. Ce Comité d'impact contrôle (i) la réalisation de la raison d'être et (ii) la bonne prise en compte par les dirigeants des intérêts sociaux et environnementaux dans la gestion et la mise en œuvre de la stratégie de la société. Pour mener à bien sa mission, le Comité d'impact est indépendant et doit disposer des moyens appropriés et nécessaires, notamment des pouvoirs de communication et d'audit inhérents à sa fonction.
Ainsi, les entreprises qui souhaitent œuvrer dans le sens de l'intérêt collectif, au-delà de la simple déclaration d'intention, devront satisfaire aux exigences les plus élevées de bonne gouvernance, de pratiques responsables et de dialogue social tout en procédant, de manière transparente, à la mesure de leur impact social et environnemental. Ces mesures sont indispensables pour crédibiliser leur comportement en accord avec la raison d'être qu'elles revendiquent.
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