Publié le 23 juillet 2018 par : M. Lachaud, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Taurine, M. El Guerrab.
Supprimer les alinéas 5 et 6.
Par cet amendement, nous proposons de garantir un droit procédural qui nous semble fondamental dans le cadre d'une procédure de demande d'asile. En effet, par les alinéas de cet article, le Gouvernement souhaite que l'étranger choisisse dès l'enregistrement de sa demande d'asile (en préfecture), le choix d'une langue durant tout l'examen de sa demande par l'Office de protection des réfugiés et apatrides (« ce choix lui est opposable pendant toute la durée d'examen de sa demande »).
Tout d'abord, nous estimons incroyable que le Gouvernement soit en même temps en train de faire examiner par le Parlement une loi pour « un État au service d'une société de confiance », qui consacre un « droit à l'erreur » (en particulier en matière fiscale et environnementale, pour les administrés et les entreprises), ce alors même que des publics vulnérables et peu familiers de notre langue, système administratif et juridique se verraient dénier le droit de demander un changement de la langue initiale qu'ils ont dû donner lors de l'enregistrement de leur demande d'asile. Quelle hypocrisie de parler de chanter les louanges d'un « droit à l'erreur » qui serait une avancée pour les administrés et de l'autre dénier avec tant de brutalité un droit à demander à mieux pouvoir s'exprimer pour un demandeur ou une demandeuse d'asile !
Ensuite, dans le détail, cette obligation à ce qu'il n'y ait qu'une langue tout le long de la procédure (outre éventuellement le français) dans laquelle le demandeur d'asile puisse être interrogé, voir son dossier examiné, et communiquer avec l'OFPRA est une flagrante méconnaissance de la réalité humaine et géographique. Prenons par exemple un demandeur ou une demandeuse d'asile ayant fui le Soudan. Les langues officielles de cet état sont l'arabe littéral et l'anglais, la langue nationale l'arabe soudanais et il existe plus de 125 langues minoritaires. Comment être sûr dès l'enregistrement en préfecture, et donc dans la précipitation, que la langue qui sera choisie sera la mieux à même de pouvoir retranscrire son récit, les persécutions pour lesquelles la personne a fait sa demande. En effet, il existe des langues administratives qui peuvent relever des relations des administrés avec l'État (langues officielles), des langues véhiculaires / lingua franca qui permettent au-delà des rapports avec l'État de pouvoir s'intégrer professionnellement et dans les relations avec d'autres groupes ethniques, et ensuite la langue vernaculaire qui traite de la vie quotidienne. Pour des persécutions pouvant être à la fois des brutalités assurées par l'État (langue administrative), relayées par des baronnies locales (langue véhiculaire) et affectant la communauté et la famille proche / communauté (langue vernaculaire). Pour un récit complet, le demandeur ou la demandeuse d'asile devrait ainsi donc mobiliser plus de trois langues, alors que cet article lui imposerait d'en choisir une seule, l'empêchant ainsi d'éventuellement compléter et préciser son récit, au mépris total d'un examen sérieux et complet de sa situation par l'OFPRA.
L'intention du Gouvernement est bien uniquement administrative. Il suffit de lire l'étude d'impact au projet de loi (page 50) pour voir que le seul but de cette opposabilité, au détriment des droits du demandeur d'asile, est de “réduire les délais (...) facilit[er] l'organisation des rendez-vous par l'office qui pourra mieux anticiper leur programmation”. Rien sur l'amélioration des conditions d'expression du détenu dans une langue qu'il maîtrise effectivement pour mieux présenter son dossier de demande d'asile...
Pour toutes ces raisons, garantir les droits procéduraux des demandeurs et demandeuses d'asile implique de supprimer ces deux alinéas.
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