Publié le 23 juillet 2018 par : M. Nadot, Mme Rilhac, Mme Kuric, M. François-Michel Lambert.
Rédiger ainsi cet article :
« Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :
« 1° L'article L. 622‑1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 622-1. – Toute personne qui aura sciemment facilité ou tenté de faciliter l'entrée ou le séjour irréguliers d'un étranger en France en échange de contrepartie manifestement disproportionnée sera punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30 000 euros.
« Est puni des mêmes peines celui qui, quelle que soit sa nationalité, a commis le délit défini au premier alinéa alors qu'il se trouvait sur le territoire d'un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 autre que la France.
« Est puni des mêmes peines celui qui a sciemment facilité ou tenté de faciliter l'entrée ou le séjour irréguliers d'un étranger sur le territoire d'un autre État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990.
« Est puni des mêmes peines celui qui a sciemment facilité ou tenté de faciliter l'entrée ou le séjour irréguliers d'un étranger sur le territoire d'un État partie au protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000.
« L'infraction n'est pas constituée lorsque l'acte de facilitation est commis à titre gratuit ou lorsque la contrepartie n'est pas manifestement disproportionnée. » ;
« 2° L'article L. 622‑4 est abrogé. »
Le « délit de solidarité » redevient « délit de passeur »
Par décision n° 2018‑717/718 QPC du 6 juillet 2018, le Conseil constitutionnel a donné à la fraternité une valeur constitutionnelle affirmant que chacune et chacun a « la liberté d'aider autrui, dans un but humanitaire, sans condition de la régularité de son séjour sur le territoire national ». Ce faisant, le Conseil a appelé le législateur à modifier la loi avant le 1er décembre 2018 afin de mettre celle-ci en conformité avec sa décision.
L'Assemblée nationale a ajouté quelques critères dans la liste des immunités tandis que le Sénat n'a pas voulu modifier cet article, proposant au contraire d'ajouter un nouveau motif de poursuite (établissement et utilisation de fausses attestations, notamment d'hébergement, pour des personnes étrangères).
Il appartient à notre assemblée de mettre réellement un terme à ce qui est dénommé communément « délit de solidarité » : l'examen de nombreuses décisions judiciaires a démontré que l'article L. 622‑1 du CESEDA sert souvent de fondement à des poursuites, voire à la condamnation, d'aidants solidaires qui ne tirent aucun profit de leurs actions seulement dictées par le refus de laisser les personnes migrantes sur le « bord de la route ».
Cet amendement prend en considération les contraintes découlant de la directive européenne 2002/09/CE du 28 novembre 2002 qui oblige les États membres à pénaliser l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers et oblige les États à adopter des sanctions appropriés. Elle précise que tout État peut décider de ne pas imposer de sanctions dans le cas où le comportement incriminé a pour but d'apporter une aide humanitaire à la personne concernée.
La modification proposée est conforme à l'objet de la directive et permet de redonner tout son sens à l'infraction pénale : lutter contre les réseaux de passeurs et l'exploitation subie par les personnes migrantes.
À l'instar de la liberté et de l'égalité, qui sont les deux autres termes de la devise de notre République, la fraternité doit être respectée comme principe constitutionnel par le législateur.
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