Publié le 6 novembre 2018 par : Mme Rubin, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, M. Ruffin, Mme Taurine.
I. Après l'article 1741 du code général des impôts, il est inséré un article 1741-0-A ainsi rédigé :
« Art. 1741-0-A. – Quiconque incite, soustrait ou tente de soustraire frauduleusement un contribuable à l'établissement ou au paiement total ou partiel des impôts visés au présent code, notamment par la voie de la promotion, de la publicité ou de l'offre de montages frauduleux, est passible, indépendamment des sanctions fiscales applicables, d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 500 000 €. »
II. Les dispositions du I. s'appliquent à compter du 1er janvier 2020.
Cet amendement, que nous pourrons appeler « amendement CumEx files n°2 » tend à renforcer notre arsenal juridique par la mise en place d'un délit d'incitation à la fraude fiscale. En ce sens, il permettra de s'attaquer aux montages de type « CumEx » et vient donc compléter notre amendement n°1350 qui vise directement les montages de type « CumCum ». Rappelons que ces deux types de montages sont au coeur du récent scandale des « CumEx files » révélé par Le Monde et 17 autres médias européens le 18 octobre dernier. Cet amendement permettra de récupérer une partie des 3 milliards qui échappent aux finances publiques françaises chaque année du fait de ces montages et a donc toute sa place dans la discussion budgétaire.
Ainsi, cet amendement, que nous avons déjà proposé lors de l'examen de la loi fraude, apparaît plus que jamais d'actualité, après les révélations concernant le scandale des « CumEx files ». En effet, si notre amendement 1350 permettra de s'attaquer à la partie « légale » de ce scandale, en proposant précisément de rendre les montages « CumCum » illégaux, cet amendement s'attaque à l'autre partie du scandale : les montages illégaux (« CumEx »), souvent proposés par de grandes banques françaises à leurs clients, sans que celles-ci ne puissent être sanctionnées à hauteur du préjudice qu'elles ont causé. Nous proposons donc par cet amendement que ces grandes banques complices des montages « CumEx » puissent risquer des sanctions pénales !
Il est également utile de rappeler que notre proposition s'appuie notamment sur un rapport d'enquête de la commission sénatoriale portant sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion fiscale, rendu public le 17/10/2013, et plus particulièrement de sa 30ème proposition.
Outre le fait de grever lourdement le budget de l'État, la fraude fiscale est un poison qui ronge notre République en sapant les fondements mêmes du consentement à l'impôt, qui suppose une parfaite égalité des citoyens devant la loi commune.
Afin de mieux lutter contre la fraude fiscale, il est indispensable de frapper avec toute la vigueur de la loi l'ensemble des opérateurs qui proposent, par voie de promotion ou de publicité, de se soustraire aux obligations fiscales pourtant en vigueur.
Il est aberrant de constater la facilité avec laquelle l'on peut aujourd'hui trouver sur internet un nombre foisonnant de sites proposant des services frauduleux et des schémas clef en main pour échapper à l'impôt en détournant la loi fiscale de son sens initial.
Appeler ouvertement à se soustraire à ses obligations civiques par des services généralement tarifés, dans un esprit de lucre et au mépris de notre État de droit, devrait être passible d'une amende de 500 000 euros et d'un emprisonnement de cinq ans, la peine devant être proportionnelle à l'atteinte grave qu'elle constitue au regard du civisme fiscal et suffisamment dissuasive pour être efficace.
A titre de comparaison, le délit d'incitation à la fraude dans les transports en commun tels que la RATP est passible d'une amende de 3750 euros et d'une peine de deux mois d'emprisonnement.
Il est proprement inadmissible de constater avec quel empressement on sanctionne ainsi certains particuliers dans les transports en commun alors qu'en même temps on exonère de toute peine une incitation à la fraude fiscale aux conséquences dramatiques pour le budget de l'État et le civisme de nos concitoyens. A cet égard, l'article 7 du récent projet de loi de lutte contre la fraude voté par la majorité apparaît presque provocateur : les peines proposées ne sont qu'administratives et si faibles qu'elles ne dissuaderont en rien les intermédiaires de proposer leurs services pour aider les fraudeurs fiscaux.
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