Publié le 8 octobre 2018 par : M. Potier, Mme Battistel, M. Juanico, M. Vallaud.
Après le 1. de l'article 39 du code général des impôts, il est inséré un 1 bis. ainsi rédigé :
« 1bis. Au sein de chaque entreprise, il est déterminé un plafond de rémunération correspondant à douze fois la rémunération moyenne du décile des salariés à temps plein dont la rémunération est la plus faible. Pour chaque salarié et associé, la fraction de rémunération supérieure à ce plafond n'est pas prise en compte pour le calcul des dépenses de personnel déductibles en application du 1° du 1. Il en va de même des charges sociales afférentes à cette fraction de rémunération supérieure au plafond précité. La rémunération s'entend comme l'ensemble des rémunérations directes et indirectes du salarié ou associé.
« Un décret fixe les modalités d'application de ces dispositions. »
Dès 2013, l'OCDE s'est inquiétée de l'écart croissant des rémunérations entre salariés et dirigeants au sein de l'entreprise. Selon une étude réalisée la même année par la fédération des syndicats américains (AFL-CIO), la rémunération moyenne d'un dirigeant d'entreprise américain était ainsi 354 fois supérieure à celle moyenne d'un salarié. En France, ce rapport était de 1 à 104. En 2018, cette problématique n'a fait que s'amplifier à l'aune d'exemples particulièrement criants.
C'est le cas par exemple avec la société Amazon aux États-Unis où une étude réalisée dans 5 États du Midwest par l'ONG New Food Economy a montré que 30 % des salariés de l'entreprise avaient recours au programme fédéral d'aide alimentaire, leur salaire médian étant inférieur de 9 % à celui en vigueur dans le reste du secteur. Dans le même temps le PDG de l'entreprise, Jeff Bezos, dispose d'une fortune personnelle de 112 milliards de dollars. Au-delà même de cette simple comparaison d'extrêmes, se pose la question de l'impact social alors que d'un côté l'État fédéral et les États fédérés offrent des avantages fiscaux importants à l'entreprise, quand de l'autre, ils doivent financer des politiques sociales en faveur des salariés dont les revenus sont trop faibles.
Certes, la France ne connaît pas de situation aussi extrême, du fait notamment du niveau des minima sociaux et de l'État providence. Cependant, la progression constante de cet écart de rémunération et la concentration croissante des revenus autour du SMIC, témoignent des mêmes dynamiques.
La problématique de l'écart maximal de rémunération se pose donc naturellement en offrant plusieurs approches.
La première, qui est celle qui a été retenue pour les entreprises publiques, consiste à fixer un plafonnement de la rémunération des mandataires sociaux à 450.000 € annuels bruts. Il s'agit d'une bonne mesure mais qui, centrée sur les dirigeants, peut occulter le niveau des rémunérations de certains cadres n'ayant pas ce statut. C'est ainsi qu'en 2013 le Président de la Commission des affaires économiques, François Brottes, relevait que 330 salariés de l'entreprise EDF disposaient d'une rémunération supérieure au PDG de l'entreprise.
Une seconde approche consisterait en un encadrement des rémunérations au sein de l'entreprise sur la base d'un écart-type qui permettrait que les rémunérations supérieures de l'entreprise tirent les plus faible vers le haut, dans une mise en œuvre opérationnelle de la théorie de la justice de John Rawls selon laquelle les inégalités sont justifiées si elles augmentent le bien-être des personnes situées en bas de l'échelle. L'accroissement de la rémunération des uns étant liée à celle de l'accroissement des autres, il se crée une solidarité mécanique qui aujourd'hui n'existe pas dans l'entreprise.
Le groupe Socialistes et apparentés a fait le choix de fixer cet écart-type sur un ratio de 1 pour 12, par rapport à la rémunération la plus faible, selon la logique qu'au sein de l'entreprise, nul ne devrait gagner en un mois plus qu'un autre en un an. La rémunération la plus faible étant calculée ici comme la rémunération moyenne du décile de salariés à temps plein dont la rémunération est la plus faible.
Cet encadrement ne prévoit pas une interdiction stricte, qui s'apparenterait à une économie administrée, mais une incitation forte de l'entreprise à mieux partager sa valeur par le biais fiscal.
Le dispositif propose ainsi d'utiliser l'impôt sur les sociétés comme outil. Les charges de personnel étant déductibles des bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés, il est proposé de restreindre les charges de personnel déductibles aux seules rémunérations dont le montant est inférieur à un plafond, déterminé par l'application de l'écart-type précité.
Ainsi si l'entreprise pourra continuer à rémunérer certains salariés au-dessus de ce plafond, elle ne pourra plus déduire les rémunérations et cotisations sociales afférentes de son bénéfice imposable pour la fraction qui lui sera supérieur. Elle aura de fait un intérêt économique à accroitre les rémunérations les plus faibles pour accroitre le plafond de déductibilité et/ou à maitriser ses rémunérations les plus élevées. Si elle ne le fait pas, le coût pour la société induit par le maintien de rémunérations faibles dans l'entreprise ou d'inégalités salariales trop criantes est donc compensé par l'impôt.
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