Publié le 8 octobre 2018 par : M. Coquerel, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Taurine.
L'article 199novovicies du code général des impôts est abrogé.
Par cet amendement, nous proposons de supprimer une niche fiscale, appelée communément « Pinel ».
Cette niche fiscale promeut exagérément le « tous propriétaires » et le « tous bailleurs privés » avec des avantages fiscaux qui permettent aux plus riches de réduire drastiquement leurs impôts en pratiquant une optimisation fiscale institutionnalisée que nous condamnons. C'est en outre un investissement à perte pour la collectivité et un enrichissement sans raison pour les bailleurs privés.
Ce dispositif a été prolongé, mais recentré, lors de la dernière loi de finances. Pourtant, il ne semble pas faire l'unanimité au sein même de la majorité. Ainsi, mercredi 18 juillet 2018, Joël Giraud le rapporteur général (LREM) de la commission des finances a présenté le rapport d'application de la loi fiscale, censé évaluer l'application des mesures votées lors du dernier PLF. Mais ce dernier a relevé plusieurs points sur lesquels l'information du Parlement était insuffisante, parmi lesquels ce fameux dispositif Pinel. Ainsi, il regrette que « aucun dispositif d'évaluation fine » ne soit disponible sur l'efficacité de la niche Pinel. Plus récemment encore, dans une interview donnée pour le numéro d'octobre 2018 d'Alternatives Economiques, Joël Giraud a déclaré : « Les aides à la construction coûtent très cher : la loi Pinel représente par exemple 7 milliards d'euros. Mais leurs effets ne sont pas suivis : quand je demande au ministère des chiffres sur le nombre, le type et la localisation des logements créés grâce à ces dispositifs, je n'obtiens pas de réponse. ». Après ces déclarations, nous ne pouvons penser qu'il donnera un avis défavorable à notre amendement...
Mais nous avons d'autres arguments pour vous convaincre. Selon les estimations de la Cour des comptes, le coût annuel pour les finances publiques d'un logement de 190 000 euros bénéficiant du dispositif « Pinel » est deux à trois fois plus élevé que celui d'un logement comparable qui ne bénéficie pas de ce dispositif.
De plus, le caractère de classe de cette niche est marquant : elle est principalement destinée à des ménages dont les revenus sont relativement élevés, et même parfois très importants : ainsi, 45 % des ménages bénéficiaires se situaient en 2013 dans la tranche d'imposition comprise entre 27 000 et 71 000 euros et près du quart appartenait à la tranche comprise entre 71 000 et 151 000 euros, alors qu'ils ne représentent que 2,3 % des foyers imposés.
Il nous semble donc logique de proposer la suppression de cette mesure dont le coût est estimé à 6,9 milliards d'euros entre 2019 et 2035. Si nous ne pouvons démontrer l'efficacité de ce dispositif, alors à quoi bon le conserver ?
C'est d'ailleurs là l'avis de la Cour des comptes : elle souligne « l'impact économique limité » de ce dispositif pour accroître le nombre de logements locatifs accessibles : l'offre ainsi créée ne représenterait que 10 % de la production totale de logement.
Ce dispositif fiscal n'est que l'aboutissement d'une foisonnante suite de niches (Périssol, Besson, Robien, Borloo, Scellier, Duflot) dont le coût important pour le budget de la Nation ne semble nullement justifié par l'efficacité intrinsèque de ces mesures.
Ces crédits seraient par exemple bien plus utilement employés dans la construction de logements sociaux, mesure concrète dont on pourrait mesurer les effets bénéfiques pour la population.
Néanmoins, l'abrogation de ce dispositif ne doit pas se faire au détriment d'un certain nombre de catégories pouvant en bénéficier actuellement, tel que souligné par la Cour des comptes : personnes en situation de handicap, âgées ou faisant un achat dans le cadre d'un bail solidaire. Une sortie sécurisée du dispositif Pinel doit donc permettre le redéploiement de crédits en faveur de ces populations.
C'est ici encore l'une des recommandations de la Cour des comptes, qui évoque d'autres dépenses publiques qui « permettent, à volume égal, d'augmenter plus durablement le parc de logement locatifs ».
Nous proposons donc l'abrogation de cette disposition.
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