Publié le 22 octobre 2018 par : Mme Fiat, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Ratenon, M. Coquerel, M. Corbière, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Taurine.
Le chapitre II du titre unique du livre IIbis de la troisième partie du code de la santé publique est complété par des articles L. 3232‑10, L. 3232‑11, L. 3232‑12 et L. 3232‑13 ainsi rédigés :
« Art. L. 3232-10. – La propagande ou la publicité, directe ou indirecte, des boissons sucrées relevant du code NC 2202 du tarif des douanes, ainsi que toute distribution gratuite de boissons sucrées relevant du code NC 2202 du tarif des douanes. Les amendes prononcées sur le fondement de la méconnaissance à ce titre constituent des recettes affectées au financement des régimes obligatoires de base.
« Elles ne s'appliquent pas non plus :
« 1° Aux publications et services de communication en ligne édités par les organisations professionnelles de producteurs, fabricants et distributeurs des boissons sucrées relevant du code NC 2202 du tarif des douanes, réservés à leurs adhérents, ni aux publications professionnelles spécialisées dont la liste est établie par arrêté signé par les ministres chargés de la santé et de la communication, ni aux services de communication en ligne édités à titre professionnel qui ne sont accessibles qu'aux professionnels de la production, de la fabrication et de la distribution des boissons sucrées relevant du code NC 2202 du tarif des douanes.
« 2° Aux publications imprimées et éditées et aux services de communication en ligne mis à disposition du public par des personnes établies dans un pays n'appartenant pas à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen, lorsque ces publications et services de communication en ligne ne sont pas principalement destinés au marché communautaire.
« Toute opération de parrainage ou de mécénat est interdite lorsqu'elle est effectuée par les fabricants, les importateurs ou les distributeurs des boissons sucrées relevant du code NC 2202 du tarif des douanes ou lorsqu'elle a pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité directe ou indirecte en faveur des boissons sucrées relevant du code NC 2202 du tarif des douanes.
« Art. L. 3232‑11. – Est considérée comme propagande ou publicité indirecte la propagande ou la publicité en faveur d'un organisme, d'un service, d'une activité, d'un produit ou d'un article autre que les boissons sucrées relevant du code NC 2202 du tarif des douanes. lorsque, par son graphisme, sa présentation, l'utilisation d'une marque, d'un emblème publicitaire ou un autre signe distinctif, elle rappelle les boissons sucrées relevant du code NC 2202 du tarif des douanes.
« Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables à la propagande ou à la publicité en faveur des boissons sucrées relevant du code NC 2202 du tarif des douanes qui a été mis sur le marché avant le 1er janvier 1990 par une entreprise juridiquement et financièrement distincte de toute entreprise qui fabrique, importe ou commercialise boissons sucrées relevant du code NC 2202 du tarif des douanes. La création d'un lien juridique ou financier entre ces entreprises rend caduque cette dérogation.
« Art. L. 3232‑12. – La retransmission des compétitions de sport mécanique, contenant de la publicité directe ou indirecte en faveur des boissons sucrées relevant du code NC 2202 du tarif des douanes et qui se déroulent dans des pays où la publicité pour les boissons sucrées relevant du code NC 2202 du tarif des douanes est autorisée, peut être assurée par les chaînes de télévision.
« Art. L. 3232 13.– I. – Les fabricants, les importateurs et les distributeurs de boissons sucrées relevant du code NC 2202 du tarif des douanes. ainsi que les entreprises, les organisations professionnelles ou les associations les représentant adressent chaque année au ministre chargé de la santé un rapport détaillant l'ensemble des dépenses liées à des activités d'influence ou de représentation d'intérêts.
« II. – Sont considérées comme des dépenses liées à des activités d'influence ou de représentation d'intérêts :
« 1° Les rémunérations de personnels employés en totalité ou en partie pour exercer des activités d'influence ou de représentation d'intérêts ;
« 2° Les achats de prestations auprès de sociétés de conseil en activités d'influence ou de représentation d'intérêts ;
« 3° Les avantages en nature ou en espèces, sous quelque forme que ce soit, d'une façon directe ou indirecte, dont la valeur dépasse 10 €, procurés à :
« a) Des membres du Gouvernement ;
« b) Des membres des cabinets ministériels ou à des collaborateurs du Président de la République ;
« c) Des collaborateurs du Président de l'Assemblée nationale ou du Président du Sénat ;
« d) Des parlementaires ;
« e) Des personnes chargées d'une mission de service public que leur mission ou la nature de leur fonction appelle à prendre ou à préparer les décisions et les avis des autorités publiques relatifs aux produits du tabac ;
« f) Des experts, personnes physiques ou morales, chargés, par convention avec une personne publique, d'une mission de conseil pour le compte d'une personne publique qui a pour mission de prendre ou de préparer les décisions et les avis des autorités publiques relatifs aux produits du tabac.
III. – Le rapport mentionné au I indique, pour chaque entreprise tenue de l'établir :
« 1° Le montant total des rémunérations mentionnées au 1° du II et le nombre des personnes concernées ;
« 2° Le montant total et l'identité des bénéficiaires des dépenses mentionnées au 2° du II ;
« 3° La nature et l'identité du bénéficiaire de chaque dépense mentionnée au 3° du II. »
Cet article additionnel vise à interdire la publicité sur les boissons sucrées et les sodas. En effet, ces produits posent de graves problèmes de santé publique par leur consommation excessive, que la publicité vise à obtenir.
Cet amendement est d'autant plus recevable que les amendes prononcées en conséquence de la méconnaissance de cette interdiction sont des recettes affectées au financement des régimes obligatoires de base, en conformité avec le 1° du B du V de l'article LO 111‑3 du code de la sécurité sociale : (« Peuvent figurer dans la partie de la loi de financement de l'année comprenant les dispositions relatives aux recettes et à l'équilibre général pour l'année à venir, outre celles prévues au C du I, les dispositions : « 1° Ayant un effet sur les recettes de l'année des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement, ou relatives, (...) »).
Interdire la publicité sur les boissons sucrées permet, sinon de réduire directement leur consommation, au moins de ne pas la promouvoir.
En effet, la consommation excessive de sucre, notamment par le biais des boissons sucrées, est encouragée par la publicité. Pourtant, ces boissons ont une densité calorique majeure : elles apportent un taux de calories élevé, mais aucune sensation de satiété, ce qui fait que leurs consommateurs ont l'impression de s'être simplement désaltérés, alors qu'en réalité ils ont ingurgité une grande quantité de calories, sans en avoir pleinement conscience. La publicité, axant son message sur le goût agréable, la convivialité, vise à baisser encore la conscience que les sodas apportent une grande quantité de calories, en en banalisant la consommation.
Comme le démontre l'économiste et philosophe Adam Smith dans La Richesse des nations : « Le sucre, le rhum, le tabac sont des produits universellement consommés mais nulle part nécessaires à la vie, ils s'avèrent donc particulièrement propices à la taxation. » Or, cette taxation, tout comme pour le tabac, a pour but et effet de réduire leur consommation. Dans la même logique que la législation sur le tabac, qui a interdit depuis 1976 sa publicité directe et détournée, il est temps de faire une législation semblable sur le sucre, qui a des effets graves sur la santé.
En effet, la surconsommation de sucre par le biais des sodas et boissons sucrées est une des causes majeures de l'obésité, et notamment de l'obésité infantile.
Or, une situation de surpoids chez l'enfant peut avoir des conséquences graves sur son avenir. Il augmente ses risques d‘obésité une fois adulte et de maladies inflammatoires de l'intestin ou hépatiques. Les répercussions peuvent également être émotionnelles, avec un risque accru de dépression à l'adolescence.
En France, un enfant sur cinq est en surpoids (1,7 million) et 3,5 % sont en situation d'obésité (450 000). Dans la population générale, ces chiffres s'élèvent respectivement à 30 % et 15 %. Chaque année, 5,6 milliards d'euros sont déboursés par l'État pour le traitement des patients, soit 4 % des dépenses de santé.
Si la progression continue à ce rythme, le nombre d'enfants en surpoids dans le monde pourrait presque doubler d'ici à 2025, passant de 41 millions à 70 millions. L'autorisation de la publicité pour les sodas, en France, y contribue nettement.
Cette hausse du surpoids infantile est accompagnée par le développement de nombreuses pathologies inflammatoires de l'intestin (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique). Auparavant rarement diagnostiquées chez l'enfant, ces maladies comptent aujourd'hui un quart de patients de moins de 10 ans. Ce constat est d'autant plus préoccupant que leurs manifestations sont plus sévères chez les enfants, et sont difficilement soignables. Les personnes qui en sont affectées en souffrent tout au long de leur vie.
Suivant une étude datant de 1992, les personnes atteintes d'obésité simple ont un risque relatif, par rapport aux personnes non surpondérées, de développer : - 25 % de plus de maladies ostéo-articulaires, - 50 % de plus de coronaropathies, - 380 % de plus de diabète de type gras, - 370 % de plus de goutte, - et 240 % de plus de maladies liées à une hypertension artérielle.
La même étude évalue à 178.000, en 1992, le nombre de décès liés à l'obésité en France.
Pire, selon rapport de l'OPECST n° 267 (2003 2004) de M. Claude Saunier, fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques, déposé le 14 avril 2004, à un certain stade de sa constitution, l'obésité devient une maladie chronique difficilement réversible, ce qui a des conséquences en cascade sur l'état de santé des personnes atteintes d'obésité infantile. Parmi les facteurs décisifs de déclenchement de l'obésité, le rapport pointe l'évolution de la disponibilité alimentaire. Or, la publicité vise à axer cette disponibilité sur des produits néfastes pour la santé.
Pire encore, le rapport montre une convergence entre les propositions alimentaires à forte densité calorique et leur faible prix. Ce qui conduit à ce que l'épidémie d'obésité frappe particulièrement les classes populaires et les personnes touchées par la pauvreté. Cela surajoute aux problèmes déjà existants des problèmes de santé. L'obésité constitue un facteur de discrimination supplémentaire des classes populaires, notamment chez les enfants. Ainsi, cela aggrave la possibilité de malaise scolaire, par la discrimination par les enfants de celles et ceux qui parmi eux sont touchés par l'obésité. Au delà des problèmes de santé directs, l'obésité ajoute des problèmes de réussite scolaire.
Pourtant, la simple substitution par l'eau des boissons sucrées a un impact substantiel sur l'obésité, d'après une enquête nationale sur la santé et la nutrition en 2003‑2004, répertoriant l'alimentation des jeunes de 2 à 19 ans, menée aux États-Unis. Pour chaque verre de soda sucré en plus, le risque de devenir obèse pour un enfant augmente de 60 %. Or, les campagnes publicitaires apportent des informations inexactes ou fallacieuses, qui prétendent que les boissons sucrées apportent, par exemple, de l'énergie et des vitamines. Les mentions légales modulant l'impact sur la santé d'une alimentation trop sucrées sont trop rapides ou trop petites pour impacter ou dissuader significativement la consommation des sodas. D'autant que ces mentions conduisent à un message contradictoire, suscitant le désir de consommation d'une part, et visant à le réduire d'autre part. Cet article simplifie cette situation en supprimant la publicité pour les sodas, afin d'en réduire la consommation. La diminution de la consommation de sodas et boissons sucrées a un impact direct sur l'obésité, donc sur la santé publique. Or, cela permet, à terme de faire de larges économies pour l'assurance maladie, vu que sont évitées nombre de complications liées au développement de maladies résultant directement d'une surconsommation de sucre.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.