Publié le 23 novembre 2018 par : Mme Obono, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Taurine.
I. – Après l'article L. 223‑2 du code de l'action sociale et des familles il est inséré un article L. 223‑2bis ainsi rédigé :
« Art. L. 223-2 bis. – Tout enfant pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance dans le cadre de l'article L. 223‑2 doit pouvoir être assisté d'un avocat dans toute la suite de ses démarches relatives à l'aide sociale à l'enfance s'il le demande ou si les services de l'aide sociale l'estiment nécessaire. Pour les mineurs non accompagnés étrangers, l'assistance d'un avocat dans toutes ces démarches est obligatoire et prise en charge par l'État.
« Le dispositif est mis en œuvre dans les conditions prévues au IV.
II. – Tout enfant étranger pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance dans le cadre de l'article L. 223‑2 peut être temporairement pris en charge par l'État en cas de défaillance budgétaire ou juridique avérées du département.
Le dispositif est mis en œuvre dans les conditions prévues au IV.
III. – L'article 388 du code civil est ainsi modifié :
1° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés ;
2° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « âge », il est inséré le mot : « ni » ;
b) Sont ajoutés les mots : « , ni à partir d'examens radiologiques de maturité osseuse ou dentaire ».
IV. – Conformément à l'article 37‑1 de la Constitution et pour une durée maximale de trois ans, le ministre de la Justice peut expérimenter, dans les départements et régions volontaires, pour un ressort maximal de deux régions et de six départements, la mise en place des dispositions du I et du II.
Ces expérimentations donnent lieu à un rapport permettant d'apprécier l'urgence et l'opportunité de généraliser une telle prise en charge ou une augmentation des moyens alloués aux départements, ainsi que la meilleure garantie des droits qui en résulte pour les mineurs, en particulier étrangers.
Par cet amendement nous proposons des mesures d'urgence pour la protection de l'enfance en matière civile par l'expérimentation de la prise en charge inconditionnelle des mineurs isolés étrangers (ou désormais mineurs non accompagnés - MNA - depuis 2016) par l'État, l'expérimentation intervention systématique d'un avocat ou d'une avocate à leurs côtés, et enfin la suppression du recours aux tests osseux .
Par ces deux expérimentations, nous souhaitons en effet mettre fin à la fin de l'hypocrisie du Gouvernement qui a consisté à se décharger sur les départements, sans leur allouer les moyens de la prise en charge des mineurs isolés étrangers (http ://www.europe1.fr/politique/mineurs-etrangers-pas-daccord-entre-gouvernement-et-departements-3597557, ce ayant mené à des situations inacceptables et catastrophiques http ://www.europe1.fr/societe/128-mineurs-isoles-dans-les-rues-de-paris-il-fait-tres-froid-cest-pas-facile-3570467). Afin que leurs droits soient garantis et qu'ils ne fassent pas l'objets d'abus de la part des administrations, nous proposons qu'ils soient assistés automatiquement d'un avocat ou d'une avocate (les abus étant non seulements historiques, voir http ://www.syndicat-magistrature.org/Mineurs-isoles-etrangers-a-Paris.html et toujours d'actualité https ://www.hrw.org/fr/news/2018/10/05/paris-situation-toujours-critique-pour-les-adolescents-migrants-arrivant-seuls). Rappelons qu'il y a quelques mois, la directrice France de Humans Rights Watch affirmait que “Les autorités de protection de l'enfance devraient s'assurer qu'aucun enfant n'est en danger à cause de procédures d'évaluation de leur âge bâclées et arbitraires.” (https ://www.hrw.org/fr/news/2018/10/05/paris-situation-toujours-critique-pour-les-adolescents-migrants-arrivant-seuls).
En outre, afin de mettre fin à ces mêmes procédures arbitraires, nous proposons la suppression des tests osseux utilisés pour déterminer, sans fondement scientifique établi, une pseudo majorité de ces personnes (voir détails ci-dessus).
En détail :
Derrière les précautions formelles de l'article 388 (dont les dispositions prétendent que ces tests sont restreints d'une part, en l'absence de documents d'identité valables, d'autre part, lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable ; que ces tests osseux ne peuvent être pratiqués que sur décision de l'autorité judiciaire, après recueil de l'accord de l'intéressé ; que les conclusions de cet examen doivent préciser la marge d'erreur, et ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur), la réalité est malheureusement bien autre…
Tout d'abord, ce type d'expertise médicale est contesté sur le plan scientifique et éthique par les médecins. Le Haut Conseil de la Santé Publique dans son rapport du 23 Janvier 2014 précise que « la maturation d'un individu diffère suivant son sexe, son origine ethnique ou géographique, son état nutritionnel ou son statut économique ». Il conclut : « Il n'est pas éthique de solliciter un médecin pour pratiquer et interpréter un test qui n'est pas validé scientifiquement et qui, en outre, n'est pas mis en œuvre dans l'intérêt thérapeutique de la personne. En cas de doute, une décision éthique doit toujours privilégier l'intérêt de la personne la plus fragile, en l'occurrence le jeune ».
Rappelons de même l'avis sans ambages de la Conférence nationale consultative des droits de l'homme en 2013 (Avis sur la situation des mineurs isolés étrangers présents sur le territoire national) :
“L'Académie nationale de médecine, le Haut Conseil de la santé publique et la communauté médicale ont plus précisément relevé que le test osseux comporte des possibilités d'erreur en ne permettant pas de poser une distinction nette entre 16 et 18 ans. Constat d'autant plus problématique que la plupart des mineurs isolés étrangers présents sur le territoire français sont âgés de 16 ans ou plus”.
De nouveau, en juin 2014, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme recommandait « qu'il soit mis fin à la pratique actuelle consistant à ordonner des expertises médico-légales de détermination de l'âge reposant sur des examens physiques du jeune isolé étranger. L'évaluation de l'âge à partir d'un examen osseux, des parties génitales, du système pileux et/ou de la dentition doit être interdite. »
De même, le Défenseur des droits s'est dit résolument opposé à l'utilisation de ces examens médicaux, qui, tels qu'ils sont actuellement pratiqués, sont à la fois « inadaptés, inefficaces et indignes ».
Et en effet, si le Gouvernement tient mordicus à imposer des tests qui n'ont pas de réelle valeur scientifique objectivement reconnue, à la fiabilité incertaine, c'est parce qu'il l'utilise comme moyen pseudo-scientifique de nier leur minorité à des migrants mineurs et à ainsi ne pas devoir leur offrir les protections dues au titre de l'ASE (aide sociale à l'enfance). Citons la priorité immédiate de la ministre Jacqueline Gourault quand les députés LFI ont évoqué la nécessité de supprimer ces tests le 3 novembre 2017 en séance publique (http ://www.assemblee-nationale.fr/15/cri/2017‑2018/20180040.asp) : “Dans le Pas-de-Calais, par exemple, les trois quarts des personnes qui se déclarent mineures s'avèrent, en fait, majeures. Il est donc important de pouvoir disposer de tous les moyens de déterminer la minorité d'un individu, conformément à la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant.”. Derrière cet article 388- dans sa rédaction actuelle - il y a donc un dispositif de “chasse” au pseudo-mineur migrant. Ceci est tout bonnement indigne.
Sous couvert de l'utilisation d'une mesure scientifique obsolète, le Gouvernement révèle que l'enjeu financier que représente l'accueil digne de migrants et de demandeurs d'asile a pris le pas sur les considérations d'humanité, et notamment la “Fraternité” qui reste le troisième principe de notre devise républicaine.
Or, sur la base des résultats de ces tests peu fiables, de graves décisions sont prises et influent sur l'avenir de ces jeunes migrants. Reconnus mineurs, ils peuvent et doivent bénéficier de la protection publique, au titre de l'enfance en danger. En revanche, reconnus majeurs, ces jeunes sont immédiatement exclus des dispositifs de prise en charge et se retrouvent à la rue.
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