Publié le 13 décembre 2018 par : M. Coquerel, Mme Autain, Mme Rubin, M. Bernalicis, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, M. Ruffin, Mme Taurine.
Cet amendement a été déclaré irrecevable après diffusion en application de l'article 98 du règlement de l'Assemblée nationale.
Cet amendement, que nous pourrons appeler « amendement CumEx Files n°1 » tend à renforcer la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales et donc à augmenter les recettes futures de l'État, en renforçant la notion d'abus de droit et en portant de 80 % à 150 % la pénalité de majoration des droits frappant les individus qui s'y essaieraient.
Nous soutenons cet article 13 bis rajouté par le Sénat ! Et nous en profitons pour rappeler qu'alors que le scandale des « CumEx files » avait déjà éclaté lors de la première lecture à l'Assemblée, les amendements que nous avions proposés pour résoudre ce problème avaient été rejetés par la majorité. Nous profitons donc du fait que le Sénat ait rouvert le débat sur ce sujet pour reproposer nos 2 amendements, qui compléteraient intelligemment l'article 13 bis du Sénat pour permettre de lutter contre cette forme de fraude fiscale.
Cet amendement permettra en effet de s'attaquer aux montages de type « CumCum » et vient donc compléter notre autre amendement qui vise directement les montages de type « CumEx ». Rappelons que ces deux types de montages sont au coeur du récent scandale des « CumEx files » révélé par Le Monde et 17 autres médias européens le 18 octobre dernier. Cet amendement permettra de récupérer une partie des 3 milliards qui échappent aux finances publiques françaises chaque année du fait de ces montages et a donc toute sa place dans la discussion budgétaire.
Nous n'avons pas attendu le scandale des « CumEx Files » pour proposer cet amendement, puisqu'il a déjà été discuté en juillet dernier lors de l'examen de la loi fraude. Pourtant, si cet amendement était adopté, cela donnerait à l'administration fiscale de meilleurs outils juridiques pour pouvoir lutter contre ce type d'optimisation fiscale agressive.
Revenons sur ce scandale des « CumEx files ». Le Monde et 17 autres médias européens qui ont enquêté conjointement ont révélé jeudi 18 octobre que plusieurs États de l'Union européenne, parmi lesquels la France, l'Allemagne et le Danemark, ont perdu environ 55 milliards d'euros à cause d'un vaste montage financier qui perdure depuis une quinzaine d'années, impliquant des traders, des banques et des avocats. Les pertes de recettes pour la France s'élèveraient à 3 milliards par an.
Les 3 principales banques françaises (BNP Paribas, le Crédit agricole et la Société générale) sont concernées par cette affaire. Jérôme Kerviel a par exemple indiqué qu'à l'époque où il travaillait à la Société Générale, au moins quatre de ses collègues travaillaient à temps plein sur ce type de montages.
Dans ce scandale, deux cas doivent ici être distingués : les CumCum (schémas d'optimisation fiscale, légaux) et les CumEx (schémas de fraude fiscale, illégaux). Cet amendement s'attaque au premier cas, en proposant de rendre illégales ces pratiques qui sont préjudiciables pour les finances publiques françaises.
En effet, il s'agit d'un phénomène de très grande ampleur. Ainsi, « l'immense majorité des investisseurs étrangers dans les sociétés cotées françaises optimisent ainsi leurs dividendes », ont confié plusieurs tradeurs interrogés pour cette affaire. En outre, pour s'en rendre compte, il suffit d'observer le volume des emprunts d'actions, qui explose autour de la date du dividende. Or, tous les spécialistes l'affirment : il n'existe pas d'autre justification que « l'optimisation » fiscale pour expliquer cette anomalie.
Pourtant, les gouvernements successifs refusent d'agir. Jérôme Kerviel avait été invité à témoigner devant la commission d'enquête du Sénat sur l'évasion fiscale, le 8 octobre 2013. 5 ans plus tard, il assure qu'il avait profité de cette audition, qui se tenait à huis clos, pour alerter le Parlement sur ce problème.
Mais ces montages peuvent continuer de se développer en toute impunité car les plus grosses sommes échappant à l'État découlent de techniques d'optimisation fiscale (acheter et vendre des titres) qui ne sont pas illégales. Sur les 55 milliards d'euros ayant échappé aux États européens, 46 milliards viendraient du cas Cum-cum, donc de schémas légaux... D'ailleurs, certains employés de grandes banques françaises indiquent même clairement qu'ils sont spécialisés dans ce type de montages sur leur profil LinkedIn et leur CV. Le Monde s'est également procuré des documents dans lesquels des cabinets de conseil proposaient à leurs clients d'échapper en toute légalité à la taxe française sur les transactions financières, à l'aide de schémas similaires.
Bercy explique que le sujet a été identifié, mais que les dossiers dans son viseur susceptibles de franchir la ligne rouge séparant l'optimisation de la fraude sont « très peu nombreux ». Car pour pouvoir les sanctionner, le fisc doit prouver que ces opérations ont une visée « exclusivement » d'optimisation fiscale et relèvent de ce qu'on appelle l'abus de droit. Mais dans le droit français actuel, la définition trop restrictive de « l'abus de droit » le rend presque inapplicable. C'est justement pour lutter contre ce type de montages que les députés de la France insoumise ont proposé lors de l'examen de la loi de lutte contre la fraude, votée il y a tout juste deux mois, de renforcer la notion « d'abus de droit » et les sanctions l'accompagnant, afin de la rendre réellement applicable et dissuasive. Mais les députés de la majorité ont refusé ces propositions, préférant garder un texte servant à faire croire que l'on s'occupe du problème, mais qui ne facilitera concrètement nullement la lutte contre la fraude fiscale, comme le montre ce dernier scandale. C'est d'ailleurs peut-être ce qui explique le silence de Gérald Darmanin, qui a refusé de répondre aux questions du quotidien Le Monde sur le scandale des « CumEx files ».
Mais maintenant que ce scandale a éclaté, nous ne pouvons penser que la majorité puisse refuser une fois de plus notre amendement, qui permettrait à l'État français de rendre illégales ces pratiques et donc de lutter contre ce phénomène de grande ampleur. Les États-Unis ou l'Allemagne ont réussi à rendre ces montages illégaux… Alors qu'attend le gouvernement français ?
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.