Publié le 14 janvier 2019 par : M. Bernalicis, Mme Autain, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Taurine, les membres du groupe La France insoumise.
Supprimer cet article.
Par cet amendement de suppression, nous souhaitons alerter sur l'importance de préserver la tenue publique des audiences et les préserver, puisque ceci est notamment une des garanties d'un service public et d'une justice au nom du et pour le peuple.
La version retenue par le Sénat nous semble présenter des garanties importantes (car cette limitation des audiences peut se faire à l'initiative des parties, par leur accord exprès), mais il nous faut revenir sur le projet initial inacceptable du Gouvernement.
En effet, le projet de loi proposé par le Gouvernement prévoit, dans cet article que devant le tribunal de grande instance il est possible de juger sans audience publique, si les parties sont expressément d'accord, ceci sans :
- pour tous les contentieux (la procédure deviendrait alors essentiellement écrite) ;
- que de plus, en dessous d'un certain seuil décidé par décret (l'étude d'impact évoque celui de 5 000 euros), la procédure peut être entièrement dématérialisée. En ce cas, elle se déroule automatiquement sans audience, sauf opposition d'une partie que le juge peut toutefois rejeter par décision motivée ;
- de plus en première lecture en Commission des lois, ce champ a été étendu aux « oppositions aux ordonnances portant injonction à payer ».
Ces mesures posent de réelles difficultés, puisque :
1) Elles remettent en cause le caractère public des audiences, qui est un acquis révolutionnaire contre la justice secrète et cloîtrée de l'Ancien régime.
=> Ici, cette remise en cause est possible sur demande des parties devant le TGI, mais en plus rendue obligatoire sauf exception, pour les contentieux en dessous d'un seuil fixé par décret pour les procédures dématérialisées. Non seulement cela signifie la mort du caractère public des audiences pour les contentieux relevant des Tribunaux d'instance (et donc la fin de la justice d'instance), mais en plus, cela s'appliquerait pour les procédures dématérialisées. Le lien entre le citoyen et le service public de la justice serait donc encore plus distendu !
2) Ensuite, le droit à avoir une audience publique est menacé. A travers son deuxième volet sur l'absence d'audience par principe pour les demandes en dessous d'un seuil défini par décret, le droit à une audience publique pour les parties est mis en cause, puisque même si une partie est d'accord pour une procédure dématérialisée, elle pourra ensuite se voir refuser une audience.
3) En outre, le droit du peuple français à avoir une justice publique n'est plus pris en compte. Cette logique de désagrégation de l'entité politique démocratique voulue par le Gouvernement au profit des seuls choix d'individus justiciables nie la solidarité, et le caractère démocratique et collectif de la justice. Celle-ci doit rester publique, et accessible à toutes et à tous. Selon l'adage, “la justice ne doit pas seulement être rendue, mais également montrer qu'elle a bien été rendue” (“Justice must not only be done ; it must also be seen to be done”)
En détail :
Concernant la publicité des audiences : l'article 14 du titre II de la Lois des 16 et 24 août 1790 sur l'organisation judiciaire dispose ainsi que “En toute matière civile ou criminelle, les plaidoyers, rapports et jugements seront publics ; et tout citoyen aura le droit de défendre lui-même sa cause, soit verbalement, soit par écrit.”.
Ce principe fondamental est lié au fait que la justice est rendue au nom du peuple français. L'article L. 111‑1 du code de l'organisation judiciaire précise ainsi “Les juridictions judiciaires rendent leurs décisions au nom du peuple français.”.
De plus, ce principe même de la publicité des débats, des audiences et de la procédure est réaffirmé dans les grands textes de droit international protecteurs des droits et libertés fondamentaux. L'article 6 (droit à un procès équitable) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales affirme ainsi clairement que “Le jugement doit être rendu publiquement (...)”.
Le Gouvernement souhaite donc ici, dans une volonté manifeste de diminuer la charge de travail des magistrats et des greffiers, plutôt que de donner au service public de la justice les moyens humains et financiers nécessaires, de sacrifier le caractère public des audiences, qui est un acquis démocratique, non seulement pour les justiciables, mais pour le peuple et pour notre société.
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