Publié le 29 mars 2019 par : M. Bernalicis, Mme Autain, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Taurine.
Le Gouvernement remet un rapport sur l’évolution du statut de sapeur-pompier volontaire et les dérives et abus relatifs à son utilisation incluant l’usage du double-statut à des fins économiques et le non-respect des droits sociaux (temps de travail, repos, vacations…).
Ce rapport évalue la compatibilité du statut de sapeur-pompier volontaire, qui ne relève pas du salariat et se distingue de celui de sapeur-pompier professionnel mais qui doit être protecteur, avec le droit national et le droit communautaire et les mesures à prendre pour protéger ce statut afin de perpétuer le modèle française de sécurité civile.
Par cet amendement, nous proposons d’aller plus loin dans la définition du statut de sapeur-pompier volontaire (SPV) afin de lever les ambiguïtés qui lui sont propres et d’assurer une meilleure protection des SPV.
- En effet l’article 13 prévoit :
- seulement de qualifier l’engagement des SPV comme « altruiste et généreux » pour interpeller le Gouvernement sur l’application de la directive 2003/88/CE relative au temps de travail.
Ceci semble manifestement insuffisant au regard des nombreux enjeux qui ont été évoqués par les syndicats que nous avons auditionnés : double-statuts qui font de nombreux sapeurs pompiers professionnels (SPP) des SPV contraints, détournement des SPV comme variable d’ajustement des manques structurels d’effectifs de SPV, situations de précarité, etc...
Nous demandons au Gouvernement d’établir un rapport sur ce statut pour soulever les problèmes actuels de ce statut bâtard, entre volontariat et salariat, qui se doit être protégé, et de proposer des solutions car la situation actuelle déroge elle même aux mesures déjà dérogatoires
En détail :
Cet article a été proposé dans le contexte particulier d’un arrêt du 21 février 2018 de la Cour de justice de l’Union européenne qui a estimé que la directive de 2003 sur le temps de travail *1* s’appliquait aux sapeurs-pompiers volontaires belges mais devrait alors s’appliquer à l’ensemble des pays de l’U-E, dont la France.
A première vue les inquiétudes concernant l’application de cette directive à la France posent de nombreuses autres questions, car notre modèle de sécurité civile repose principalement sur le volontariat. En effet, les sapeurs-pompiers naissent comme composante de la Garde nationale créée en 1789 et constituée de citoyens volontaires qui s’engageaient sans contrepartie financière, origine de notre culture du volontariat actuelle. Cela explique pourquoi les sapeurs-pompiers volontaires représentent 79 % des sapeurs-pompiers alors que les sapeurs-pompiers professionnels n’en représentent que 21 %. Menacer leur existence et le déroulement de leurs missions par l’application de cette directive, peut paraître, alors, sensé.
Seulement, depuis maintenant plus de dix ans le modèle du volontariat s’est quelque peu étiolé, en devenant moins attractif et cette carence ne semble pas avoir été compensé par un recrutement - pour le coup « non volontaire » selon des syndicats que nous avons auditionnés - de SPP (qui ont donc un « double statut »). Aujourd’hui, on constate de nombreuses dérives dans l’utilisation de ce statut de SPV, que plusieurs syndicats désignent comme de l’exploitation d’une main d’oeuvre moins coûteuse.
- La synthèse de la CGT des rapports des Chambres régionales des comptes 2018‑2019 souligne l’augmentation du mécanisme de « double-statut » permettant à un SPP de prendre la casquette de SPV afin de s’occuper de missions à moindre-coût et de cumuler des heures de travail (gardes, astreintes, vacations) manquant dangereusement aux règles du temps de travail car ce cumul n’est pas ou peu suivi. Cette double casquette trouble les statistiques et effectifs et contourne le droit du travail, à ce titre la directive de 2003 limitant notamment à 48 heures le travail hebdomadaire semble protectrice pour ces SPV qui sont in fine de véritables salariés
- Alors que nous nous battons en France pour maintenir les 35 heures et que nous allons plus loin en matière de protection des travailleurs que la plupart de nos voisins européens *2* comment pouvons-nous demander à déroger à une telle directive imposant une durée hebdomadaire maximum de 48h ? Ne serait-ce pas hypocrite ? Ne faut-il pas plutôt ouvrir les yeux sur la précarité du statut de SPV et assurer de nouvelles protections afin de redonner envie de rejoindre cette aventure et de contribuer au renouvellement des générations au sein de notre modèle actuel ?
- Protéger le statut de SPV, oui ! Mais refuser l’application d’une directive pour des raisons simplement économiques, non ! Les SPV ne doivent pas simplement être une main d’oeuvre ajustable sous-payée (entre 7,74 € et 11,63 € de l’heure) pour compenser le manque d’effectifs des professionnels.
Cette liste n’est pas exhaustive mais explique bien pourquoi, tout en reconnaissant le caractère « altruiste et généreux » de cet engagement, nous demandons au Gouvernement de se pencher sur le statut de SPV et ses abus.
*1* https ://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do ?uri=OJ :L :2003 :299 :0009 :0019 :fr :PDF
*2* https ://www.europe1.fr/economie/temps-de-travail-comment-font-nos-voisins-europeens-2916347
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