Publié le 3 octobre 2019 par : Mme Ramassamy, Mme Meunier, M. Mbaye.
Après l’article 336‑1 du code civil, il est inséré un article 336‑2 ainsi rédigé :
« Art. 336‑2. – Lorsque l’état civil de l’enfant a été établi par une autorité étrangère en conformité à une décision de justice de ce pays faisant suite à un protocole de gestation pour autrui, cet état civil est transcrit intégralement dans le registre des Français nés à l’étranger sans contestation possible, à condition que la décision de justice soit conforme aux lois locales applicables, que le consentement libre et éclairé de la femme qui a porté l’enfant soit reconnu par cette décision et que les possibilités de recours envers ladite décision soient épuisés. »
Le maintien de la prohibition de la GPA en France ne doit pas avoir pour conséquence pour les enfants nés par GPA à l’étranger de souffrir d’une situation d’instabilité juridique pouvant aller jusqu’à la privation de leurs droits élémentaires alors qu’ils ne sont en rien responsables de leurs conditions de naissance. Cette discrimination, condamnée à plusieurs reprises par la Cour Européenne des Droits de l’Homme, ne doit plus exister.
La solution proposée par la Cour de cassation par sa jurisprudence de juillet 2017 est insuffisante car elle ne permet pas de reconnaître la filiation envers la mère d’intention - en la renvoyant à une improbable adoption intraconjugale - ce qui exclut les célibataires, les veuves, les femmes séparées, vivant en union libre ou marié à un ressortissant étranger, tout en mettant les enfants dans une instabilité juridique insupportable le temps du déroulement de la procédure et des éventuelles contestations. La décision de la cour de cassation en date du 5 octobre 2018 qui a demandé un avis à la CEDH sur la mère d’intention est la parfaite illustration de l’incapacité de la jurisprudence actuelle à respecter complètement la Convention EDH. En effet, dans son avis du 10 avril 2019 en réponse à cette demande, les juges ont rappelé l’obligation de reconnaître la filiation envers les deux parents mentionnés dans l’acte de naissance étranger. Ils précisent que la mise en œuvre de cette reconnaissance de la filiation doit être effective et faite avec célérité, au plus tard quand le lien de filiation s’est concrétisé. Or l’adoption intraconjugale n’est pas effective car légalement impossible pour une majorité de femmes, et ne peut être mis en œuvre avec célérité puisqu’il faut déjà passer par une procédure de transcription partielle (actuellement plus d’un an de délai) avant de pouvoir entamer une longue procédure d’adoption qui fait souvent l’objet de contestations, notamment en matière de consentement à l’adoption. Ainsi il apparaît clairement que la solution de l’adoption intraconjugale ne peut à elle seule respecter les exigences définies par la CEDH et met les enfants dans une situation de fragilité inacceptable. Des nouvelles mesures sont donc nécessaires pour respecter les droits de ces enfants.
Dans son rapport de 2018, le Conseil d’État a pour ces mêmes raisons de fragilité inacceptable a écarté la solution de l’adoption intraconjugale pour établir la filiation envers la femme qui n’a pas accouché dans le cas d’une PMA au sein d’un couple de femmes. La révision des lois de bioéthique se doit d’être cohérente : on ne peut établir un mode de filiation envers une femme qui n’a pas accouché pour protéger les enfants nés par PMA et refuser cette même protection aux enfants nés par GPA.
La situation des enfants nés par GPA rappelle sous de nombreux points la discrimination que subissaient les enfants nés hors mariage et qui n’a finalement cessé complètement qu’en 2006, là également après plusieurs condamnations de la CEDH. Il s’agit toujours de faire payer aux enfants les actes de leurs parents sous couvert de dissuasion et de montrer l’exemple. Cela n’a jamais fonctionné, et ce n’est pas en privant de droit les enfants adultérins que l’adultère a reculé. Il est tout autant absurde et illusoire de vouloir dissuader les parents d’avoir recours à la GPA en punissant leurs enfants alors que ce recours à la GPA à l’étranger est inévitable car parfaitement légal depuis la jurisprudence de 2004 et est conforté par plusieurs jurisprudences européennes.
A l’instar de la plupart des pays européens qui ont statué sur cette question comme l’Espagne, l’Angleterre, l’Allemagne, l’Autriche et la Belgique, il convient de reconnaître les décisions étrangères en matière de filiation suite à une GPA dans l’intérêt de l’enfant dès l’instant où elles respectent les droits élémentaires de chacun et en premier lieu, de la femme qui a porté l’enfant.
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