Publié le 25 novembre 2019 par : Mme Forteza.
Après le titre V de la loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, il est inséré un titre Vbis ainsi rédigé :
« Titre Vbis
« De la sobriété énergétique du numérique
« Art. 55‑1.– En vue de diminuer les émissions de gaz à effet de serre liées à la consultation de vidéos en ligne, les vidéos disponibles sur les plateformes en ligne au sens de l’article L. 111‑7 du code de la consommation sont proposées par défaut dans une qualité combinant un confort suffisant pour l’utilisateur et la consommation de données la plus faible possible.
« Art. 55‑2. – Le lancement automatique d’une seconde vidéo non sollicitée par le consommateur après consultation d’une première vidéo sur une plateforme en ligne au sens de l’article L. 111‑7 du code de la consommation est interdit.
« Art. 55‑3. – Les éditeurs d’applications mobiles ainsi que les hébergeurs de contenu de tiers font figurer en accompagnement de chaque application proposée au téléchargement sur le territoire français un indice d’impact environnemental de cette application indiquant les émissions moyennes de gaz à effet de serre associées à son utilisation au regard du volume de données dont cette utilisation requiert le transfert.
« L’indice est calculé à partir de données de référence mises à disposition par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.
« Art. 55‑4. – Les logiciels de navigation sur internet affichent en temps réel un indicateur de l’empreinte carbone cumulée associée à la navigation depuis l’ouverture du navigateur.
« L’indicateur se fonde sur des données moyennes d’émission mises à disposition par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.
« Art. 55‑5. – Les modalités d’application du présent titre sont déterminées par décret en Conseil d’État. Les dispositions du présent titre entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2021. »
Cet amendement vise à lutter contre le gaspillage de ressources naturelles utilisées pour la transmission et le stockage de données numériques, notamment en termes de consommation d’énergie. L’usage du numérique est en effet associé à une forte consommation d’énergie, à la fois pour produire les terminaux numériques (téléphones, ordinateurs, etc.) puis pour les charger. Cette consommation d’énergie est elle-même source d’émissions de gaz à effet de serre très importantes : le numérique émet 3,7 % des émissions de GES mondiales. Ce chiffre était de 2,5 % en 2013 soit une augmentation de 50 %, et risque de doubler d’ici 2025 selon le rythme actuel de croissance des usages du numérique. Pour comparaison, l’ensemble des véhicules légers dans le monde émet 8 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales, et le transport aérien civil 2 %.
On observe un phénomène récent d’explosion de la consommation d’énergie par le secteur du numérique, dû en majorité aux vidéos en ligne, qui représentent 80 % des flux de données dans le monde en 2018. Nous prenons actuellement conscience de l’impact carbone extrêmement fort de ces usages. Les émissions de gaz à effet de serre associées aux vidéos à la demande dans le monde équivalent aux émissions d’un pays comme le Chili, soit plus de 100 MtCO2/an. Les vidéos pornographiques représentent une part très importante de la consommation de vidéos en ligne et donc des émissions de GES associées au numérique : elles consomment à elles seules 27 % des flux, entraînant l’émission de 80 millions de tonnes de CO2, soit l’équivalent des émissions des bâtiments ou de l’industrie en France*.
Le numérique continue à être vu comme un outil immatériel peu consommateur de ressources et d’énergie, alors que chaque octet transféré ou stocké sollicite des terminaux (téléphones, ordinateurs) et des infrastructures (centres de données, réseaux) consommateurs d’énergie. L’empreinte matérielle du numérique est sous-estimée par ses utilisateurs en raison de la miniaturisation des équipements et de l’invisibilité des infrastructures utilisées.
Pour amorcer la prise de conscience indispensable à l’adoption de comportements numériques plus sobres, cet amendement propose quatre mesures destinées à agir sur le comportement des utilisateurs sans porter atteinte à la liberté de navigation sur internet. Les modalités d’application de ces mesures seront fixées par décret.
Le réglage par défaut de la qualité des vidéos en ligne pourra s’adapter automatiquement en fonction du type d’écran sur lequel le contenu est lu.
Le lancement automatique de vidéos à la suite de la première vidéo visionnée pourrait être autorisée uniquement dans le cas où l’utilisateur le demande explicitement à chaque utilisation, par exemple en sélectionnant un mode de lecture en continu.
La mesure de l’impact carbone des applications mobile pourra être encadrée par décret, après consultation des acteurs concernés, en s’appuyant sur des travaux tels que ceux de la société de conseil Greenspector, qui mesure l’impact d’une application sur la durée de vie de la batterie de l’appareil, la consommation d’énergie et la vitesse de déchargement. Le projet NégaOctet pourra également être utilisé pour constituer le socle technique nécessaire à cette comparaison des applications entre elles.
L’indication par les logiciels de navigation sur internet (type Mozilla, Safari, Chrome, etc.) de l’empreinte carbone liée à la navigation pourra être inspirée du travail effectué par The Shift Project avec le projet Carbonalyser.
Les diverses méthodes de calcul des indices proposés ici pourraient être développées par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).
*Source : Climat : l’insoutenable usage de la vidéo en ligne (Juillet 2019), The Shift Project.
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