Publié le 13 janvier 2020 par : M. Bernalicis, Mme Autain, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Taurine.
Supprimer cet article.
Par cet amendement de suppression, nous voulons de nouveau poser les termes du débat : il s’agit de prendre de la hauteur et de voir ce qui motive la présente proposition de loi. La haine sur internet est un miroir grossissant de la haine existante dans la société. Par l’anonymat qu’internet permet - des individus se sentent en mesure de proférer des insultes racistes, sexistes, en fonction de l’apparence d’une personne, ou de son appartenance (ou non appartenance) réelle ou supposée à une religion et autres incitations à la haine. Cela est un fait. La question est donc de savoir comment l’on fait reculer ce sentiment d’impunité qui règne sur la toile, et quels outils on met à disposition des victimes pour qu’elles puissent se défendre. Et les enjeux ne sont pas des moindres : en fonction de là où le curseur sera placé, la liberté d’expression pourra être atteinte et certains échanges ne pourront pas avoir lieu.
Or, la loi permet déjà une prompte intervention de la justice, même sur internet. En effet, l’article 50 1 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse organise un référé spécifique contre la diffusion de propos de haine à raison de l’injure commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, ou envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap. Cet article est applicable à toute communication en ligne.
De même, l’article 6-I 8° de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, permet à l’autorité judiciaire de prescrire, en référé ou sur requête, toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne.
Si nous nous opposons à ce premier article et à cette proposition de loi dans son ensemble, nous souhaitons également souligner notre opposition à un ajout effectué par le Sénat. En effet, les contenus faisant l'objet d'une notification au sens de la loi de 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, et qui ont été rendus inaccessibles par un hébergeur, pouvaient être conservés par lui pour les besoins de la justice d'après la rédaction de l'Assemblée Nationale. Le Sénat souhaite rendre cette conservation obligatoire pour une durée fixée par décret. Tous les hébergeurs sont visés par cette disposition, et non plus ceux déterminés par le CSA. A l'instar de la Quadrature du net, nous pensons que cette mesure pénalisera les hébergeurs du web libre et décentralisé. En soumettant ces hébergeurs à des contraintes techniques supplémentaires, le développement d'alternatives aux GAFAM sera en effet davantage freiné.
Nous rappelons que tout l’enjeu de cette proposition de loi est de faire glisser la régulation des propos tenus en ligne de la compétence du juge judiciaire vers les plateformes. Il s’agit, somme toute, d’une opération de privatisation de la justice, qui ne sera pas sans conséquences : cela prive les personnes de droits de la défense que seule permet la procédure judiciaire, et cela pourra favoriser, comme ce fut le cas en Allemagne, une censure qui pourra être automatisée. Une jeune femme victime de propos racistes ou sexistes, par exemple et qui voudrait les dénoncer en les publiant, pourrait voir ses propos filtrés, dès lors qu’ils contiendraient des mots-clés refusés par l’algorithme.
À notre sens, il aurait été plus judicieux de s’assurer que les services judiciaires disposaient de suffisamment de moyens pour lutter contre la haine en ligne.
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