Publié le 11 février 2020 par : M. Ruffin, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, Mme Taurine.
Cet amendement a été déclaré irrecevable après diffusion en application de l'article 98 du règlement de l'Assemblée nationale.
Mesdames, Messieurs,
« Je suis la maman d’un enfant de sept ans atteint d’un cancer depuis deux ans et demi. » Cette lettre de Sonia m’a été remise au Cannet-des-Maures (Var), entre l’Arc de Triomphe des Gilets jaunes et leur tour Eiffel de palettes. Mère d’un petit Evan âgé de sept ans, elle témoignait sur son « parcours particulièrement chaotique et douloureux », évoquant notamment deux thèmes :
– l’urgence de donner plus de moyens à la recherche : « Mon fils est atteint d’un cancer que l’on ne sait actuellement pas soigner et la recherche est notre unique espoir de le voir grandir. En novembre cinq millions ont été accordés alors que vingt sont nécessaires d’après les chercheurs, les associations et le travail de plusieurs parlementaires, Mme Faure, M. Lagarde ou M. Simian. » ;
– le capital décès public pour les obsèques d’enfant : « Depuis l’annonce de la rechute de mon fils et le début des soins palliatifs je mets chaque mois une partie de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) que je reçois de côté afin de pallier aux frais auxquels je pourrais avoir à faire face, car les obsèques d’enfants ne donnent pas lieu à un capital décès comme c’est le cas pour un salarié. Au cours de notre parcours j’ai croisé des parents dans des situations financières catastrophiques parce qu’après avoir passé des mois au chevet de leur enfant, après avoir perdu leur enfant, ils devaient faire face aux frais d’obsèques. »
Quoi de plus terrible que de voir mourir, lentement, presque inexorablement, son enfant ? Faut-il qu’à cette horreur s’ajoute, en plus, une calamité financière?
« Depuis onze mois, je suis tous les jours à l’hôpital, je dois faire des allers-retours avec ma voiture, je ne peux pas travailler... Alors qu’en plus, il y a des frais assez lourds : par exemple, à cause de ses allergies, je dois faire des efforts sur la nutrition, ça me fait 400 € en plus, non remboursés par la Sécu. Heureusement, j’ai une amie à Mutualité sociale agricole, elle s’est débattue pour moi avec Pôle emploi, avec la Caf, etc. C’est un vrai emploi, de remplir les dossiers, de les défendre, d’apporter les pièces complémentaires... Quand tu as l’esprit ailleurs, dans les soucis de ton gosse, tu abandonnes. Par la fédération Grandir sans cancer, je connais plein de familles qui renoncent aux aides, parce qu’elles n’ont pas la force, pas le temps. À la place, elles vivent de revenus associatifs, de la générosité publique... Mais le pire, à la fin, ce sont les frais d’obsèques : 3 350 € en moyenne. Je mets de côté tous les mois. C’est effrayant, de préparer comme ça l’enterrement de ton enfant encore vivant. Mais il y a des parents qui n’avaient plus rien, les huissiers les ont poursuivis... »
C’est à la porte de Stéphane Vedrenne, co-fondateur de l’association « Eva pour la vie » (Bordeaux) - du prénom de sa fille décédée - que viennent parfois frapper les familles en détresse :
« Une maman n’arrivait plus à payer mille euros aux pompes funèbres. Elle était menacée de saisie par les huissiers. Les pompes funèbres voulaient être payées. On a payé les mille euros, on a appelé les huissiers :
“Vous vous rendez compte ?
“– On fait notre boulot…”, ils ont répondu.
D’autres, des administratifs, des pouvoirs publics, nous répondent : “Ah, c’est dommage, vous auriez dû souscrire une assurance obsèques…”. Mais qui pense à ça ? Vous luttez pour que votre gosse vive ! Faut arrêter d’être déconnecté ! »
*
Si « solidarité nationale » a un sens, c’est bien en ce moment effroyable qu’elle doit s’exprimer. Pour ne pas ajouter la misère au chagrin. Pour qu’à la perte d’un enfant, ne se joignent pas une charge financière ou des démarches compliquées.
À ce jour, lors du décès d’un enfant gravement malade, les familles doivent gérer seules les obsèques. À une question de notre collègue Lise Magnier (déposée le 5 février 2019), le ministère de la santé répond, en substance, que les dispositifs existants sont suffisants, évoque des aides potentiellement versées par l’action sociale des CAF. Mais, ces aides sont d’un montant variable d’un territoire à un autre, et surtout, elles sont conditionnées à l’examen d’un dossier, lourd à produire, à l’issue incertaine, en un moment tragique où, pour ne pas sombrer, pour remettre leur existence d’aplomb, les pères et les mères ont bien d’autres urgences que d’apporter leurs attestations de logement et autres déclarations de revenus.
Aussi, pour épargner aux familles cette charge financière, ces tracas administratifs, nous proposons une aide automatique, sans condition de ressources, pour tous les décès d’enfants. Qu’il s’agisse d’une maladie, ou des suites d’un accident, peu importe la cause.
Ce dispositif, le « capital décès », existe déjà chez les salariés : une somme de 3 450 € est versée aux proches, lorsque le disparu a durablement cotisé.
Nous demandons un rapport sur l’instauration d’un nouveau dispositif sur ce modèle.
Le coût pour la collectivité en est dérisoire :
En 2017, l’INSEE estime qu’il y a eu environ cinq mille décès de jeunes, de moins de 21 ans, c’est-à-dire susceptible d’être « enfant à charge », tel que défini à l’article L. 512 du code de la sécurité sociale. Soit une dépense estimée de 17 millions d’euros par an.
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